Entretien avec William Vance, dessinateur de XIII

Pour XIII, 20 ans sans mémoire écrit avec Pascal Roman, Nicolas Albert était allé à la rencontre de William Vance pour lui poser des questions sur la série phénomène du plus célèbre amnésique du 9e art. Comixtrip vous propose l’interview complète qui a  servi de base au superbe petit ouvrage paru en 2004 et édité par Horizon BD.

William Vance, cela fait 20 ans que le premier album a été publié. Quel regard portez vous sur toutes ces années passées en compagnie de ce personnage ?

Au départ, cela a commencé tout doucement, et au fur et à mesure le personnage a pris de plus en plus d’ampleur.

« Je n’aurai jamais cru qu’avec un personnage réaliste on serait arrivé à un tel succès »

Avez-vous été surpris de la notoriété rencontrée par XIII ?

Quand même, oui. C’est certain, j’ai été très surpris. Je n’aurai jamais cru qu’avec un personnage réaliste on serait arrivé à un tel succès.

Comment expliquez vous ce succès ?

C’est difficile à expliquer. C’est le public en général, puisque c’est quand même lui qui achète l’album. C’est aussi un peu l’intrigue américaine…

Comment est né XIII ?

A l’époque, j’étais bloqué avec Bruno Brazil, donc j’ai décidé de faire appel à Jean et de faire un personnage un peu dans le style de Brazil, mais ce personnage a bien plus évolué que Brazil.

Pourquoi l’action se situe-t-elle aux Etats-Unis ?

Au départ, on pensait faire une fiction aux Etats-Unis. Pour le tout premier, on sent déjà que c’était très fortement influencé par des états comme le Maine, surtout le bord de mer et la ville, disons un peu influencée par Chicago… Dès le début, on pensait faire un peu «fiction Etats-Unis» et puis au deuxième album, j’ai dit : «Flûte ! On fait les Etats-Unis tels qu’ils sont». C’est apparu avec l’arrivée de Carrington, avec l’hélico, quand il vient voir XIII qui est enfermé dans la base. A partir de ce moment-là, j’ai tout doucement basculé vers les Etats-Unis tels qu’ils sont vraiment.

A ce moment, est-ce que vous avez amassé davantage de documentation sur les Etats-Unis ?

Oui. J’avais déjà pas mal de documents et ma documentation s’est agrandie progressivement. Au fur à mesure que je trouvais quelque chose sur les Etats-Unis, je les mettais dans mes documents.

Quelles sont vos principales sources documentaires ?

Actuellement, les plus grosses sources sont les livres spécialisés, concernant des villes, un peu de tout en somme ! Mais pour les trouver, il faut vraiment se débrouiller. Pour l’achat de certains livres, il y a un bon éventail sur internet.

Puisez-vous beaucoup de documentation sur internet ?

Non, je me base surtout sur des documents que je trouve sur des livres car j’aime avoir les choses en main. Mais si quelque chose dont on a besoin absolument manque, que l’on ne trouve pas dans un livre, il y a toujours un dernier recours, c’est internet.

Avez-vous une grosse documentation sur l’univers militaire ?

Pour l’univers militaire il n’y a pas de problème, je n’ai qu’à suivre toutes les photos publiées dans les journaux et cela offre une documentation parfaite. Mais naturellement, il faut la mettre régulièrement à jour car le monde militaire change constamment.

Est-ce un univers qui vous passionne ?

Pas trop, mais bon. Dans ce que je dois dessiner, tout ne me passionne pas toujours.

Vous aimez dessiner les grands espaces. Est-ce vous qui désiriez que l’action se passe en bord de mer ?

Oui parce que je préfère la nature à la ville.

La série était-elle initialement prévue en un nombre d’albums précis ?

Non. On a fait cela au fur et à mesure. On pensait au départ que cela allait être une saga de cinq albums, puis de huit albums, après on a dit 13 albums, et malgré tout cela on continue.

Pourquoi avoir choisi de nommer le personnage avec le chiffre XIII ? Est-ce que vous recherchiez une symbolique précise ?

Il faut demander à Jean ! Il m’a dit : «il s’appelle XIII», et j’ai dit d’accord.

Le tirage du premier album a-t-il été vraiment tiré à 13.000 exemplaires ?

Peut-être que c’était moins. Et c’était moins car au départ, j’avais le chiffre de 12.000.

