Après l’exposition Vivian Maier qui a eu lieu au Musée du Luxembourg du 15 septembre 2021 au 16 janvier 2022, l’occasion était trop belle pour revenir sur le parcours de cette talentueuse photographe. Et quoi de mieux qu’un retour en bande dessinée avec l’album Vivian Maier, À la surface d’un miroir écrit par Paulina Spucches et édité chez Steinkis. La découverte d’une artiste hors normes qui aura révolutionné, post-mortem, le monde de la photographie au 20e siècle.
Une découverte, un mystère
En 2007, un agent immobilier achète une malle en salle des ventes. À l’intérieur se trouvent des clichés et des négatifs représentant des photos de personnes dans des rues. Il y en a 30 000. Aucun nom ne figure sur ces photos prises entre 1950 et 1960, dans les rues de New York et Chicago.
Époustouflé par cette découverte, John Maloof réussit à trouver d’autres clichés, dont certains ne sont même pas développés. Au total, ce sont plus de 100 000 clichés, films, négatifs qui sont dorénavant en sa possession.
Après des recherches sur l’identité de ce photographe, cet homme arrive à mettre un nom sur cette personne. Il s’agit d’une femme, Vivian Maier née en 1926 à New York et décédée à Chicago en 2009.
Une inconnue devenue célèbre
Vivian Maier était une personnalité très secrète. Pendant plus de 40 ans, celle qui était gouvernante, va mettre à profit ses promenades avec les enfants dont elle a la garde, pour prendre des photos dans les rues. Personne parmi ses employeurs ne soupçonnait sa double activité.
La photographe cultivait le mystère et interdisait à quiconque l’accès de sa chambre, dans les maisons des familles qui la logeaient. La première chose qu’elle exigeait, avant de commencer un travail, était d’avoir un verrou pour fermer sa porte à clé.
La ville comme principal terrain de jeu
La rue est un terrain d’observation pour Vivian Maier, d’abord à New York entre 1951 et 1956, puis à Chicago où elle résidera jusqu’en 2009. C’est surtout dans les quartiers populaires qu’elle aimait fixer les gens sur sa pellicule. Elle observe d’abord, puis capture le quotidien des gens. Pendant quelques instants, elle les fait exister.
Ses photographies sont une véritable analyse de la société américaine et permettent de faire un état des lieux de la population, surtout la plus pauvre. Elle devient le témoin de leur condition, celle qui va permettre, 60 ans plus tard grâce à une exposition, de les mettre en valeur.
Des expositions pour découvrir le travail d’une vie
C’est après la mort de Vivian Maier en 2009, que John Maloof a découvert sa véritable identité. La photographe n’aura donc jamais assisté aux expositions présentant le travail de sa vie. Depuis maintenant plus de dix ans, des rétrospectives sur son œuvre ont lieu aux quatre coins du monde.
Mais c’est également l’opportunité de découvrir la femme qui se cachait derrière son appareil photo. Adepte de ce qu’on n’appelait pas encore les selfies, on peut découvrir de nombreux autoportraits de la dame au Rolleiflex prises dans des vitrines de magasins.
Vivian Maier de Gaëlle Josse – Réunion des Musées Nationaux
Une découverte encore possible
Même si l’exposition du Musée du Luxembourg a fermé ses portes, les retardataires pourront retrouver le travail en noir et blanc de Vivian Maier en Bretagne.
En effet, du 4 février au 29 mai 2022, le Musée des Beaux Arts de Quimper avec “Vivian Maier, New York – Chicago” et le Musée de Pont-Aven avec “Vivian Maier e(s)t son double” se sont associés pour présenter 250 photos. L’occasion est trop belle, de profiter pleinement de ces clichés sans côtoyer la foule se pressant habituellement lors des expositions parisiennes.
Un album entre fiction et biographie
Comme pour la rétrospective Georgia O’Keeffe au Centre Pompidou, comment ne pas préparer sa visite au musée en ayant lu au préalable le roman graphique dédiée à l’artiste ? Avec Vivian Maier, À la surface d’un miroir de Paulina Spucches édité par Steinkis, on peut imaginer comment la photographe procédait avant de prendre ses modèles en photo.
En effet, peu de documents attestent du mode opératoire de Vivian Maier. Des témoignages figurent dans le documentaire réalisé en 2013 par Charlie Siskel et John Maloof, Finding Vivian Maier (À la recherche de Vivian Maier). Les familles, pour lesquelles elle a travaillé, font part de son côté très secret.
