Le 10 juin 1944, la division Waffen SS Das Reich a réalisé un crime contre l’humanité en massacrant les habitants du village d’Oradour-sur-Glane. Anspach Éditions propose un album de bande dessinée qui est sans doute celui qu’il faut lire parmi les différentes sorties liées à la commémoration de ce terrible événement. Il se nomme Oradour-sur-Glane, l’innocence assassinée, et est l’œuvre de Jean-François Miniac, Bruno Marivain et Cerise.
Oradour-sur-Glane, l’innocence assassinée : la bande dessinée au service de l’Histoire
Le débarquement allié sur les côtes normandes a eu lieu. Les FFI (Forces françaises de l’intérieur) s’activent pour retarder le déplacement des forces allemandes à travers tout le territoire français. En Corrèze, la division Das Reich de la Waffen SS doit elle-aussi rejoindre le nouveau front. Mais entretemps, elle a une mission. Elle doit marquer les esprits pour que les habitants cessent de soutenir les « terroristes». Alors elle va faire un exemple, comme elle en a pris l’habitude sur le front de l’Est. Le village d’Oradour-sur-Glane est sa cible.
Bruno Marivain ou l’essence de la bande dessinée franco-belge
Pourquoi est-ce cet album qu’il faut retenir parmi les différentes sorties sur ce thème ? Parce que Bruno Marivain est le dessinateur le plus solide de tous ceux sélectionnés. Celui qui livre un travail qui se rapproche le plus des attendus normaux d’un album de bande dessinée, et non d’un produit culturel. Son trait est extrêmement classique (cohérent avec la ligne éditoriale de l’éditeur belge), sans surprise mais sans fausse note.
Robert Hébras, dernier survivant du massacre, avait souhaité toucher les jeunes générations avec ce projet. Il faudra que les adultes fassent la médiation pour que les lecteurs ne se cantonnent pas aux plus de 50 ans. Néanmoins, le dessin proposé est fiable et maîtrisé. Il n’y a pas de reproches à faire à l’artiste, ainsi qu’à la coloriste Cerise, qui travaille volontairement une ambiance terne, passéiste, pour offrir au lecteur une certaine distance avec un récit… difficile.
Oradour-sur-Glane, l’innocence assassinée fait œuvre de vulgarisation
Car le sujet est tout simplement horrible. On parle ici d’un massacre méthodique, organisé, d’une population civile innocente et que les Allemands savaient innocente. On est sur l’illustration de la plus méprisable inhumanité que l’extrême-droite cultive en son sein. Une barbarie qui fait écho bien évidemment, aux exactions modernes notamment russes en Ukraine.
La mise en scène ne cache aucun événement, mais veille à offrir, là encore, la juste distance pour rendre supportable l’innommable.
Jean-François Miniac livre un récit détaillé scrupuleusement, et validé par Robert Hébras en personne. Il offre au lecteur une connaissance précise des exactions commises et de l’ampleur de la méthodologie barbare appliquée. À noter que le récit veille à ne pas trop s’attarder sur les « Malgré-nous » alsaciens, qui furent pourtant l’objet d’une rancœur tenace après la guerre, de la part des familles de victimes.
Un bémol cependant
Le scénario recèle pourtant un défaut. Il manque de clarté dans le découpage des événements. La narration n’exploite pas assez les règles de la bande dessinée pour mettre en scène les changements de lieux et de temps. Trop souvent, ces changements se font en plein milieu de la page, ce qui peut perdre un lecteur un peu néophyte.
Oradour-sur-Glane, l’innocence assassinée : n’oublie jamais !
Mais comme Oradour-sur-Glane, l’innocence assassinée sera sans doute lu par des amateurs éclairés, il faut retenir le fait qu’Anspach nous livre une véritable aventure de bande dessinée qui permet de faire œuvre utile de vulgarisation historique. On aurait aimé une telle rigueur sur tous les projets développés pour cette commémoration des 80 ans de ce crime contre l’humanité.
- Oradour-sur-Glane, l’innocence assassinée
- Scénariste : Jean-François Miniac
- Dessinateur : Bruno Marivain
- Coloriste : Cerise
- Éditeur : Anspach
- Date de publication : 24 mai 2024
- Nombre de pages : 88
- Prix : 20€
- ISBN : 9782931105245
Résumé éditeur : 10 juin 1944. Remontant vers le front de Normandie, la division SS Das Reich détruit Oradour-sur-Glane, un paisible bourg de la Haute-Vienne, et y assassine 643 civils innocents. Seule une poignée d’entre eux parvient à s’extirper du village encerclé par les nazis. Parmi ces survivants, le jeune Robert Hébras. Ce crime de guerre marque à jamais sa vie comme celle des autres victimes, leurs familles et leurs proches. Au fil des ans, M. Hébras s’y est mué en témoin de l’Histoire, en symbole de la lente réconciliation des peuples : ainsi, en 2013, sa rencontre avec les présidents allemands et français dans les ruines même marque la mémoire collective. L’ultime survivant du massacre aspire ainsi à ce que cette tragédie collective soit portée par bande dessinée afin de sensibiliser davantage encore à la récurrente menace de néfastes idéologies comme du révisionnisme. C’est dans cet esprit de constante pédagogie, que Robert Hébras initie cet ouvrage choral animé par le plus scrupuleuse véracité historique, puis l’accompagne au fil de la création. Disparu en février 2023, Robert Hébras aura vu le découpage dessiné et la moitié des planches.