Très bel hommage à Photonik, la série de Ciro Tota, Luminary est un excellent univers de science-fiction créé par Luc Brunschwig et Stéphane Perger. Riche, haletant et intelligent !
Pic de chaleur au Rivera Circus
Pittsboro, Etats-Unis, 1977. Depuis quelques jours, les présentateurs météo annoncent un fort pic de chaleur sur l’ensemble du pays. Dans le cirque Rivera, c’est délicat avec les animaux qui souffrent autant voire plus de la canicule que les êtres humains. Surtout que Manasa, la tigresse va mettre bas. Alors que les petits sont mal engagés, Billy le garçon à tout faire, entre dans la cage et réussit à calmer la future mère.
Tout le monde est surpris par le don extraordinaire du jeune garçon noir. Il peut entrer en contact avec les animaux. Une aubaine pour le propriétaire du cirque…
Pic de chaleur à New-York
A l’opposé du pays, à New-York, la situation n’est pas mieux. Un gigantesque rayon lumineux traverse la ville et brûle tout sur son passage. Henkel, le marchand de glaces, ex-professeur émérite, se précipite hors de son camion et vient en aide à un jeune adolescent allongé nu sur le sol.
Le vieil homme semble bien Darby. Il le relève, le met dans sa voiture et part en trombe. Il faut souligner que le jeune garçon au milieu du rayon lumineux n’a subit aucune égratignure. Pourquoi ?
Luminary : rendre hommage à Photonik
Comme il l’explique dans la postface de l’album, Luc Brunschwig a toujours voulu rendre hommage à Photonik, une série de science-fiction créée par Ciro Toto en 1980 dans le mensuel Mustang des éditions Lug. Jusqu’en 1987, la revue a donc accueilli dans ses pages, Taddeus, Dr Zigel ou encore Tom Pouce, les protagonistes de cette saga. Si elle court sur 7 années, Ciro Tota n’en fut pas le seul animateur. N’allant pas assez vite pour une parution mensuelle, il fut remplacé par Jean-Yves Mitton pour le dessin.
Depuis tout jeune, le scénariste de Holmes est un fan de Photonik, au point de proposer ses services pour écrire de nouvelles histoires du super-héros français alors qu’il n’a que 18 ans. A peine le temps de jubiler que Lug annonce l’arrêt des créations originales dans son catalogue, faute de moyens financiers. C’était sans compter sur la persévérance de Brunschwig. Il y a 6 ans, il proposa à Tota un reboot de son personnage. Il accepte mais lui demande de ne pas appeler sa série Photonik pour avoir plus de liberté. Le projet est en route. Une longue attente de 30 ans…
Même base mais de grandes libertés
Luc Brunschwig reprend donc les bases de Photonik pour Luminary. Il garde l’enfant bossu qu’il appelle Darby, le professeur Zigel devient Henkel et Tom Pouce devient Billy.
Il donne alors un tempo haletant et accrocheur à son récit par des allers-retours dans le passé, qui se croisent et s’entrecroisent avec une grande habileté. Il est fort pour cela le créateur de la superbe série Le pouvoir des innocents ! Il réussit à nous parler du passé plus ou moins proche des protagonistes sans perdre son lectorat.
Si l’on ne sait pas bien au départ ce qui se passe pour ces trois personnages, il leur imagine un destin hors-du-commun complexe, qui nous les rend rapidement attachant : Darby est bossu et rejeté par sa famille, Billy échappe à la mort à cause de sa couleur de peau et Henkel est mis au ban de la communauté scientifique à cause de ses recherches. Ainsi le trio est symbolique du rejet et de discriminations par les autres (couleur de peau, culture et anomalie physique).
Luminary : un album imminemment politique
Ce qu’il y a de bien avec la science-fiction et les récits de super-héros, c’est que l’on peut s’en servir pour faire passer des messages politiques. Si Luminary est une histoire se déroulant dans les années 70, elle fait écho, avec justesse, au problèmes sociaux de l’époque (certains n’ayant toujours pas disparu malheureusement aujourd’hui). En choisissant cette période, Brunschwig peut parler de cette Amérique encore sous le choc de la Guerre du Vietnam qu’elle a perdu. Un moment où ses habitants veulent absolument la paix.
En plus du progrès scientifique qui tombe dans des mains malveillantes, il y a le racisme qui transpire dans les pages de ce premier excellent volume. Billy est en prise avec les suprémacistes blancs et le Ku Klux Klan (un air encore aujourd’hui trop présent sous Trump) et le président de l’époque (Jimmy Carter ?) fait passer les dégâts du rayon sur le dos des noirs. On se doute alors que les arrestations, les violences et les condamnations pleuvront.
De la beauté du dessin
Si le scénario est en béton, que dire du dessin de Stéphane Perger ? Il est magistral ! Le dessinateur de Brûlez Moscou est au summum de son art. Ses planches en couleur directe sont magnifique. C’est surtout grâce à son dessin que le lecteur ne se perd pas dans les flash-backs.
Sa partie graphique est lumineuse comme le veut le titre de la série, Luminary. Le rayon qui extermine tout est beau sous ses pinceaux. Les animaux comme les hommes ont de l’allure et de la prestance.
Luminary : un début de saga de science-fiction de grande qualité. Un super-héros français lumineux porté par un formidable dessin ! Une base super riche pour de futurs opus !
- Luminary, tome 1 : Canicule
- Scénariste : Luc Brunschwig
- Dessinateur : Stéphane Perger
- Éditeur : Glénat
- Prix : 19.95€
- Parution : 09 mai 2019
- ISBN : 9782344025543
Résumé de l’éditeur : Sa part d’ombre : être un homme de lumière. Pitsboro, sud des États-Unis, juillet 1977. Une journée d’été pas tout à fait comme les autres. Les infos annoncent un pic de chaleur jamais atteint depuis plus de trente ans. Billy, jeune employé noir d’un cirque, assiste une tigresse de la troupe mettant bas. Tout le monde assiste, ébahi, au don qui lui permet de maîtriser la bête sauvage. De l’autre côté du pays, à New-York, une gigantesque explosion de lumière survient au coeur de la ville. Tout dans un rayon de plusieurs centaines de mètres a été littéralement anéanti. Tout, sauf un homme, indemne, au milieu des décombres. Cet homme, c’est Darby McKinley, admis quelques semaines plus tôt à la clinique d’où provient l’épicentre de l’explosion. Ce serait donc lui l’origine du phénomène. Reste à savoir d’où lui vient ce pouvoir. Et ce qu’il compte en faire… Avec Luminary, Luc Brunschwig et Stéphane Perger redonne vie à l’un des premiers super-héros français : Photonik, de l’illustre Ciro Tota ! Une fresque super-héroïque entièrement réalisée en couleur directe et ancrée dans une réalité contemporaine, qui n’est pas sans rappeler la série Heroes.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
En savoir