Un processus original
Alors comment raconter la vie d’une femme qui se cachait aux yeux des autres. Paulina Spucches a choisi dans son album, de raconter les photos de Vivian Maier, ou plus exactement, les moments qui ont précédé la prise des clichés.
L’autrice présente tout d’abord la photo, puis dans les quelques pages qui suivent, elle a imaginé comment la photographe aurait pu procéder pour arriver au résultat. C’est très ingénieux et cela donne une vie aux photos.
Une vie balayée
Ce sont 56 ans de la vie de Vivian Maier que cette bande dessinée retrace. En partant de 1952 à New York, jusqu’à 2008 à Chicago, en passant par les Hautes-Alpes en 1959 (dans la famille de sa mère), le récit permet de mieux connaître la femme qui se cachait derrière l’artiste.
Paulina Spucches nous brosse le portrait de cette femme stricte, avec les enfants qu’elle gardait, et tellement secrète que ses proches n’ont su, qu’après sa mort, la teneur exacte de son activité prolifique de photographe.
Vivian Maier a durant toute sa vie accumulé des clichés, mais également des journaux, des tickets et tellement d’autres choses, qu’elle a dû les entreposer dans un garde-meubles. En effet, sa petite chambre, payée par des enfants qu’elle avait gardés, ne suffisait plus. Et c’est parce qu’elle ne pouvait plus régler ses factures, que ses biens ont été vendus aux enchères en 2007.
Le choix de la couleur
Si jusqu’à présent, Vivian Maier ne nous était surtout parvenue que par l’intermédiaire de ses photographies en noir et blanc, Paulina Spucches a elle opté pour la couleur. Et quel meilleur moyen pour redonner vie à cette artiste que de la présenter, ainsi que son travail avec des teintes chaudes et chatoyantes. Un moyen astucieux pour réchauffer une existence terne et froide, marquée par la solitude.
©Estate of Vivian Maier : Maloof Collection, Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York. Empire State.
Le dessin très rond de l’autrice permet également d’atténuer la sévérité du personnage et de provoquer de l’empathie à son égard. On ressent parfaitement la différence entre la photographe et la femme. La première était à l’écoute des moins favorisés, qui se trouvaient dans la rue et les mettait en valeur. La seconde ne laissait rien transparaître et était devenue une étrangère aux yeux de tous.
Mieux connaître Vivian Maier
La découverte du travail de Vivian Maier a créé une onde de choc dans le milieu de l’Art et plus particulièrement de la photographie. Comment une telle inconnue pouvait avoir à ce point si bien cerné les États-Unis grâce à ses photos ?
L’artiste a par la suite également travaillé en couleur, que ce soient pour ses clichés mais également dans des films.
Il a fallu l’œil et surtout l’obstination d’un homme, John Maloof, pour redonner vie à celle qui a disparu, peu de temps avant qu’elle ne soit enfin reconnue par ses pairs.
De nombreux catalogues d’exposition ou biographies sont actuellement disponibles pour mieux faire connaissance avec cette solitaire des rues. L’album de Paulina Spucches, Vivian Maier, À la surface du miroir, vient avec son originalité rédactionnelle et graphique, parfaitement compléter cette offre qui était jusqu’à présent très noir et blanc.
Un ouvrage parfait pour accompagner en amont, mais aussi en aval, une des nombreuses rétrospectives de la vie de Vivian Maier, qui ne manqueront pas de voir le jour.
guide de l’exposition Vivian Maier au Musée du Luxembourg
guide de l’exposition Vivian Maier au Musée des Beaux-Arts de Quimper
livret jeux pour enfants Vivian Maier photographe
- Vivian Maier, À la surface d’un miroir
- Autrice : Paulina Spucches
- Éditeur : Steinkis
- Prix : 22,00 €
- Parution : 04 Novembre 2021
Résumé de l’éditeur : « New York, 1953. Joanna et Lawrence Ward engagent une nouvelle nourrice pour leur fille Gwen. Très secrète, un peu étrange et parfois sévère, Vivian Maier trouve pourtant les faveurs de la petite fille qui la suit dans ses pérégrinations urbaines et l’observe capturer le monde qui l’entoure à travers l’objectif de son Rolleiflex. À mi-chemin entre fiction et biographie, Paulina Spucches nous entraîne de Brooklyn au Champsaur, imaginant le contexte que pourrait renfermer chaque cliché de Vivian Maier, génie de la photographie de rue. »
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
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