Le 13 est pour la légende ?

C’est une allusion au personnage.

« c’est une brutalité de boulot »

Comment organisez-vous vos journées de travail ?

Cela fait 20 ans que l’on est dessus et dans les 15 premières années, je travaillais comme un cinglé. Cela veut dire constamment, même la nuit, c’est une brutalité de boulot.

Avez-vous une idée du nombre d’heures que vous passiez chaque jour cette série ?

Je n’ose pas le penser. A un moment, cela a été un peu trop.

Les couleurs sont réalisées par Petra, votre femme. Cela vous apporte-t-il un confort supplémentaire ?

Bien sûr car si une autre personne fait le coloriage, cela devient une chose en moins à penser. On lui donne quelques instructions, en lui indiquant certaines couleurs. Je donne quelques indications mais comme la personne est assise à côté de moi, il n’y a pas de problème.

Vous êtes éloigné géographiquement avec Jean Van Hamme. Comment travaillez-vous ?

Avant l’histoire, on se voit ou on se téléphone. Je suis quand même un vieux routier, je ne suis pas un petit jeune dessinateur qui va travailler avec un grand scénariste. Il fait son histoire puis il m’envoie le scénario complet, les 46 pages. Je le lis alors, toujours curieux comme un premier lecteur. Mais une fois qu’il a terminé son texte, je m’occupe de mes pages et c’est fini.

Intervenez-vous dans l’élaboration du scénario ?

Je le laisse faire pleinement et lui me laisse faire sur les dessins. Quand je dessine, Van Hamme n’est plus là. Il reçoit les pages au fur et à mesure que l’éditeur lui envoie des copies de ce que je lui ai envoyé. Après on en parle un peu.

Vous a-t-il quelquefois demandé d’effectuer certaines modifications ?

Non, il n’y a jamais eu de changement. On est deux professionnels, nous ne sommes pas des débutants. En plus, il ne faut pas commencer à gratter sur les pages. A ce moment là, il vaut mieux arrêter de travailler ensemble.

« [Van Hamme] laisse une grande liberté pour l’emplacement des personnages dans l’image, il décrit simplement les actions »

Les directives du scénariste sont-elles très poussées, ou au contraire, vous laisse-t-il de grandes libertés ?

C’est un peu comme il fait avec Rosinski. Il n’est pas très long dans ses descriptions, il laisse une grande liberté pour l’emplacement des personnages dans l’image, il décrit simplement les actions. A moi de choisir la meilleure séquence possible.

Dans « Pour Maria » et « El Cascador », vous avez donné au PDG de la Minerco les traits de Jean Van Hamme. Ce dernier souhait-il figurer dans la série où est-ce vous qui avez décidé, sans l’en informer, de réaliser un clin d’œil ?

Je lui ai fait la surprise. C’est un clin d’œil. Il y a pas mal de clins d’œils aux auteurs dans certains dessins. Dans certaines cases, sur des casquettes, on voit un « JVH », un « WV ». Cela dépend, quand je suis à ma planche et que je ne sais pas quoi mettre, je prends les initiales des auteurs.

XIII est votre personnage le plus populaire, mais est-il celui que vous préférez parmi tous ceux que vous avez dessiné (Howard Flynn, Bruce J. Hawker, Ringo, Bruno Brazil, Bob Morane, Ramiro) ?

Je ne sais pas. Il y a toujours le chouchou Hawker, mais malgré tout, il y a presque 10 ans qu’il n’apparaît plus. Mais pour le moment, il y a XIII.

« J’aime dessiner les scènes de mouvements, ça me libère un peu »

Quels aspects du personnage de XIII appréciez-vous particulièrement ?

C’est un peu difficile à dire. C’est un type qui réagit quand il doit réagir mais il a une tendance à être très calme aussi. Il est plutôt observateur. Moi, je préfère quand le personnage est en action. J’aime dessiner les scènes de mouvements, ça me libère un peu.

Vous n’aimez pas dessiner une scène de dialogue dans un bureau…

Avant de commencer j’en ai déjà marre ! C’est à ce point. N’importe quel bureau, même un restaurant ou quoi que ce soit. Ce problème là, je ne l’avais pas avec Bruce J. Hawker qui était dans la nature, sur la mer.

Avez-vous été amené à déplacer un décor qui se trouvait dans le bureau, à l’extérieur ?

