Mortesève

Après son imposant projet, Stigma, Quentin Rigaud imagine Mortesève, une nouvelle série aux éditions Casterman. Alors que des créatures gigantesques régissent la bonne marche de l’univers, l’une d’elle dévie de son chemin habituel. Avine tente alors de comprendre pourquoi les habitants de son village sont morts. Une aventure puissante entre écologie, biodiversité, mort et vie.

L’univers et les instruments

Dans un monde éloigné du nôtre, l’univers s’équilibre grâce à neuf Instruments, d’immenses créatures. Elles sont responsables des éléments de la nature, tels des divinités.

On y retrouve donc la fertilité ou la mort. Ces neuf Instruments vont et viennent par cycles de dix ans, pour garantir le bien être de la faune et la flore de cet univers. Parmi elles, Hang est l’Instrument de la fertilité.

S’établir dans la grande ville

Sur le chemin de Panarr. Sandrène et Lobert sont des artisans- commerçants. Depuis quelques temps, il est de plus en plus difficile de vendre leurs créations. Avec leurs deux enfants – Kahl et Avine – ils décident d’aller s’établir dans la grande ville.

A peine installés, ils découvrent, avec les habitants de la ville, Hang. Normalement, les Instruments sont invisibles aux yeux des mortels. Mais les Gardiens et des villageois lui ont fait appliquer de la peinture verte. L’immense créature s’arrête un journée à Panarr. De quoi l’approcher avec l’approbation de ses Gardiens et de faire la fête.

Avine, la seule survivante

20 ans et deux cycles plus tard. Lobert et Sandrène se sont séparés. Avine est verrière et tient une boutique avec son père. Kahl est l’un des Gardiens d’Hang depuis 10 ans.

Alors que l’Instrument doit arriver dans les jours qui suivent, il a du retard. Surprenant ! De son côté, Orgue, un autre Instrument, se rend à Panarr. Mais sans distinction, il fauche tous les habitants. Tous ? Non. Avine est la seule survivante. Malgré la douleur, la jeune femme tente de retrouver son frère et Hang pour comprendre pourquoi tout est déréglé…

Mortesève, une très belle aventure inclassable

Après Stigma, un pavé de 736 pages, Quentin Rigaud se modère avec un premier opus de saga de 160 pages ! L’auteur né en 1992, avant de se lancer dans le monde du 9e art, avait suivi les cours de bande dessinée de Saint-Luc à Bruxelles puis à Angoulême.

Pour son nouveau projet, Mortesève, prévu en plusieurs tomes, il imagine une intrigue en science-fiction et fantastique. Comme il le confie, son histoire s’apparenterait plus à de la fantasy puisqu’il lorgne du côté d’une ambiance médiévale. Mortesève est donc inclassable. Logique, puisque ce premier tome s’attèle à mettre en place un univers entre douceur, méditation et aventure parfois sanglante.

Les Instruments, divinités invisibles

A l’image d’une Mère Nature abstraite et qui gérerait le monde, Quentin Rigaud imagine les Instruments, neuf immenses créatures divines. Censées régir les éléments de la nature, elles sont normalement invisibles aux yeux des êtres humains. Sauf Hang, bel et bien en chaire. Cette déesse de la Fertilité a vu son corps recouvert de peinture verte.

« Ils sont pour certains inspirés dans leur forme par d’anciennes sculptures faites par ma grand-mère et retrouvés par hasard. »

Comme le hasard fait bien les choses ! Quadrupèdes gigantesques, les Instruments ont des formes très rondes et douces. Ces êtres fantastiques se déplacent lentement au gré de cycles de dix années. En cela, ils ressemblent aux créatures représentant la Lune et le Soleil dans le film d’animation Mune, le gardien de la lune de Benoît Philippon et Alexandre Heboyan.

Tout se dérègle

Mais voilà, Hang n’est pas au rendez-vous et tout se dérègle. Comme notre Terre. Le dérèglement climatique bouscule la Nature. Quentin Rigaud aborde ainsi des thématiques liées à l’environnement. Même s’il le réfute : « Je n’aurais pas la prétention de faire une parabole qui aurait pour seul sujet l’écologie, je n’ai pas le bagage scientifique et je n’en ai pas envie ». Force est de constater que tout cela s’imbrique avec justesse.

L’auteur de Stigma parle avant tout de l’articulation entre la vie et la mort. C’est ainsi qu’il a imaginé le mange-corps, un arbre qui fait disparaître les morts et se régénère grâce à eux.

Dans Mortesève, il y a le deuil, l’absence, la quête pour retrouver un frère et un monde qui disparaît.

Mortesève, un univers graphique foisonnant

Sans jamais être manichéen, Mortesève nous emporte avec une grande décontraction et facilité. L’histoire bouscule et interroge le lecteur.

Avant de définir la saga, Quentin Rigaud a trouvé le visage d’Avine sur un carnet. Il lui a apporté tout un univers  : un village, une famille et des mythes. Il suffit de se pencher sur les pages de ces carnets pour comprendre que l’auteur a décliné sous plusieurs forme tout ce monde. Le graphisme est solide, très beau et les couleurs magnifiques.

D’ailleurs, tous les matins, sur Twitch et sous le pseudo Slanmetha, Quentin Rigaud dessine des planches de Mortesève. Il interagit ainsi avec ses followeurs et leur permet de suivre l’évolution de son album.

Mortesève : un premier opus de saga intrigant, interrogateur et porté par un dessin à couper le souffle !

Article posté le samedi 17 juin 2023 par Damien Canteau

Mortesève tome 1 de Quentin Rigaud (Casterman)
  • Mortesève, tome 1 : Hang & Orgue
  • Auteur : Quentin Rigaud
  • Editeur : Casterman
  • Prix : 22 €
  • Parution : 03 mai 2023
  • ISBN : 9782203248045

Résumé de l’éditeur : Dans un monde régulé par des créatures gigantesques et quasi divines, la découverte des propriétés de leur sang va faire basculer le fragile équilibre de la vie. Suite à la disparition soudaine de tous les habitants de son village, Avine part à la recherche de Hang, l’instrument responsable de la fertilité, pour comprendre ce qu’il s’est passé…

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.

En savoir