The Department of Truth 2

Une vérité alternative, des fake news et la vérité détournée sont encore au coeur du deuxième opus de l’excellent The Department of Truth. Une suite magistrale et complexe.

« Plus les gens croient en quelque chose, plus cette chose gagne en vraisemblance, et plus la balance de la réalité penche en sa faveur. Telle est la raison d’être de notre organisation. Nous avons passé le dernier siècle à nous assurer que les théories du complot restent des théories du complot ».

The Department of Truth, contrôler les théories du complot

C’est ainsi que Lee, le dirigeant du Departement of Truth, présentait dans le tome 1, l’organisation dont il avait et a toujours la charge à Cole Turner, toute nouvelle recrue.

Lee qui n’est autre que Lee Harvey Oswald en personne – oui oui, le prétendu tireur de Dallas, celui de la balle magique qui faucha John F. Kennedy en plein état de grâce (novembre 1963) . Il précisait la chose et ajoutait qu’il ne s’agissait donc nullement de faire disparaître les théories du complot, pas plus que de les alimenter. Mais juste de les contrôler afin qu’elles demeurent des théories du complot auxquelles s’accrochent suffisamment de gens, mais pas plus, pour ne pas risquer qu’elles deviennent vérité. Aujourd’hui on appelle aussi ça des fake-news, et c’est précisément la surveillance et la gestion de la propagation de ces croyances dont a la charge l’organisation de Lee.

De révélations en révélations

Les premiers pas de Cole au sein de cette organisation l’avait amené à connaître quelques secrets des plus renversants. Combinés à son histoire personnelle et à ses tourments obsessionnels qui se manifestent par des visions cauchemardesques récurrentes, ont par petites touches réussis à faire vaciller toutes ses convictions. Mais également, à émousser le bien-fondé qu’il accorde à son employeur.

Retour sur les marche du Congrès

En préambule de ce second tome, on assiste à un échange entre Lee, encore assez jeune, et un certain Hawk. Tous les deux s’entretiennent sur les marches du Congrès Américain. On est en 1987, l’un et l’autre semblent très bien se connaître, et Hawk, qui porte sur la tête une casquette de baseball ornée de la bannière étoilée, prend note des consignes que lui transmet Lee. Ce dernier est déjà à l’époque en charge du Département de la vérité. Cette scène est un flash-back, et c’est à l’issue de cette conversation que pour la première fois est cité Cole Turner, alors jeune écolier de Milwaukee qui barbouille d’inquiétants dessins.

The Department of Truth, machine à repérer les désinformations

Retour au temps présent, on retrouve Cole Turner, désormais au service du Département de la vérité, en mission à Denver. On lui présente Hawk, aujourd’hui la soixantaine et toujours la même casquette rivée sur la tête. Les deux hommes sont véritablement les deux personnages centraux de ce second opus et ils vont devoir travailler de concert pour tenter de démanteler l’organisation Black Hat.

Cette organisation qui de tout temps se veut le grain de sable dans la machine de désinformation qu’est le Département de la vérité.

L’exploitation des faux symboles

Hawk qui agit comme missionnaire ou barbouze pour le Département de la vérité, va tenir le rôle du mentor pour Cole. Il l’emmène, entre autre, se promener au fond des bois pour chasser des Tulpas – les formes tangibles créées par les sphères complotistes et dont les incarnations dans le monde réel sont de plus en plus fréquentes. En l’occurrence l’homme sauvage, chainon manquant de l’évolution, le Big Foot.

La chasse sera l’occasion pour Hawk très loquace, de dispenser à Turner un cours très complet sur l’histoire des mouvements complotistes et sectaires, et sur le détournement, l’exploitation des symboles en tout genre que ces mouvements en ont fait, à travers le monde et de tout temps.

