Six jeunes femmes alsaciennes courageuses permirent à de nombreux prisonniers de passer en zone libre lors de la Seconde guerre mondiale. Etienne Gendrin raconte leurs exploits dans Têtes de mule, un album passionnant aux éditions La Boîte à Bulles.
Alice, une vie héroïque
5 février 1945. Alice Daul est enfermée dans la prison pour femmes de Ziegenhain en Allemagne. Elle est emprisonnée pour ses actions de résistance. Avec cinq autres amies, elle avait mis au point des stratagèmes pour passer des prisonniers d’Alsace vers la zone libre.
Se cachant des matonnes allemandes, Alice se remémore ces années si précieuses pour la Résistance. Quatre ans plus tôt, elle avait entamée ce qui allait devenir des exploits.
Des plans parfaitement huilés
Strasbourg, 1940. Alice est de retour dans sa ville natale alsacienne. Elle est accueillie par ses parents et Marie-Louise, sa sœur. Son père lui fait un rapide topo de la situation depuis l’envahissement de la ville par les Allemands.
En revenant chez elle, Alice n’a plus qu’un but : constituer une équipe de jeunes filles pour aider les prisonniers français. Pour cela, elle compte rassembler ses anciennes amies scoutes. Elle contacte alors Lucienne, Marcelle, Lucie et Emmy. Avec sa sœur, ces six adolescentes entrent en résistance. C’est le début des passages vers la zone libre. Elles élaborent des stratagèmes bien pensés. Les trains sont leur moyen de transport…
Vraies têtes de mules, mais vraies héroïnes
Fondé sur une histoire vraie, Têtes de mule est une bande dessinée passionnante et accrocheuse. Cette bande de fille est une vraie révélation aux yeux du public. Si de nombreux récits de résistance sont arrivés jusqu’à nous, les femmes, souvent, furent les grandes oubliées des livres d’Histoire.
A l’image de Lucie Aubrac, Germaine Tillon ou Geneviève Anthonioz-De Gaulle – pour les plus connues – elles eurent des rôles pourtant essentiels lors de cette période sombre. Passeuses de messages ou alibis pour les Forces françaises libres, peu furent reconnues à leur juste valeur. Ainsi, les six scoutes apportèrent leur pierre à l’édifice.
Etienne Gendrin ou la passion de l’être humain
Les exploits des héroïnes de Têtes de mule sont donc mis en lumière par Etienne Gendrin. Cet oubli est réparé par un auteur dont l’œuvre se fonde sur les relations humaines fortes et l’Histoire. Après Droit d’asile et Comment nourrir un régiment – sur les plats mitonnés par sa grand-mère – il décide de rendre un hommage à ces six jeunes femmes ayant eu le courage d’aider des prisonniers.
Têtes de mule se lit avec aisance et l’on se plait à suivre Alice et ses amies, personnalités attachantes et valeureuses.
« Comme beaucoup d’Alsaciens qui suivaient le mouvement, je n’aurais pu fermer les yeux – on avait pas besoin de s’occuper de ces gars-là. Mais le guidisme nous avait appris à être attentives à notre environnement, à ne pas vivre en vase clos. »
A l’image de la série fiction Les enfants de la résistance, les Allemands étaient moins regardant et se méfiaient beaucoup moins lorsque des jeunes accomplissaient des actes de résistance.
Comme Etienne Gendrin l’explique dans le dossier fait de photographies accolé à la fin de Têtes de mule, en 1942, le réseau de scoutes fut repéré et les filles arrêtées. Cinq sont condamnées à mort, les autres écopèrent de 8 à 15 ans de prison. Elles rentrèrent saines et sauves chez elles en 1945.
Lucienne Welschinger, Emmy Weisheimer, Alice et Marie-Louise Daul, Lucie Welker et Marcelle Engelen, seront décorées par le général Langlade, hormis cette dernière et Lucie, considérée comme celle qui a fait repérer l’équipe, par son imprudence. Que leurs noms soient portés haut ! Etienne Gendrin l’a magnifiquement fait dans Têtes de mule !
- Têtes de mule. Six jeunes alsaciennes en résistance
- Auteur : Etienne Gendrin
- Éditeur : La Boîte à Bulles
- Prix : 25 €
- Parution : 07 octobre 2020
- ISBN : 9782849533765
Résumé de l’éditeur : Alice est une jeune fille de la petite bourgeoisie strasbourgeoise. En septembre 1939, à 21 ans, guide de France, anticonformiste et francophile s’engage comme infirmière dans l’armée française. Après la débâcle, elle rentre chez ses parents à Strasbourg, alors que les Allemands s’emploient à nazifier la province. Très vite, Alice s’insurge contre la situation, et avec une amie, met sur pied une équipe clandestine qui vient en aide aux prisonniers de guerre français et étrangers enfermés dans les casernes de la ville. Pendant deux ans, elle recueillent, nourrissent, munissent de faux papiers et exfiltrent d’Alsace près de 500 détenus fuyant l’incorporation de force dans l’armée allemande. Mais suite à une imprudence, le réseau est repéré, les filles arrêtées, et enfermées dans la forteresse de Ziegenhain (près de Bonn). Lucienne, la cheffe d’équipe est condamnée à mort. En septembre 1944, Strasbourg est libéré, Alice n’a alors plus qu’une idée en tête, s’évader, et retrouver sa famille.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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