En 2000, Emmanuel Guibert faisait découvrir à son public Alan Ingram Cope, soldat américain pendant la Seconde Guerre Mondiale à travers 4 albums remarquables. Il poursuit sa biographie dessinée dans Martha et Alan aux éditions L’Association où il revient sur l’enfance de son héros amoureux d’une jolie jeune fille.
MARTHA ET ALAN : UNE TRÈS BELLE RENCONTRE
Pasadena, Californie, années 30. Alors qu’ils n’ont que cinq ans, Alan et Martha deviennent amis après que la fillette fut exclue d’un jeu à l’école. Protecteur, il accepte néanmoins de jouer avec elle. C’est le début d’une belle et grande histoire d’amitié qui se transformera en amour. Leurs parents deviennent amis et Alan vient souvent jouer chez Martha. Il faut dire que depuis que sa maman est décédée et que son père s’est remarié avec une femme de plus 20 ans, cette dernière n’est pas très agréable avec lui. La maison de Martha est alors un beau refuge.
Jeux dans les arbres, dans le fossé à inondation ou la chorale à l’église, les deux enfants sont inséparables jusqu’au jour où Alan est mobilisé pour le front…
MARTHA ET ALAN : FRESQUE INTIMISTE ET HISTORIQUE DE GRANDE VALEUR
Récompensée par le Prix Micheluzzi en 2009 et du Grand prix de la critique ACBD en 2013, La guerre d’Alan est l’œuvre majeure de Emmanuel Guibert. Cette fresque intimiste touchante et bouleversante met en scène un anonyme dans la guerre (trois volumes de 2000 et 2008). Cette série historique de grande qualité narrative est poursuivie en 2012 par L’enfance d’Alan. Alors que les trois premiers tomes retraçaient la vie de militaire du jeune homme, le suivant et celui-ci (Martha & Alan) mettent en scène l’enfance et l’adolescence du héros.
Hommage sensible et tendre parfois dur comme la vie, la série repose sur l’existence exceptionnelle et quasi romanesque de Alan Ingram Cope. Devenu son ami au fil des rencontres, l’auteur de La fille du professeur (avec Joan Sfar, Dupuis) dévoile une partie de cette vie simple mais finalement trépidante du jeune homme.
L’opposition des deux familles, cette amitié et cet amour de jeunesse – purs et naïfs – la religion, les interdits, les regrets, la mobilisation et le rejet sont magnifiés par une narration simple mais très forte, sans artifice. Il faut souligner que l’auteur de la belle série jeunesse Ariol (avec Marc Boutavent, BD Kids) n’emploie aucun dialogue, uniquement du récitatif accroché à ses magnifiques pages.
DES ILLUSTRATIONS PLEINE PAGE POÉTIQUES
Pour accompagner cette magnifique histoire d’amour, Emmanuel Guibert dévoile de somptueuses illustrations pleine-page poétiques. Se renouvelant sans cesse, utilisant souvent des techniques différentes pour ces ouvrages, il propose pour cet album des planches ultra-réalistes proches de la photographie surlignées par un trait noir épais. Ses belles couleurs agrémentent admirablement ces petits bijoux graphiques. Pour cela, il a puisé dans l’œuvre du peintre chinois Tang Yin qu’il a découvert lors d’un voyage en Asie.
On soulignera les six pages mettant en scène ses parents biologiques grattées comme un souvenir qui s’efface et qui sont sublimes.
- Martha et Alan
- Auteur : Emmanuel Guibert
- Editeur : L’Association
- Prix : 23€
- Parution : 21 septembre 2016
Résumé de l’éditeur : Martha et Alan, nouveau volet de la vie d’Alan Ingram Cope, nous replonge dans son enfance. Avec cet aparté, Emmanuel Guibert s’attache à un épisode tout particulier, celui d’une amitié qu’il a noué dès l’âge de 5 ans avec une petite fille de son école, Martha Marshall. De leurs jeux et bêtises d’enfants aux rendez-vous hebdomadaires au choeur de l’église presbytérienne, on retrouve Alan, bientôt orphelin, et son quotidien de petit californien dans une Amérique des années 1930 marquée par la Grande Dépression. Les années passant, Martha s’éloigne peu à peu à l’adolescence, jusqu’à des au revoir hâtifs à la veille de son départ pour l’armée. Avec ce souvenir au timbre nostalgique, Emmanuel Guibert donne une nouvelle fois voix à Alan et laisse transparaître avec pudeur le regret qui teinte l’évocation de celle qui fut son premier amour. Un récit, tout en couleur, composé d’images en doubles pages, qui restitue une Amérique surannée grâce à un dessin plus que jamais somptueux. Poursuivant ce qui devient peu à peu la fresque de la vie d’Alan Ingram Cope, Emmanuel Guibert rend le plus bel hommage qui soit à cet ami humble et extraordinaire qui disait « nous sommes les gens de qui nous parlons ».
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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