De la chevalerie

Notre avis : Inclassable mais ô combien original, De la chevalerie de Juliette Mancini est un bel album publié par Atrabile.

Tout d’abord, une gageure que de vouloir résumer De la chevalerie, tellement l’album est un OVNI. Nous pouvons juste dire qu’un roi tente tant bien que mal de diriger son pays. Joyeux bazar dans tout le royaume. Tout y passe avec malice et humour : la religion, les discours pour haranguer la foule, les folies de Bidule le fou du roi, la reine et ses histoires à dormir debout, les habitants, la stratégie militaire, la guerre, les morts à enterrer ou l’apprentissage du dauphin. On est très loin des légendes romantiques sur le Moyen-Age et les preux chevaliers.

Finalement, Juliette Mancini parvient à faire de subtil parallèles avec notre époque actuelle : l’esclavagisme proche de notre ultra-libéralisme actuel, la famille patriarcale (avec la domination de l’Homme sur la Femme), la religion qui régit la vie des fidèles mais surtout la guerre avec ses morts envoyés à l’abattoir et un certain dédain des gens de pouvoir pour les sujets ou les électeurs.

Chaque petit chapitre est introduit par une sorte de fresque explicative, répétitive en gaufrier (timbre poste) d’une belle intelligence et très drôle. Ce côté désinvolte, en prise de recul lointain apporte une dose acerbe et amusante au récit.

L’auteur, qui a reçu le Prix Jeunes Talents en 2014 à Angoulême, dévoile des planches sans cases pourtant très équilibrés. Le trait au fusain de la créatrice de la revue Bien, monsieur, ressemble à un dessin enfantin, très minimaliste.

Article posté le mardi 09 août 2016 par Damien Canteau

De la chevalerie de Juliette Mancini aux éditions Atrabile, décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • De la chevalerie
  • Auteure : Juliette Mancini
  • Éditeur : Atrabile, Hors-collection
  • Prix : 18€
  • Parution : 13 juin 2016

Résumé de l’éditeur : Pas sûr que les hommes aient jamais chassé les autruches à dos de cochons, et pourtant, dans la société médiévale décrite par Juliette Mancini dans De la chevalerie, bien des choses à part celle-ci rappelle « notre » Moyen-Âge : l’aristocrate commande aux paysans, l’homme domine la femme et, en coulisses, l’Eglise tire les ficelles… Si on ajoute que dans ce monde, démagogie et manipulation marchent main dans la main, que les travailleurs (surtout les mécontents) sont remplaçables à souhait, que les étrangers font toujours de bons coupables, on commence même à se dire que tout ça n’est peut-être pas si loin que ça de notre époque… On sent bien que Juliette Mancini est portée par une belle envie d’en découdre avec le monde qui l’entoure, et plus particulièrement avec cette bonne vieille société patriarcale dont on a tant de mal à sortir, mais De la chevalerie est bien plus qu’une oeuvre à thèse ou qu’un pur défouloir, c’est avant tout une superbe bande dessinée bourrée d’humour et pleine d’inventivité. Et c’est avec une désinvolture qui n’est qu’apparente que la jeune auteure saisit à bras le corps son medium, jouant avec la forme, se débarrassant des cases ou les multipliant sur d’autres pages et questionnant, in fine, ce que l’on peut considérer de si chevaleresque chez tous ces « chevaliers ». De la chevalerie est le premier livre de Juliette Mancini, 2e prix Jeunes Talents à Angoulême en 2014 et instigatrice du fanzine Bien, Monsieur.

 

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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