Je n’ai pas trop la possibilité. Comme Jean précise ce qu’il veut dans son scénario, il faut s’y adapter. Je n’aime pas trop les scènes de dialogues, mais elles sont nécessaires pour le déroulement de l’histoire.

Parmi les personnages de la série, quels sont ceux pour lesquels vous avez une affection particulière ? Pourquoi ?

Toutes les femmes de la série. Ce ne sont pas des petites dames de rien du tout. Elles sont un peu spéciales. Je les aime bien. Ce sont des femmes d’action et elles ont de la poigne.

Jones ?

J’aime sa personnalité.

Les tueuses. Irina, Félicity ?

Elles ont une certaine ampleur. Les mauvaises, on les regarde aussi avec curiosité !

Le général Carrington ?

Je l’aime bien. C’est un peu le bon papa de XIII, il l’a pris sous sa protection.

Dans les derniers albums, La Mangouste et Amos ont trouvé la mort. Comment avez-vous vécu ces rebondissements lorsque vous avez pris connaissance pour la première fois du scénario ?

J’ai pris cela tout à fait normalement car j’ai déjà eu ce cas avec Greg dans la série Brazil, quand on a liquidé tout le commando Caïman. Ça c’était pire ! A cette époque on s’était fait insulter, traiter d’assassins ! Au départ, je disais qu’il y avait un peu trop de personnages. Je l’avais dis à Greg, et on a décidé d’en mettre un de côté et je lui ai proposé Bronco il me semble, le cow-boy. Alors il me dit : «On va liquider, mais ce ne sera pas Bronco, on va prendre le plus sympathique». Et c’est le petit rouquin qui est tombé le premier. Cela avait de l’impact. Et après, dans l’histoire suivante, il liquide la moitié du reste. Cela a été un coup terrible, mais on sentait déjà que la série Brazil touchait à sa fin.

Pour en revenir à Amos et La Mangouste, qu’est ce que cela fait de savoir que vous n’aurez plus l’occasion de les dessiner dans la série ?

Si on rassemble toutes les pages sur lesquelles ont été La Mangouste, ou Amos, cela ne fait pas beaucoup de pages.

Y étiez-vous attaché ?

Pas trop puisque La Mangouste était le grand tueur mais on ne le voyait pas trop. Quand on le voyait, il s’agissait d’un passage ou soit il se faisait aider par ses acolytes.

Y a-t-il des scènes que vous avez refusées de dessiner ?

En général, j’ai tout accepté. Dans ce que Jean fait, il n’y a rien à dire. Par exemple, dans l’album «Trois montres d’argent», j’ai décidé de rallonger l’histoire pour la simple raison qu’il y avait trop de texte alors j’ai dis à Jean, «désolé mais je vais rallonger et je vais le faire de cette façon…» Il a été d’accord et du coup, l’album a eu plus de pages.

Dessiner les paysages du Mexique, l’Amérique du début de siècle, était une sorte de récréation dans la série ?

C’était amusant à faire. C’est un peu du western du début 1900. C’était une histoire complète mais historique.

« Lorsque l’on est devant la page blanche, on se dit que cela va être difficile »

Quelles ont été les planches les plus difficiles à dessiner ?

Lorsque l’on est devant la page blanche, on se dit que cela va être difficile. Mais après, en regardant le résultat final, on est content mais on fait moins attention à tout ce que l’on a sué sur la page. Une fois qu’elle est publiée, on la classe et c’est fini. On y pense plus.

Certaines d’entre-elles vous ont-elles donné plus de difficultés ?

Pas trop… Mais quelquefois, avant de commencer à dessiner, je tourne en rond. Juste avant de commencer, mais une fois que la planche est commencée, il n’y a plus de problèmes.

Devez-vous réfléchir très longtemps avant de vous mettre à dessiner ?

Les premiers temps, beaucoup. Je réfléchis peut-être un peu trop… Je pense à plusieurs possibilités de cadrages et il faut ensuite choisir.

« Je préfère les choses très enlevées : la pluie, le mauvais temps, l’orage… »

Quelles ont été les planches que vous avez appréciées particulièrement dessiner ?

Je préfère les choses très enlevées : la pluie, le mauvais temps, l’orage… Il s’agit pourtant d’ambiances difficiles à mettre en scène, mais pour moi c’est très facile.

Vous attachez une grande importance aux décors de la série. D’où cela vient-il ?

