Fudafudak, l’endroit qui scintille

Notre avis : Li-Chin Lin réalise un album-reportage sur l’une des tribus aborigènes de Taïwan, les Amis, dans Fudafudak aux éditions Çà et là.

Artiste taïwanaise née en 1973, Li-Chin Lin a effectué des études en Histoire dans son pays et décide de devenir illustratrice par la suite. Elle vient alors vivre en France  pour y suivre des cours à Angoulême puis à l’école de La poudrière à Valence, où elle vit toujours. C’est à cette époque qu’elle réalise Formose, un album autobiographique sur sa jeunesse sous le régime dictatorial du Kuomintang.

Pour son deuxième album chez Çà et là, elle part à la rencontre du peuple Amis (prononcer Amiss), une communauté aborigène de Taïwan en conflit permanent avec les gouvernement qui se succèdent. Peuple originel de l’archipel, il se frotte rapidement aux colonisateurs chinois au XVIIIe siècle puis aux Japonais après la Seconde Guerre Mondiale. Humiliations, enlèvements, tortures et meurtres sont fréquents chez les Amis de la part des nationalistes de tout bord.

En 2012, Li-Chin discute avec son amie Hsiao-Ching à Taïpei. Cette dernière est toujours aussi virulente contre le gouvernement qui ne fait rien pour protéger les Amis. L’illustratrice tente de la raisonner mais mollement, elle est scotchée par la véhémence de ses propos. Il faut souligner que l’auteure a déjà rencontré des populations aborigènes par le passé et a souvent passée des séjours à la campagnes; tout cela ne lui fait pas peur. De son côté, son amie est une vraie écologiste jusqu’au bout des doigts.

L’année suivante, les deux femmes s’installent à Dulan, un village Amis pour y créer une ferme bio…

A travers 192 pages, Li-Chin Lin met en lumière plusieurs thématiques de manière subtile et intelligente. Petite femme douce et plutôt timide – elle est écrasée par la force de son amie – elle parle de discriminations, de révoltes, de comment résister à la mondialisation (combat contre l’hôtel qui doit se construire), connaître ses racines, la transmission, comment protéger son cadre de vie, l’amitié mais aussi l’écologie et l’environnement.

Entre notions historiques et humour – elle pratique l’auto-dérision avec une belle facilité – Fudafudak est agréable à la lecture. Il faut souligner que Taïwan est un pays méconnu des Français. Peut être certains connaissent Tchang Kaï-Chek, militaire et président-dictateur de l’île jusqu’en 1975. Le lecteur apprend donc une foule d’éléments sur ce pays asiatique qui résonne en nous uniquement avec « Made in Taïwan », alors qu’il est beaucoup plus complexe et intéressant que cette expression négative.

Article posté le samedi 22 avril 2017 par Damien Canteau

Fudafudak l'endroit qui scintille de Li-Chin Lin (çà et là) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • Fudafudak, l’endroit qui scintille
  • Auteur : Li-Chin Lin
  • Éditeur : çà et là
  • Prix : 20€
  • Parution : 21 avril 2017

Résumé de l’éditeur : Après un premier roman graphique consacré à Taïwan, Formose, Li-Chin Lin réalise avec Fuda-Fudak un reportage passionnant sur l’une des communautés aborigènes de l’île, les Amis. Avant l’arrivée des immigrés chinois au 17e siècle, Taïwan était habitée par une vingtaine de groupes aborigènes, pour la plupart aujourd’hui disparus. Les Amis sont l’une des tribus indigènes qui subsistent. En 2013, une amie de Li-Chin, Hsiao Ching, décide de quitter la capitale, Taipei, pour s’installer à Dulan, un village Amis de la côte Est. Elle y monte un projet de ferme bio et noue rapidement des relations fortes avec les Amis, puis en vient à défendre leurs intérêts et milite avec eux contre un énorme projet de complexe hôtelier sur la plage de Fuda-Fudak, proche de Dulan…. Réalisé entre 2013 et 2015, Fuda-Fudak décrit l’installation de Hsiao Ching dans ce village, la mise en place de son projet de ferme bio, ses relations avec les aborigènes, ainsi que l’histoire du conflit avec les autorités locales jusqu’à la conclusion de l’affaire Fuda-Fudak. Li-Chin Lin a vécu avec son amie et les Amis pendant plusieurs mois et, à travers le récit de leur quotidien, elle montre comment une minorité tente envers et contre tout de préserver ses coutumes et son cadre de vie face à un gouvernement obnubilé par des intérêts financiers.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

En savoir