Visa transit

Nicolas et Guy décident de partir à l’aventure. A bord de leur Citroën Visa, ils découvrent l’Est de l’Europe. Le futur auteur de bande dessinée et son cousin embarquent pour un voyage initiatique des plus improbables. Nicolas De Crécy raconte ce périple dans Visa transit, un road-trip humain entre amour des livres, galères mécaniques et rencontres chaleureuses. En route !

Avoir 20 ans et partir à l’aventure

1986, juste après l’accident nucléaire de Tchernobyl. Nicolas et Guy rêvent d’aventures. Pour cela, ils décident d’emprunter la vieille Citroën Visa du père de Guy. Les deux cousins nettoient la bagnole et la réparent grâce au système D. Mieux, ils installent à l’arrière, dans l’habitacle, une bibliothèque de fortune.

« Tel un prolongement de notre vie confortable et casanière, cette bibliothèque était aussi une protection, comme si nous étions sous le haut patronage de la littérature française. »

Si leur amour des livres était immense, cette installation leur sera inutile pendant leur périple. Qu’importe, les ouvrages étaient là pour les réconforter. Nicolas était d’une personnalité craintive, tout le contraire de Guy. Les bouquins étaient donc là pour le rassurer.

Avoir 20 ans et découvrir le monde

Malgré ses 170 000 kilomètres au conteur, la Visa semblait résister aux affres du temps. Quelques soubresauts, quelques toussotements, mais jamais vraiment rien de grave, ou tout du moins qui ne nécessite pas de grosses réparations.

Avec cette monture des temps modernes, Guy et Nicolas mirent le cap à l’Est. D’abord, ils traversèrent l’Italie, puis la Yougoslavie, vinrent ensuite la Bulgarie et la Turquie.

Qu’allaient-ils trouver dans ces pays méconnus ? Pour y faire quoi ? Pourquoi avoir choisi ses destinations ? Pourquoi effectuer ce voyage vers de lointaines contrées ?

Avoir 20 ans et rencontrer le monde

Livres, voiture, foi, embrouilles, amour fraternel et mécanique, tels étaient les rythmes journaliers de Guy et Nicolas. Dormir très mal dans la voiture, dormir sur le toit de la Visa ou dormir chez l’habitant, telles furent les nuitées de deux cousins. Parce que oui, Visa transit, c’est tout ça : de la folie, des pays à découvrir et du respect entre eux deux.

Nicolas De Crécy réussit à nous faire voyager au rythme de la Citroën, en prenant son temps, en faisant découvrir tout le sel des kilomètres parcourus. La jeunesse rêve d’espace et de liberté, ce très joli road-trip la sublime.

Les deux protagonistes veulent découvrir le monde, ils seront servis. De galères en petites joies, ils rencontrent. Ils rencontrent les habitants, chaleureux à leur encontre, bienveillants pour cette folle épopée mécanique. Telle la Croisière Citroën dans les années 30, ils avalent les routes et les chemins pour s’imprégner de l’ambiance si exotiques des pays traversés.

Avoir 20 ans et posséder le visa transit

Visa transit ce n’est pas que du bonheur, il y a aussi des moments de doute, de peur et de prises de bec. Nicolas de Crécy (La république du catch) ne cache rien et n’a pas toujours le beau rôle. Le sac rouge, celui de toutes les affaires précieuses, celui qui les relie à la vie, ce sac souvent est perdu. Chacun leur tour, un jour sur deux, ils en sont les responsables. Pas simple.

La chaleur, la soif et parfois la faim croisent aussi le chemin de nos deux routards. Ces manques peuvent aussi les angoisser. Si les policiers et autres autorités peuvent voir d’un mauvais œil, ces deux Français en voyage, ils ne furent jamais inquiétés; bien au contraire. Leur Visa et leur soif de découverte attirent la sympathie. Est-ce que ce sera le cas dans les volumes suivants ?

De plus, la foi de Guy désarçonne Nicolas, lui le cartésien, le pragmatique. Pourquoi se raccrocher à un hypothétique dieu tout puissant ? Pourtant, la Vierge semble les protéger des galères. Vérité ou superstition ? Peut être les deux. En tout cas, cela rassure le cousin du futur grand auteur de bande dessinée.

De la force du dessin

Nicolas De Crécy est vraisemblablement l’un des meilleurs auteurs de sa génération. Possédant un don inné pour raconter les histoires, cet ancien étudiant de l’Ecole supérieure de l’image d’Angoulême est aussi un formidable dessinateur.

Son diplôme en poche en 1987, il travailla pour les studios Disney de Montreuil. Quatre ans plus tard, il publia Foligatto, puis Bibedum céleste et Léon la came avec Sylvain Chomet. Cette série remporta l’Alph-art du meilleur album à Angoulême en 1998 pour le deuxième tome. Le duo s’essaye au film d’animation avec maestria. La vieille dame et les pigeons est un petit bijou. Une grosse polémique – accusation de plagiat sur Les triplettes de Belville – les brouillera.

Néanmoins, Nicolas De Crécy ira de l’avant et poursuivra son très joli parcours professionnel avec notamment Prosopopus, Salvatore ou Période glaciaire. A chaque fois, il nous impressionne par la qualité de son dessin. D’une grande élégance, son trait possède un mouvement formidable. Il est composé de hachures pour les ombres et les matières. Ses couleurs à l’aquarelle agrémentent avec délice ses très belles planches.

Article posté le samedi 10 août 2019 par Damien Canteau

Visa Transit 1 de Nicolas De Crécy (Gallimard)
  • Visa transit, volume 1
  • Auteur : Nicolas De Crécy
  • Editeur : Gallimard
  • Parution : 11 septembre 2019
  • Prix : 22€
  • ISBN : 9782075130936

Résumé de l’éditeur : « Je dois partir et vivre, ou rester et mourir » écrit Shakespeare, repris par Nicolas Bouvier en exergue de L’usage du monde. À l’été 1986, quelques mois après l’accident nucléaire de Tchernobyl, Nicolas de Crécy et son cousin ont à peine 20 ans quand ils récupèrent une Citröen Visa moribonde. Ils remplissent la voiture de livres, qu’ils ne liront pas, ajoutent deux sacs de couchage, des cigarettes… et embarquent pour un voyage qui n’a pas de destination, mais doit les mener le plus loin possible. Ils traversent le nord de l’Italie, la Yougoslavie, la Bulgarie et descendent en Turquie, dans un périple qui les confrontent au monde autant qu’à eux-mêmes.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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