Les décors sont fouillés mais je me limite quand même. Je ne vais pas faire des décors avec plein de trucs à tout casser où cela prend deux jours pour faire une case ! Là pas question, je me limite. On peut mettre autant de temps que l’on veux pour faire une case. Si l’on n’a pas de place on agrandit. On peut mettre le double de détails dans le décor, mais à ce moment-là on n’en finit pas. C’est dangereux, c’est un piège puisqu’il faut quand même tenir sur un format. Il faut voir sur la planche ce que ça donne. Je ne suis pas un remplisseur de papier. L’important, c’est que le dessin soit concret et qu’on le voit en premier lieu, quitte à supprimer certaines choses qui auraient dû être là. Mais dans le fond, quand la lecture est bien claire et que les personnages ont leurs rôles et qu’ils tournent en rond comme il faut, je ne vois pas pourquoi il faut aller à l’extrême de mettre des décors. C’est du superflu… Quand on regarde le cinéma, les présentations sont beaucoup plus axées sur le personnage que sur le décor. Le décor est un fond derrière, quelque chose qui supporte. C’est au départ d’une séquence qu’il faut le mettre en vedette, mais après il faut laisser tomber. C’est quand même le personnage qui prime pour le lecteur.

Etes-vous déjà allé aux Etats-Unis ?

Jamais. Au Canada mais pas aux Etats-Unis…

Cela ne vous a jamais tenté ?

Aujourd’hui plus du tout.

Dans XIII, vous créez en quelque sorte votre propre Amérique…

Par exemple, pour une station d’essence un peu spéciale, ou une maison un peu spéciale ; je prends une photo n’importe où, je transforme l’ensemble avec l’aide de ma documentation, et c’est fini ! Si le lecteur veut savoir exactement où se trouve cette pompe à essence aux Etats-Unis, il peut aller la chercher pendant 10 ans aux Etats-Unis puisqu’elle n’existe pas. Pourtant, elle est dessinée tout à fait comme c’est aux Etats-Unis.

Etes-vous allé en Amérique du Sud ?

Oui, dans le cadre d’un concours avec XIII. Nous sommes parti avec Jean Van Hamme, deux gagnants et une équipe de télévision en Argentine. C’était court, le voyage était plus long que le séjour en fin de compte.

Comment avez-vous vécu ce contact avec des fans de la série ?

C’était bien. Ils s’intéressaient également à l’Argentine, au paysage. On ne parlait pas constamment de XIII. Mais ce concours, autour de XIII, qui avait eu lieu à Paris m’a beaucoup touché. C’est incroyable l’enthousiasme de ces gens sur le personnage et les auteurs. Ils savaient tout, ils savaient même plus de choses que moi-même sur mes dessins ! C’est une belle expérience et j’en suis ressorti très content.

Quel regard portez-vous sur le merchandising découlant de XIII ?

Avant tout, on aime bien les albums, puisque s’il n’y avait pas les albums, il n’y aurait pas d’objets. J’aime bien ces choses là, comme par exemple les petites silhouettes réalisées par Fariboles. C’est amusant. Il y a eu des Pixi, Aroutcheff… Il y a beaucoup de choses qui existent, puisqu’il y a également des vêtements, des jeux, et notamment le jeu vidéo.

Justement, parlez-nous de ce jeu. Avez-vous participé à sa conception ?

J’ai eu un droit de regard. On a vu le personnage. Justement, dans ce jeu là, pour des détails techniques, il a fallu changer la chevelure de Jones. Il y avait un problème et ils ont du changer et nous avons donné notre accord. XIII n’était pas trop éloigné de ce qu’il est.

Comment avez-vous vécu cette expérience ?

C’est bien, parce que comme on était là, ils ne pouvaient pas louper leur coup dans le fond. Ils s’en sont bien sortis. Ce n’est pas comme le dernier fracas qu’il y a eu au cinéma avec d’autres personnages. C’était un peu une hécatombe. Pour le moment, comme on n’a encore rien fait de côté-là avec le personnage, on s’en réchappe un peu. Autrement, on subit peut-être les conséquences à cause de ce que les autres ont raté.

Cela ne vous semble donc pas envisageable de voir XIII adapté au cinéma…

Si. Je suis tout à fait d’accord. Plus au cinéma que pour la télévision. Il faut voir ce qu’il va se passer. Pour le moment, on est bouche bée, on ne sait pas quoi.

