Malet

Personnage tragicomique quasiment oublié, Malet fut l’un des plus grands conspirateurs de l’histoire de France. Il revit, dans une version colorisée publiée chez Glénat, sous la plume du dessinateur et scénariste Nicolas Juncker.

Tué d’une balle dans la tête à Moscou

Napoléon n’est pas mort comme on le dit dans son lit à Sainte-Hélène des suites d’un ulcère à l’estomac mais d’une balle dans la tête à Moscou! Ainsi aurait pu s’écrire l’histoire, du moins telle que l’avait imaginée un certain Claude François de Malet, né en 1754 à Dole, dans le Jura.

Cet ancien général, ancien des mousquetaires du roi, entré dans l’armée républicaine puis révoqué, antibonapartiste, plus connu sous le simple patronyme de Malet, n’a guère eu les faveurs des manuels. En 1812 pourtant, la conspiration qu’il avait ourdie contre l’empereur, si elle avait été menée à terme, aurait peut-être changé le cours de l’Histoire…

Seuls quelques livres, films et aujourd’hui la réédition d’une bande dessinée, Malet, remettent en lumière la vie et le parcours de ce personnage hors normes. Avec Malet, un album one shot de 168 pages, Nicolas Juncker dessine et scénarise un épisode encore mal connu de cette période.

La conspiration, un moteur

Un mot-clé, un leit-motiv entêtant semble avoir rempli la vie de cet homme frustré et sans doute un peu déséquilibré. Depuis la maison de santé parisienne où se côtoient malades et prisonniers politiques, « l’ex-noble, ex-jacobin, ex franc-maçon, ex-général, ex-trafiquant, ex-putschiste », Malet n’a qu’une idée en tête : conspirer, conspirer

Et il va à lui seul, ou presque, tenter de renverser l’empire. Son idée est simple mais ingénieuse. Tandis que le « nain corse », comme il l’appelle, achève tant bien que mal sa campagne de Russie, Malet depuis Paris, va faire croire à sa mort. Comment ? En rédigeant sur un bout de papier la terrible nouvelle.

Malet déclare ainsi :  » Le plus important, ce n’est pas qu’il soit mort…C’est que tout le monde le croie ! » Aidé dans sa folle entreprise par Lafon, un prêtre sans scrupules, il parvient à « recruter » une petite bande de renégats et de bras cassés. En octobre 1812, la conspiration s’organise. Malet croit enfin toucher au but et concrétiser le rêve de sa vie…

Incroyable mais vrai

Découpé en cinq actes, ce récit prend parfois des allures picaresques et tragi-comiques. Comme le rappelle avec force son auteur, il s’appuie ici sur des faits réels. « Malet, écrit Nicolas Juncker en annexe, est une farce sur la crédulité…Une histoire vraie que personne ne croit, qui raconte une histoire fausse que tout le monde a cru ». Vieille de plus de deux siècles, elle fait étrangement écho au monde actuel, là où règnent fake news et théories du complot…

Malet, Une seconde vie en couleurs

Élégamment dessiné et encré, joliment colorisé par Brice Follet, ce récit avait été publié une première fois en noir et blanc en 2010. Glénat et sa collection Treize étrange lui redonnent aujourd’hui une seconde vie. Nicolas Juncker a également le sens du cadrage et des gros plans. Les trognes de ces militaires avinés et de ces déclassés de tous poils en proie à une folie collective sont particulièrement réussies.

Article posté le jeudi 26 septembre 2024 par Jean-Michel Gouin

Malet de Nicolas Juncker (éditions Treize étrange / Glénat)
  • Malet (nouvelle édition couleur)
  • Auteur : Nicolas Juncker
  • Coloriste : Brice Follet
  • Editeur : Glénat
  • Prix : 19, 95 €
  • Parution : 5 juin 2024
  • ISBN : 9782344062371

Résumé de l’éditeur : Paris, 1812. Malet est un ancien général incarcéré, plutôt génial et certainement fou. Il a fait un peu de tout dans sa vie, mais avec une constante : Malet conspire. De sa prison, il pense avoir trouvé le meilleur moyen de réussir un coup d’état : annoncer la mort de Napoléon ! Pas besoin que ce soit vrai, car le plus important, c’est que tout le monde le croie ! Il s’acquiert la fidélité de quelques officiers renégats, fait rédiger des faux plus vrais que nature, s’évade de sa prison et annonce la nouvelle. Et le pire, c’est qu’on y croit ! « On », c’est la garnison dépêchée pour arrêter les dignitaires de l’Empire et le peuple qui fête la mort du tyran ! Mais Malet est entouré de bras cassés, et lui-même a du mal à ne pas se laisser déborder par l’enthousiasme causé par la réussite de son plan…

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.

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