« Vis à la campagne pour toi, au lieu de vivre à la ville pour les autres », telle aurait pu être la maxime de la famille Meurisse. Avec sa sœur et ses parents, Catherine vient s’installer au cœur des Deux-Sèvres dans une ferme qu’ils vont rénover. C’est dans cet endroit enchanteur que leurs racines vont grandir, dans ce sol caillouteux à l’abri des arbres qu’ils y planteront. L’autrice met en scène son enfance dans Les grands espaces, un hymne à la nature et à la sérénité. Tendre, poétique et drôle.
De Niort au cœur de la campagne
Dans les années 80, Catherine, ses parents et sa sœur migrent vers le Mellois, au cœur des Deux-Sèvres alors qu’elle est encore petite. Son papa est ingénieur des forêts et sa maman, mère au foyer. La petite famille s’installe dans une ferme sur la route du Chabichou, le célèbre fromage de chèvre dont raffole Ségolène Royal, alors députée de la circonscription.
« Sur cette terre qu’aucun de nos aïeux n’avait habitée, notre histoire prit racine »
Alors que tout autour est pesticides de Monsanto, le lieu va devenir un havre de paix et de sérénité. Il n’y a que quatre murs et un toit sur cette grande bâtisse. Il faut donc tout aménager. Ce que le papa fait avec hardeur et gaité. Mieux, les toilettes sont à l’extérieur, à l’ancienne.
Musée à 50 centimes
Pour Catherine et sa sœur, la ferme est un endroit rêvé pour découvrir la faune, la flore et les vestiges historiques anciens. Le jardin est alors un immense terrain de jeu où les deux fillettes creusent et trouvent des trésors inestimables.
Elles installent alors un musée – comme celui de Pierre Loti qu’elles ont visité à Rochefort – pour exposer au monde entier la richesse de ces pièces uniques. 50 centimes l’entrée pour admirer amanites, poteries, bouses, clous et même Sainte-Bernadette des Templiers.
Les grands espaces : l’enfance qui réchauffe
La légèreté fut son album post-attentats de Charlie Hebdo où elle fut une rescapée, celui d’une catharsis par le dessin, comme celui du même nom par son ami Luz. Les grands espaces sera-t-il celui de la renaissance, de l’envie et de l’humour ? Quoi de mieux pour renaître que de raconter son enfance avec ses moments réconfortant. La magie de l’enfance qui efface les douleurs.
Les grands espaces, c’est chaud, c’est doux, c’est tendre et c’est drôle. Comme elle l’avait touché avec Moderne Olympia, Savoir-vivre ou mourir ou encore La vie de palais (avec Richard Malka), c’est son œil acéré qui pique pour apporter cet humour moderne et d’une grande liberté. Tout est propice dans cet album à rire : le musée et les trésors découverts, la fête du Chabichou ou même la visite au Louvre. Ajouter à cela, des parents qui ont le bon mot et tout part dans des sourires à chaque page.
Les grands espaces : l’hymne de nos campagnes
Et si le paradis sur Terre se situait dans le Mellois ? En tout cas, Catherine Meurisse et sa famille ont passé d’inoubliables moments et cela se ressent tout au long de l’album. A part pour aller à l’école, les deux sœurs ne quittent pratiquement jamais la ferme : « Nos activités étaient intra-muros. Il y avait tant à faire… Planter, greffer, tailler, labourer, arroser… Réparer la toiture, jointer un mur. Suivre avec admiration les gestes experts de ma mère, sa main verte capable de rendre toute plante heureuse… S’émerveiller de l’amitié entre mon père et ses abeilles. Sortir de ce paradis, c’était prendre le risque d’être en colère. «
Les grands espaces, c’est l’hymne de nos campagnes. Une ode à la nature, aux arbres, aux plantes, aux fruits, aux légumes, aux animaux et aux saisons. On aime les arbres, on aime bouturer et on aime planter, notamment les haies qui apporte l’enracinement qui retient les pluies, qui coupent les vents, qui servent de lieux d’habitation pour les oiseaux et autres rongeurs. Bon sang de remembrement qui a tué le bocage deux-sévrien !
Cette nature est aussi sublimée par l’apport des grands textes littéraires qui émaillent l’album. Chez les Meurisse, on aime les grands espaces mais aussi la littérature et les Arts. Catherine dessine déjà et sa sœur aime se promener avec un livre sous le bras tel Le roman d’un enfant de Pierre Loti.
On passe un excellent moment de lecture dans ces grands espaces, un lieu unique, un cocon pour grandir en toute sérénité et du réconfort pour continuer à dessiner. Une nécessité !
- Les grands espaces
- Autrice : Catherine Meurisse
- Coloriste : Isabelle Merlet
- Editeur : Dargaud
- Parution : 21 septembre 2018
- Prix : 19.99€
- ISBN : 9782205074505
Résumé de l’éditeur : Catherine Meurisse a grandi à la campagne, entourée de pierres, d’arbres, et avec un chantier sous les yeux : celui de la ferme que ses parents rénovent, afin d’y habiter en famille. Une grande et vieille maison qui se transforme, des arbres à planter, un jardin à imaginer, la nature à observer : ainsi naît le goût de la création et germent les prémices d’un futur métier : dessinatrice. Avec humour et tendresse, l’auteure raconte le paradis de l’enfance, que la nature, l’art et la littérature, ses alliés de toujours, peuvent aider à conserver autant qu’à dépasser. Les Grands Espaces raconte le lieu d’une enfance et l’imaginaire qui s’y déploie, en toute liberté.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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