Dans la série, le XIII Mistery est un album un peu particulier…

C’est celui qui m’a le plus amusé, parce que ce sont des idées comme je voulais. J’ai tout fait : mise en page, dessin… Sauf les textes qui sont de Jean.

Pourquoi avez-vous décidé de faire vous-même la mise en page ?

Parce qu’il n’y en avait pas d’autre de capable. Ce n’était pas possible. Je savais depuis le départ ce que je voulais. Cela m’a pris du temps, mais le résultat est là; y compris sur les ventes. Qui l’aurait cru ?

Pourquoi avez-vous réalisé cet album atypique, et non un récit de 46 planches, comme les autres titres de la série ?

Au départ, on s’est dit : «On fait un album de 90 pages, on récupère des petites têtes par ci, par là… et hop !» Cela aurait fait un livre qui ce serait vendu peut-être à 40.000 ou 50.000 exemplaires. Mais cela n’aurait pas été joli. Comme j’ai le souci que les choses soient présentables, je me suis dit : «pas question, je vais le faire comme je le sens». Voilà le résultat. Maintenant tout le monde est content.

Etait-ce pour créer un évènement, puisqu’il s’agit du treizième album de la série ?

Oui. Comme beaucoup de gens ont prétendu que cela s’arrêterait au treizième album… On l’a mis en treizième place, et la série continue de 12, 14, 15…

« [Je préfère] Rouge Total, Le Dossier Jason Fly et La Nuit du 3 août »

Parmi les 16 albums aujourd’hui parus, quel est celui que vous préférez ?

C’est difficile. «Rouge Total», «Le Dossier Jason Fly» et «La Nuit du 3 août». Et les derniers sont bien aussi ! Mais le dernier, comme il est récent, je n’y pense pas trop. Disons dans les 10 premiers…

Vous citiez « Rouge Total ». Qu’appréciez-vous particulièrement dans cet album ?

C’est l’intrigue avec le coup d’état. C’est un album assez spécial.

Et pour «Le Dossier Jason Fly» et «La Nuit du 3 août»…

J’aime beaucoup les ambiances, dans la neige… Il y a aussi l’intrigue avec La Mangouste, le sherif, le chef du patelin un peu corrompu, ancien du Ku Klux Klan. Cela me plaisait beaucoup.

Depuis 20 ans, vous vous êtes pratiquement consacré qu’à XIII ?

Il m’a pompé tout mon temps. J’ai fait les deux Blueberry et c’est tout…

« Je vais doucement vers 70 ans, c’est le moment de profiter un peu de sa vie aussi »

N’avez-vous pas eu envie parfois de dessiner également une autre série ?

Je voudrais bien. C’est très gentil de me le dire, mais ce n’est pas possible. Par exemple, pour le moment j’ai une dizaine de pages au crayon à moitié entamé et je suis bloqué. XIII me prend beaucoup de temps. Je ne travaille plus autant qu’avant non plus. Je prends aussi mes petits week-ends comme tout le monde. Je travaille le temps qu’il faut mais pas trop. Je vais doucement vers 70 ans, c’est le moment de profiter un peu de sa vie aussi.

Qu’appréciez-vous le plus en dessinant cette série ?

Il y a des tas de gens qui attendent. Et je me dis que je suis encore là. Il y a des gens qui croient en moi, qui s’inquiètent, qui se demandent si je vais être dans les temps… On existe toujours.

Il y a un vrai plaisir de savoir que vous allez répondre à l’attente des nombreux lecteurs…

Si je fais un effort à tout casser, ils auront bien leur album à temps. Ce sera pour l’année prochaine. Je fais tout mon possible.

Depuis le début de la série, il y a eu énormément de rebondissements. Vous est-il arrivé d’être vous-même un peu perdu ?

Pas trop. Maintenant, il y a certaines choses que Jean a dévoilé où je me dis que je ne m’étais pas trompé. Par exemple, dans la fameuse énigme des trois montres, j’avais déjà découvert quelque chose avant qu’il ne l’indique. J’avais découvert ça mais je ne peux pas le dire car ce sera dans le prochain. Le lecteur pourrait également découvrir cette énigme, mais il faut un peu être dedans. Stop, je n’en dis pas plus !

Sans dévoiler le contenu du prochain album, on peut dire que le lecteur aura déjà la clé de plusieurs énigmes…

Vous saurez cela en lisant l’album. Notamment sur les trois montres.

