Terra Animalia. Alors que les êtres humains ont quitté la Terre, les animaux vivent enfin en harmonie avec la nature. Mais un vaisseau s’écrase sur la planète. A bord, une homme et une femme. Le début d’un grand bouleversement imaginé par Patrick Mallet et mis en image par Tom Tirabosco. Superbe !
La nature reprend ses droits
De tout temps, les êtres humains ont maltraité la nature. Destruction des forêts, pillages des ressources naturelles pour une économie non-maîtrisée, pollutions ou anéantissement d’espèces.
Alors, puisqu’ils n’y avait plus de possibilité de vivre sur la Terre, ces êtres humains ont décidé de quitter la planète pour aller vivre ailleurs dans l’espace.
Pendant ce temps, la nature avait repris ses droits. Les animaux vivaient de nouveau en harmonie avec les plantes, les fleurs et la faune.
Chasse et jalousie
Quelque part sur notre planète dans un futur lointain. Une meute de lycaons chasse un énorme oiseau. Parmi les chasseresses, il y a Nyelle, future cheffe du clan, héritière du trône de Vieille-Mère.
Mais Nyelle fait capoter la chasse. Ou plutôt, d’autres lycaonnes jalouses le font croire. Ortag serait morte à cause de Nyelle.
Chassée de la meute
Alors que Nyelle tente de faire entendre raison à ses opposantes, un grand bruit venu des airs impressionne les lycaonnes.
Intriguée, Nyelle suit cet étrange engin. Elle découvre alors une homme et une femme sortant du vaisseau spatial et venus de la planète Mars. Ils sont alors engloutis par les Gardiennes, protectrices de la forêt. Ces drôles d’animaux n’ont ni poils ni plumes.
Le soir venu, le conseil des sages se réunit. Vieille-Mère décide de bannir Nyelle parce qu’elle a mis en péril le clan se rapprochant trop près de ces êtres humains.
Le lendemain, la lycaonne s’approche de la femme et de l’homme…
Terra Animalia : la Terre est pacifiée
Quelle belle dystopie que Terre Animalia ! Patrick Mallet imagine un très bel album de science-fiction pour les enfants à partir de 12 ans. L’auteur de J’ai pas sommeil et Achab pose comme postulat de départ que la Terre est pacifiée depuis que les êtres humains en sont partis. Les animaux peuvent y vivre paisiblement et en harmonie avec la nature. Ils se sont reproduits et se nourrissent grâce à la chasse. Comme si notre planète était revenue à son origine, vierge des humain.es.
Mais les animaux sont méfiants. Ils ne veulent plus d’interactions avec les Hommes. Ils ont peur que le cycle où ils étaient anéantis et rayés de la carte, ne revienne. Ce retour aux sources et cette inversion de domination ressemblent à La planète des singes ou tout du moins à une réinterprétation du célèbre roman de Pierre Boulle.
Comment peut-on vivre en harmonie ?
Patrick Mallet aborde donc l’écologie, l’extinction des espèces et les dérèglements qui en découlent. Dans Terra Animalia, l’auteur genevois pose les questions du lien entre les êtres humains et les êtres vivants. Les interactions entre eux, la domination des Hommes et la soumission des animaux. Et ainsi, la place que chacun peut avoir dans cet écosystème déséquilibré.
En choisissant une lycaonne curieuse de cette femme et cet homme, il matérialise ce rapport de domination. Un lycaon est un mammifère carnivore que l’on trouve dans les steppes d’Afrique. Ils sont puissants. Mais Nyelle est une lycaonne intelligente et réfléchie, celle qui doit succéder à Vieille-Mère. Elle n’a pas peur d’interagir avec ce duo tombé sur Terre. Elle fait confiance. Mais en faisant confiance, ne se met-elle pas en danger ? Ne met-elle pas les espèces animales en danger ?
Terra Animalia, un récit positif
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Terra Animalia n’est pas un récit catastrophe. Si les animaux sont méfiants et leurs propos plutôt distanciés, le récit de Patrick Mallet est positif.
Il glisse dans Terra Animalia du fantastique avec ces Gardiennes protectrices d’une forêt qui avale les intrus par ses végétaux. Il invite les êtres humains – ici les plus jeunes – à regarder les animaux avec plus d’humanité. Il dit que la préservation de notre espèce passera par la protection de toutes les espèces vivantes.
De la couleur chez Tirabosco
Encore une partition graphique de haute volée pour Tom Tirabosco ! L’auteur né à Rome en 1966 dévoile de magnifiques planches où le regard de ses personnages est intense. Celui des lycaonnes est souligné par un jaune profond, celui de deux rescapés par la peur et l’émerveillement. Son bestiaire doté de paroles est magnifique !
De par ses engagements (affiches pour Greenpeace, pour Les Verts ou illustrations dans La revue durable, soutien à la ZAD de Mormont…) et la publication de Femme Sauvage, il semblait logique de retrouver Tom Tirabosco au dessin de Terra Animalia.
Mais contrairement à ses autres albums teintés de social et d’écologie (Wonderland), Tom Tirabosco utilise la couleur pour le récit de Patrick Mallet. Ainsi son trait charbonneux s’efface devant la colorisation numérique superbe telles des craies grasses (ici des crayons aquarellables).
Terra Animalia : plongée dans une dystopie puissante pour les jeunes lecteurs où les liens entre les animaux et les êtres humains se dévoilent à l’aune d’un retour sur Terre des anciens bourreaux des espèces vivantes. Une très belle surprise !
- Terra Animalia
- Scénariste : Patrick Mallet
- Dessinateur : Tom Tirabosco
- Éditeur : La joie de lire
- Collection : Somnambule
- Date de publication : 17 mai 2024
- Nombre de pages : 128
- Prix : 24,90€
- ISBN : 9782889086634
Résumé de l’éditeur : Dans un futur très lointain, les hommes et les femmes ont quitté la Terre, après l’avoir vidée de toutes ressources. Ne sont restés que les animaux qui ont réappris à vivre en harmonie les uns avec les autres. De son côté, la nature s’est régénérée. Mais dans la mémoire collective animale, le souvenir des sombres actions humaines reste vif. Aussi, le jour où un vaisseau s’écrase sur la Terre, la peur d’assister au retour des humains monte parmi les animaux. Seule, Nyelle, une jeune lycaonne, ose s’approcher des deux survivants au crash. Bannie par son clan pour avoir fraternisé avec eux, elle leur vient en aide… Sera-t-il possible à la nature, aux animaux et aux humains de cohabiter enfin les uns avec les autres, sans suprématie d’une espèce sur l’autre et surtout sans pollution ? Loin du récit catastrophe, Terra Animalia nous invite à réfléchir à notre place dans l’écosystème et à renouer avec un mode de vie plus simple, plus authentique, et surtout plus en phase avec les espèces végétales et animales qui nous entourent.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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