Sisyphe – Le châtiment des dieux

Le scénariste Serge Le Tendre poursuit avec Sisyphe – Le châtiment des dieux ce qui sera l’œuvre de sa vie, l’exploration des mythes grecs en bande dessinée chez Dargaud. Il le fait toujours avec Frédéric Peynet, dans le cadre d’une collaboration éprouvée et toujours satisfaisante à retrouver après Pygmalion et la vierge d’ivoire ainsi qu’Astérios le minotaure.

Sisyphe – Le châtiment des dieux : toujours pas le boulet de Le Tendre et Peynet

Sisyphe a été condamné par les dieux à pousser un rocher vers le sommet d’une montagne, pour le voir à jamais retomber au pied sitôt arrivé. Mais pourquoi un humain a-t-il été condamné à un tel châtiment ? Quelles forces divines a-t-il contrecarrées pour être à ce point puni ? Voici donc son histoire, celle d’un homme puni pour avoir voulu se montrer plus malin que les autres.

Sortir de l’image attendue

C’est le dessinateur Frédéric Peynet qui l’exprime sur sa chaîne YouTube, il aurait été quelque peu lassant de produire 64 pages sur un rocher qui monte et qui dévale. Serge Le Tendre a donc été plus malin.

Évidemment, cette action emblématique du mythe de Sisyphe est bien présente. Mais le scénariste rennais l’a utilisée comme une rythmique. Régulièrement, cette scène revient dans le récit. Jamais identique, mais forcément répétitive. Comme si l’auteur avait voulu rappeler le caractère inéluctable du destin du personnage.

Avec gourmandise mais aussi une pointe de noirceur, Le Tendre décrit toutes les actions menées par Sisyphe pour tenter de vaincre la malédiction qui lui a été jetée. Des actions vouées à l’échec, il n’a de cesse de le rappeler. C’est là aussi que s’incarne la tragédie de Sisyphe et des mythes grecs. Le destin en marche ne peut être stoppé, malgré toutes les ruses. Les humains ne peuvent que subir. Ulysse accepta son destin et erra dix années avant de retrouver sa famille. Sisyphe ne l’accepta pas et accélère sa déchéance.

Sisyphe – Le châtiment des dieux et la souffrance humaine

On ignore souvent quelles actions ont conduit à cette punition divine. C’est l’intérêt de cet album que de nous en offrir une version aventurière. C’est comme souvent un récit sombre qui nous est dévoilé. Un innocent qui paye pour les exactions d’un autre. Et la mort qui survient plus qu’il ne devrait. Sisyphe, bien que doté d’un égo trop développé, est surtout un père qui tente de sauver son enfant.

Et si Sisyphe a bel et bien été maudit, sa situation ne fait qu’empirer dès lors que les enjeux des dieux viennent se mêler à son propre destin. Ici, c’est l’enlèvement et la séquestration de Perséphone par Hadès. Les dieux s’affrontent sur le dos du pauvre Sisyphe qui, par ailleurs, fait exactement ce qu’il faut pour s’assurer leur courroux. Karma, comme on dit dans d’autres mythologies/religions… Mais grâce à cette strate supplémentaire, Serge Le Tendre s’offre aussi de véritables moments de comédie. Des moments de respiration salutaires, qui viennent faire contrepoint à la poussée du rocher. Et génère ainsi, un récit parfaitement équilibré.

Frédéric Peynet : partenaire idéal

Depuis leur rencontre pour le triptyque Les vestiges de Sang, Serge Le Tendre et Frédéric Peynet n’ont pas cessé de collaborer. Ils affichent leur complicité créative qui, objectivement, se ressent à chaque nouvel album.

Frédéric Peynet offre plusieurs forces au scénariste de La quête de l’Oiseau du temps.

D’abord, une parfaite maîtrise du trait. Dans un style réaliste, Peynet offre des visages expressifs et des décors crédibles. Pour illustrer les souffrances de l’humanité face au divin, c’est un excellent choix qui permet de créer de la proximité entre le lecteur et les personnages. Et après tout, les mythes sont-ils là pour édifier les humains.

Ensuite, Peynet a développé une science de la mise en couleur aboutie. Son travail à la gouache transcrit avec perfection les intensités du climat grec. De même, l’expérience lui permet de travailler avec précision les effets de lumière pour générer des ambiances marquées.

Enfin, Frédéric Peynet, c’est aussi une grande complémentarité dans l’exercice de narration avec le scénariste. C’est une maîtrise des cadrages et des compositions de page qui permet de plonger le lecteur autant en surplomb, qu’au cœur des actions des personnages.

Sisyphe – Le châtiment des dieux et le plaisir des lecteurs

Autrement dit, Sisyphe – Le châtiment des dieux, de Serge Le Tendre et Frédéric Peynet chez Dargaud, a toutes les raisons de satisfaire les fans de bande dessinée franco-belge. C’est une proposition moderne et aboutie, exigeante et pourtant parfaitement accessible. Comme les albums précédents. Mais comme il s’agit de one-shots, libre au lecteur de découvrir le duo sur ce seul titre, ou au contraire, de compléter sa collection.

Article posté le lundi 02 septembre 2024 par Yaneck Chareyre

Sisyphe le châtiment des dieux
  • Sisyphe – Le châtiment des dieux
  • Scénariste : Serge Le Tendre
  • Dessinateur/coloriste : Frédéric Peynet
  • Nombre de pages : 64
  • Prix : 17€95
  • Date de publication : 23 août 2024
  • ISBN : 9782205208252

Résumé éditeur : Après « Astérios » et « Pygmalion » Serge le Tendre nous narre l’histoire tragique de Sisyphe, fondateur de la célèbre cité de Corinthe. Pour avoir osé défier les dieux, dont Zeus en personne, Sisyphe fut condamné pour l’éternité à pousser une pierre au sommet d’une colline, laquelle pierre finit par retomber, inlassablement…

À propos de l'auteur de cet article

Yaneck Chareyre

Journaliste , critique et essayiste BD depuis 2006.

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