Oum Kalthoum

Surnommée L’astre de l’Orient, Oum Kalthoum était considérée comme la plus grande chanteuse du monde arabe. Mais qui était vraiment le Rossignol du Nil ? Plongée dans sa vie à travers un très joli roman graphique de Chadia Loueslati et Nadia Hathroubi-Safsaf.

En transe en attendant l’astre de l’Orient

Pour découvrir le destin hors du commun d’Oum Kalthoum, Nadia Hathroubi-Safsaf a pris le parti de conter la rencontre entre la chanteuse et une journaliste parisienne. Nous sommes en novembre 1967 et l’interprète vient donner un récital dans la capitale.

Avant son entretien, Diane Moulins assiste à ce concert exceptionnel. La jauge est pleine et le public est en transe en écoutant Oum Kalthoum. En trois heures, elle tient en haleine son auditoire. La foule est conquise. Mais pourquoi, cette femme met-elle les spectateurs dans cette folie positive ?

Oum Kalthoum (domaine public / wiki commons)

« Ils me reconnaissent comme l’une des leurs. Une femme du peuple. »

Cette phrase prononcée par Oum Kalthoum dans cette belle bande dessinée résume à elle seule la vie de la chanteuse. Une petite fille née dans une famille pauvre au nord du Caire devenue « la voix des arabes ».

Prénommée comme la fille du prophète Mahomet, elle nait le 31 décembre 1898 dans une fratrie de trois enfants. Son père enseigne le chant religieux, tandis que sa mère travaille dans des champs de coton à al-Sinbillaway, ville du delta du Nil.

Aller à l’école pour s’émanciper

Depuis 1882, l’Égypte fait parti du grand empire britannique. Les habitants les plus pauvres sont surexploités par l’occupant.

Mais ce qui ferait le plus plaisir à Oum, c’est d’aller à l’école, ou plutôt au Kouttab, une institution religieuse initiant aux apprentissage de la lecture et l’écriture. Son amie Aïcha l’encourage a y entrer avec elle. Il reste le plus délicat : que son père accepte.

Chanter pour s’émanciper

Oum fait son entrée au kouttab mais rapidement le cheikh, responsable des lieux, lui demande d’aider sa femme. Elle n’étudiera pas comme elle en rêvait.

Tapie dans l’ombre, la petite fille écoute son père et son frère réciter en chantant le coran. Elle les imite en cachette. Sa mère le découvre et fait écouter à son mari, ce don de dieu. Elle chante comme un rossignol.

Son père décide de la faire chanter devant des personnalités riches de la ville. Pour pouvoir accéder à ces lieux, elle est obligée de se déguiser en garçon. Il n’est pas pensable qu’une jeune fille puisse chanter.

Oum Kaltoum (domaine public / wiki commons)

Le Caire puis le monde, Oum Kalthoum, le rossignol du Nil

C’est à l’âge de 17 ans que la famille d’Oum reçoit une invitation pour aller chanter au Caire. Elle prend alors le train accompagnée par son père et son frère.

Mais c’est deux ans plus tard qu’elle retourne dans la capitale cairote pour signer son premier contrat avec Sadik Ahmed. Elle prend des cours avec Zakaria Ahmed et chante des morceaux du poète Ahmed Rami. Elle n’a plus besoin d’être déguisée en garçon. Les salles se remplissent.

« J’étais la voix du Caire qui s’invitait tous les jeudis dans les foyers d’Égypte. »

Le succès est immense. Son premier album « Si je te pardonne » se vend à 15 000 exemplaires en 1926 ! Elle débute des tournées dans le monde entier.

Elle signe alors un contrat avec la radio Masr pour donner un concert en direct tous les jeudis soirs. Des milliers d’auditeurs l’écoutent et sont conquis par la beauté de sa voix.

Elle tourne dans des films, soutient Gamel Nasser dans son combat pour l’indépendance du pays. Le futur président la surnomme la « Quatrième pyramide d’Égypte ». Elle devient un symbole pour le peuple…

Oum Kalthoum, naissance d’une diva

Pour raconter le destin exceptionnel d’Oum Kalthoum en bande dessinée, c’est Nadia Hathroubi-Safsaf qui s’y colle. La rédactrice en chef du magazine Le courrier de l’Atlas couvre sa vie en 142 pages et c’est réussi. On ne s’ennuie pas à la lecture. Toutes les étapes importantes sont décrites.

C’est un bel ouvrage pour découvrir Oum Kalthoum. Souvent on connait son nom et on connait Enta Omri sa chanson-phare mais sa vie est méconnue.

Oum Kaltoum (domaine public / wiki commons)

Oum Kalthoum sous les pinceaux de Chadia Loueslati

Ce qu’on apprécie le plus dans Oum Kalthoum naissance d’une diva, c’est la partie graphique de Chadia Loueslati. L’autrice de Famille nombreuse possède un trait tout en rondeur qui apporte de la chaleur au récit.

Le dessin est hyper lisible et les couleurs très belles. On aime le bleuté-grisé des passages avec la journaliste mais surtout l’ocre-marron-sépia des séquences dans le passé. Chadia Loueslati laisse beaucoup de place au blanc pour aérer ses planches et finalement ce blanc est éclatant.

Un héritage musical riche

Oum Kalthoum meurt le 3 février 1975 à l’âge de 76 ans. Elle laisse derrière elle un héritage musical immense, reconnue dans le monde entier. Cette femme représente également la réussite, le peuple, l’émancipation par l’école, la chanson et la modernité de l’Egypte. D’ailleurs pour son mariage avec Hassen El Hafnaoui à 53 ans, elle exige un contrat dans lequel il est noté qu’elle peut avoir le droit de divorcer. Une première rare pour l’époque.

Restent les disques, les documentaires, les films et les nombreuses chansons. Un ravissement pour les oreilles et le cœur !

 

 

Article posté le dimanche 26 mars 2023 par Damien Canteau

Oum Kalthoum de Nadia Hathroubi-Safsaf et Chadia Loueslati (JC Lattès)
  • Oum Kalthoum, naissance d’une diva
  • Scénariste : Nadia Hathroubi-Safsaf
  • Dessinatrice : Chadia Loueslati
  • Éditeurs : JC Lattès, collection La grenade
  • Prix : 22,90 €
  • Parution : 15 mars 2023
  • ISBN : 9782709667449

Résumé de l’éditeur : En Égypte, on aime dire que deux choses sont éternelles : les pyramides et Oum Kalthoum.

Charles de Gaulle la surnommait « la Dame » et Maria Callas, « la voix incomparable ». Mais comment cette jeune fille paysanne, empêchée d’aller à l’école faute de moyens, obligée de se grimer en garçon pour chanter, est devenue une immense diva et icône mondiale ?

Ce roman graphique retrace le parcours exceptionnel de la chanteuse égyptienne, symbole de l’émancipation des femmes.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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