The Department of Truth, de la construction psychologique de Cole

Ce second tome très bavard est beaucoup plus axés sur le personnage de Cole Turner et sur sa construction psychologique. Elle est en partie le fruit d’une manipulation au long court, où au fil du temps la vérité a été tordue, retordue, distordue dans tout les sens. Cole, aujourd’hui, remplit une mission qui lui aurait été assigné il y a plus de 30 ans, sans qu’il n’en ait jamais eu conscience jusqu’alors. Hawk est le marionnettiste patriote, le magicien audacieux qui bat les cartes, mais réussira-t-il son incroyable tour ce coup là ? Rien n’est moins sûr.

Un scénario exigeant, un dessin remarquable

Sur la thématique de la manipulation de masse par la propagation des fake-news, James Tynion IV tisse un scénario exigeant, précis, à la construction diabolique et imparable. On est pris dans une succession de faux-semblants qui donne le vertige et nous bringuebale d’un côté à l’autre de cette ligne tenue qui sépare la vérité du mensonge.

Côté dessin Martin Simmonds nous gratifie d’un travail remarquable au rendu délibérément souillé, sombre et volontairement glauque. Il alterne des planches composées de gaufriers parfois rectilignes, souvent déstructurés, avec d’autres types de planches dans lesquelles des cases deviennent juste des médaillons qui apportent un complément narratifs à des dessins pleine planches, ou même encore de pleines pages, fac smillés de lettres manuscrites d’un père à son fils, et qui constitues des pièces essentielles au puzzle très retors de cette narration.

Soulignons également l’excellent travail de Dylan Todd, qui gère tout le graphisme de la mise en page des présentations des têtes de chapitre notamment.

Article posté le jeudi 22 décembre 2022 par David Lemoine

The Department of Truth 2 : La cité sur la colline de James Tynion IV, Martin Simmonds (Urban Comics)
  • The Department of Truth 2 : La cité sur la colline
  • Scénariste : James Tynion IV
  • Dessinateur : Martin Simmonds
  • Traducteur : Maxime Le Dain
  • Editeur : Urban Comics
  • Collection : Urban Indies
  • Prix : 19 €
  • Parution : 2 septembre 2022
  • ISBN : 9791026823926

Résumé de l’éditeur : Cole Turner a cru bien faire en rejoignant l’équipe de Lee Harvey Oswald. Mais à présent qu’il en apprend davantage sur les fonctions de son supérieur au sein du Département de la Vérité, le doute l’assaille… De plus en plus de tulpas ? les formes tangibles créées par les sphères complotistes ? s’incarnent dans le monde réel, et il est plus que temps de réagir et de choisir un camp. Une plongée au coeur des plus grands complots de l’Histoire moderne et d’aujourd’hui.

À propos de l'auteur de cet article

David Lemoine

Lecteur de BD depuis sa plus tendre enfance, David a fini par délaisser assez vite les classiques franco-belges, pour doucement voir ses affinités se tourner vers des genres plus noirs, plus grinçants, sarcastiques, trashs, violents, absurdes et parfois même décadents. Il grandissait en somme…. Fan de la première heure de Ranxerox et Squeeze the Mouse, il vénère aujourd’hui l’oeuvre d’auteurs Anglo-Saxon tel que Bendis, Brubaker/Phillips, Ben Templesmith, Terry Moore, Jonathan Hisckman, Ellis/Robertson, sans bouder son plaisir à la lecture des européens talentueux, francophone ou non, que sont Tardi, Ralf Konîg, Michel Pirus, Gess, les frères Hernandez, ou même Fred Bernard. La liste de ses amours dans le 9e art est loin d’être exhaustive, vous vous en doutez, et cela fait plus de 20 ans maintenant qu’il s’efforce de vous convaincre de les embrasser à travers ses chroniques radio qu’il vous livre chaque semaine dans l’émission XBulles sur les ondes de Radio Pulsar (http://www.radio-pulsar.org/emissions/thema/x-bulles/ / https://www.facebook.com/xbulles)”

En savoir