Premier album du graphiste suisse Tobias Aeschbacher, On va tous crever, publié chez Helvetiq, a un grand avantage. Son titre est à prendre au premier degré. Alors si vous êtes prêts à lire une bande dessinée indépendante au graphisme rugueux, mais au propos réjouissant de bêtise, vous voici au bon endroit.
ON VA TOUS CREVER ET ILS LE MÉRITENT BIEN !
Trois gros bras se préparent dans une voiture. Les armes à la main, ils prennent d’assaut l’appart d’un immeuble minable, histoire de régler une affaire de vol. Mais rien ne va se passer comme prévu, d’autant que ledit immeuble est peuplé de gens vraiment chelous. Y-a-t-il des innocents ? Peut-être, mais de toute façon, ils vont tous crever !
LAISSEZ-VOUS GUIDER, VOUS ALLEZ COMPRENDRE
Une bonne bande dessinée, c’est d’abord une bonne structure narrative. Parfois, c’est discret et donc on ne s’en rend pas compte. Dans On va tous crever, c’est plus évident, alors autant le pointer. Tobias Aeschbacher compose son récit en chapitres. Chacun présentant une scène et une série d’occupants de cet immeuble de dingue. Mais ce qui se passe hors-champ, reste hors-champ. Il faut attendre le chapitre suivant pour découvrir ce que faisait le personnage avant d’entrer en action et comment ses actes vont entraîner des conséquences. Une composition assez maligne, qui permet de ménager de nombreux suspens tout en rendant plus efficaces les présentations des personnages et de leurs histoires.
ON VA TOUS CREVER OU LE GRAND N’IMPORTE QUOI
Tobias Aeschbacher n’est pas juste malin dans sa construction. Il est aussi généreux dans le granguignolesque. Tous ses personnages (ou presque) sont des minables, des glandus, des bourrins. Ils pourraient tous et toutes calmer le jeu, résoudre la situation, mais non. L’auteur préfère les pousser dans leurs retranchements, histoire que son jeu de dominos tombe bien jusqu’à la dernière pièce. À noter, l’exception d’un certain couple dont la tendresse viendra cajoler autant que déprimer le lecteur. Je vous rappelle comment ils finissent tous ?
C’est avec beaucoup d’humour et presque d’amour pour ses grands losers que le bédéaste suisse fait défiler les pages. On rit jaune, rien n’a de sens et aucun sens n’est à chercher. Pour autant, cette lecture est tout sauf un moment perdu.
LE POINT FAIBLE DU DESSIN
Bon, il y a quand même un point qui peut rebuter le lecteur, et il n’est pas petit. Le dessin est à positionner entre la BD alternative et la BD indépendante. Autrement dit, le trait tremble un peu, la composition graphique est souvent très simple, le coup de crayon austère voir un peu amateur. Tout cela manque quelque peu de maîtrise.
Mais pour autant, il y a de la constance dans le travail de Tobias Aeschbacher et son style un peu sale convient finalement assez bien à la tonalité du récit qu’il propose. La mise en couleur, très grise et terreuse, répond aux mêmes exigences. Certes, on est loin des maîtres du dessin. Mais côté narration, Aeschbacher sait répondre présent. Et ça tome bien, on lit de la Bande Dessinée, pas un recueil d’illustrations.
ON VA TOUS CREVER SI VOUS VOULEZ BIEN RIRE
Donc, passé le petit obstacle graphique, On va tous crever de Tobias Aeschbacher s’avère une bonne surprise. Publié par le petit éditeur suisse Helvetiq, c’est un album qui aura un peu de mal à percer sur les étals des libraires. Mais Comixtrip vous l’aura fait découvrir !
- On va tous crever
- Auteur : Tobias Aeschbacher
- Éditeur : Helvetiq
- Date de publication : Février 2024
- Nombre de pages : 128
- Prix : 22€
- ISBN : 9782889770069
Résumé éditeur : Un roman graphique comme un film de Tarantino. Plongez dans une aventure extravagante et complètement tarte où petites frappes, cultivateurs de cannabis et retraités amoureux partagent un destin tragique et absurde. Des escrocs qui se partagent des billets de banque. Un solitaire qui espionne sa voisine. Un vieux monsieur qui offre un gâteau. Un chat roux… Quand un trio de malfrats à la recherche d’une urne funéraire volée pénètre dans l’immeuble où résident tous ces personnages, celui-ci se fait le théâtre d’un ballet macabre où s’échangent coups de poings, tirs de balles et déclarations d’amour. Dans la veine d’un film de Tarantino, ce roman graphique du primo auteur Tobias Aeschbacher marie humour noir, situations absurdes et une once d’introspection profonde. Guidés par la bêtise, une morale décalée, des actes de violence impulsive et une cascade d’imprévus, les protagonistes se révèlent étonnamment vulnérables et dérisoires face à l’inexorable échéance qui les guette. La promesse d’un moment de lecture qui, lui, finira bien.