Lorsque Nicolas Juncker et François Boucq s’attaquent au putsch d’Alger, cela donne Un général des généraux, un album politico-historico-comique, une pantalonnade avec des bras cassés et un régime qui entre dans la Ve République.
De Gaulle à la retraite
Après la Seconde guerre mondiale, le général de Gaulle dirige la France pendant quelques mois avant de démissionner. Il profite alors de sa retraite à Colombey-les-deux-Eglises. Pendant douze ans, il observe de loin le pays se relever et se construire. Mais la valse des présidents du Conseil s’intensifie au gré des alliances entre partis politiques.
L’Assemblée nationale est le théâtre de manœuvres à grands coups de cris « Algérie française » ou « Indépendance de l’Algérie ». C’est dans ce contexte que Félix Gaillard laisse sa place de président du Conseil pour Pierre Pflimlin, un homme débonnaire et peu convaincant, car ayant peu de charisme.
Alger et le putsch des généraux
Alger, le 13 mai 1958. Devant le bâtiment du Gouvernement général, la foule s’est massée pour soutenir l’Algérie française. Dans les bureaux, c’est la panique. Pierre Lagaillarde, un étudiant avocat déguisé en militaire, vient de former le Comité de salut public pour lutter contre l’indépendantisme. Il se fait reprendre de volée par le général Jacques Massu, charger de pacifier le pays.
Entre alors le général Raoul Salan, commandant supérieur Interarmées de l’Algérie. Sommé de s’expliquer, Massu se fait néanmoins acclamé au balcon du bâtiment. Il décide d’intégrer le Comité de salut public pour le noyauter de l’intérieur. Pas sûr que cela fonctionne. C’est le début d’un putsch abradacabrantesque où le général de Gaulle dût user de sa personne pour redonner un semblant de paix…
Un général des généraux : relecture comique de l’Histoire
Se basant sur des faits historiques réels, Un général des généraux est une relecture comique du Putsch des généraux d’Alger. Au scénario, Nicolas Juncker, qui nous avait enchanté avec Seules à Berlin, une bande dessinée historique de grande valeur, un sublime portrait de femmes pendant la Seconde guerre mondiale.
Il faut souligner que les événements en mai 1958 en Algérie sont une vraie manne humoristique pour conter l’Histoire. Les généraux enchaînent bourdes et mauvaises solutions comme de vrais pieds nicklés. Ils ont tous des personnalités fortes mais sont complétement désorganisés, nous livrant un spectacle pathétique qui vire à la pantalonnade.
Cette relecture est donc volontairement drôle sous la plume de Nicolas Juncker. Si les historiens pourront trouver cette version un brin tirée par les cheveux, les lecteurs découvriront un événement finalement assez méconnu. Ce portrait comique de ces généraux permet aussi de donner du dynamisme et un attrait à cet fait marquant de l’histoire de l’Algérie. C’est absurde, c’est Goscinnien et c’est réussi.
De Gaulle en sauveur providentiel
En se tenant loin de tout ce capharnaüm, le général de Gaulle apparait comme l’homme providentiel. En même temps, le libérateur du joug nazi fait figure d’homme d’état. C’est assez facile de l’être compte tenu de l’imbécilité des Massu, Salan, Jouhaud, Gracieux et autre Delbecque.
Qui de mieux que François Boucq pour accompagner Nicolas Juncker dans cette folie historique ! L’auteur Little Tulip, Face de lune et Jérôme Moucherot excelle dans les caricatures de tous ses hommes politiques et militaires. Il met tout son talent comique dans Un général des généraux. Le grand prix d’Angoulême 1998 dessine de vraies trognes, avec des expressions tellement drôles que ça fonctionne à merveille.
Un général des généraux : une version comique du Putsch des généraux, un album agréable et drôle. Un superbe moment de lecture. Une très belle surprise !
- Un général, des généraux
- Scénariste : Nicolas Juncker
- Dessinateur : François Boucq
- Editeur : Le Lombard
- Prix : 22,50 €
- Parution : 04 février 2022
- ISBN : 9782808201223
Résumé de l’éditeur : Mai 1958. Alger s’embrase contre un nouveau gouvernement qui, à Paris, semble prêt à dialoguer avec les indépendantistes. Des milliers de colons se soulèvent, obligeant l’armée et ses généraux à choisir leur camp : rester loyaux à l’état ou à l’Algérie française, dernier vestige du grand empire colonial Français. Dépassés et galvanisés par la situation, les généraux s’embarquent dans un coup d’état qui devient rapidement incontrôlable… Et si seul un vieil homme à la retraite, le « dernier héros français », était capable d’arrêter cette machine folle et éviter une guerre civile ? Ce vaudeville politico-militaire donnera les clés du pouvoir à de Gaulle et sa Ve République… car juré-craché, « le Général » l’a promis à toutes et à tous : cette fois, il les a compris.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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