Dans des interviews, Jean Van Hamme a déclaré que le 18e album serait le dernier qu’il scénariserait. Vous l’avez appris comment ?

Dans un article où il le disait à un journaliste. J’avais quand même un peu senti qu’il allait laisser tomber un jour. J’ai pris cela, il faut prendre les choses comme une grande personne. Mais j’ai dit «non, je suis désolé mais je continue.»

« Il faut penser au lecteur, il ne faut pas penser à soi »

Qu’est-ce qui vous pousse à continuer ?

Je n’avais pas envie de boucler un personnage comme celui-là à la façon d’Hergé ou quoi que ce soit. Il faut penser au lecteur, il ne faut pas penser à soi. Parce que le lecteur nous a acheté des albums pendant x années et du jour au lendemain, on lui dit «flûte». C’est pas beau envers le lecteur, envers celui qui nous a soutenu.

Cela vous semblerait donc logique que vous passiez un jour la main pour le dessin…

Certainement. Il faut donner une chance à la nouvelle génération, aux nouveaux qui viennent. J’ai eu le même cas avec «Bob Morane», avec «Blueberry». Pourquoi je devrais casser mon personnage et ne pas donner l’occasion à des jeunes qui pourraient en avoir besoin ? C’est un peu dégueulasse, je ne veux pas.

Quand Jean Van Hamme aura tourné la page, savez-vous si vous ferez vous-même le scénario ou si vous ferez appel à un autre scénariste ?

Non. On tâchera de trouver un nouveau scénariste.

Ce 18e album marquera la fin d’un cycle…

C’est la fin d’un cycle. Mais j’ai déjà parlé avec Jean de cela. Lui-même a déjà donné quelques pistes. On est tout à fait d’accord. Il s’arrête, d’accord, c’est son opinion et je respecte ce qu’il dit. Je dis que je ne pourrai pas faire cela. Je lui ai expliqué exactement pour les mêmes raisons que je viens de dire, j’ai fait moi aussi des reprises, c’est quelque chose de tout à fait logique.

Avez-vous déjà des idées pour la suite ?

Même Jean a déjà donné une vague idée. Il n’y a pas de problèmes.

William Vance, XIII est encore parti pour au moins 20 ans ?

Et oui ! Mais ce ne sera pas moi tout seul. De toute façon, Jean m’a dit que dans le 18e, il y aura une ouverture pour la suite de la série.

Il ne retrouvera donc jamais son identité…

Ah si. On le saura dans le 18e. Mais simplement, un type qui trouve son identité n’a pas fini de vivre non plus. La vie continue.

Interview réalisée en 2004
Article posté le mardi 15 mai 2018 par Nicolas Albert

Jean Van Hamme nous parle de William Vance

« Michel Greg, qui faisait avec William Bruno Brazil, nous avait présenté l’un à l’autre avant son départ pour les Etats-Unis. Il m’avait proposé de prendre la suite de Bruno Brazil mais il n’a jamais confirmé ensuite cette cession de personnage. A un certain moment, William m’a téléphoné et m’a proposé de faire autre chose, mais un peu dans le même genre. Donc en réfléchissant un petit peu, on a eu l’idée d’un agent secret qui ne sait pas s’il est un agent secret, et dont on n’est toujours pas sûr qu’il soit un agent secret d’ailleurs.

Je n’avais jamais rencontré William avant de travailler avec lui sur XIII, mais je connaissais son travail. Très peu de temps après notre première rencontre, il est parti vivre en Espagne avec son épouse qui est Espagnole, et on s’est vu de loin en loin. On a beaucoup correspondu par écrit et par téléphone. Les choses se sont alors faites comme cela. »

À propos de l'auteur de cet article

Nicolas Albert

Nicolas Albert est journaliste à la Nouvelle République - Centre Presse à Poitiers. Auteur de plusieurs livres sur la bande dessinée (Atelier Sanzot, XIII 20 ans sans mémoire…) ou de documentaires video, il assure également différentes missions pour le festival international de la bande dessinée d'Angoulême : commissaire d’expositions (Atelier Sanzot, Capsule Cosmique, Boule et Bill, le Théâtre des merveilles, Les Légendaires…), metteur en scène des concerts de dessins, rédacteur en chef de la WebTV et membre du comité de sélection.

En savoir