L’homme de la maison

Notre avis : Il n’est pas chose aisée d’avoir 12 ans et de vivre dans un quartier populaire de Singapour. C’est le sort dramatique de Yong que nous décrivent Dave Chua et Koh Hong Teng, dans L’homme de la maison, un manga fort édité par Steinkis.

Singapour de nos jours. Yong, 12 ans vit dans une immense barre d’immeuble avec son père peu présent et joueur invétéré, une mère aimante, un petit frère espiègle et Ah Ma sa grand-mère. Ses parents sont durs avec lui parce qu’ils veulent qu’il réussisse à tout prix et donc l’arracher à sa condition sociale toute tracée; il est plutôt doué dans les études. Grand pour son âge, l’adolescent est obéissant, généreux et serviable : il aide sa mère dans les tâches ménagères et s’occupe de sa grand-mère douce mais qui perd déjà un peu la tête.

Sa vie est rythmée par le collège, sa famille très importante, ses devoirs et ses amis. Parmi eux, Liang, un jeune garçon livré à lui même, rebelle et qui défie l’autorité. Tous les deux passent leurs journées d’été sur le terrain de jeux en bas des immeubles. Cet endroit de toutes les possibilités va d’ailleurs bientôt être transformé. Mais, la vie de Yong bascule le jour où son père décide de quitter le foyer familial.

L’homme de la maison, voilà le destin tout tracé de Yong après le départ de son père couplé au décès de Ah Ma. Le récit de Dave Chua était au départ deux romans parus en 2011 et 2012 qu’il a décliné en bande dessinée et même en série télévisée. Forte, parfois bouleversante et d’une grande mélancolie, cette histoire est une très belle chronique sociale d’une famille lambda singapourienne, petit pays riche mais méconnu des Français. Ce beau manga permet de le découvrir à travers une foyer en déshérence qui va basculer. Alors qu’il avait tout pour fonctionner, basé sur des fondations solides (le couple), il dérive lentement vers l’abîme. Et au milieu de tout cela, un jeune garçon qui perd ses propres repères. Dave Chua confie : « Dans l’histoire de Yong, ce qui est difficile, c’est cette charge supplémentaire d’avoir à accompagner sa grand-mère dans la maladie, à quoi s’ajoute sa tristesse, quand
son père s’éloigne du foyer, au moment même où Yong aurait le plus besoin de lui. »  Pourtant, l’adolescent lui continue de rêver comme il en a eu l’habitude depuis longtemps.

Le scénariste le présente d’ailleurs ainsi : «  Celui-ci doit jongler entre la préparation à son examen d’entrée au
collège, la garde de son petit frère et les tâches ménagères. Aux soucis du quotidien s’ajoutent ceux de la famille : les parents qui ne s’entendent plus, la disparition de la grand-mère qui jusqu’ici vivait avec eux et bien sûr l’obligation d’aller à l’école… » Il appuie son propos sur des protagonistes très bien cernés, au caractère complexe et fort.

Le déterminisme social, la mort, le passage à l’âge adulte, tout cela est évoqué avec une grande pudeur et une belle intelligence. Le dessin confié à Koh Hong Teng est lui aussi très réussi. Son trait en noir et blanc est d’une grande lisibilité, simple mais fort. Il livre de belles planches où l’architecture de ces immeubles très présente est un personnage à part entière.

Article posté le dimanche 13 mars 2016 par Damien Canteau

L'homme de la maison de Dave Chua et Koh Hong Teng (Steinkis) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • L’homme de la maison
  • Auteur : Koh Hong Teng, d’après les romans de Dave Chua
  • Editeur : Steinkis
  • Prix : 22€
  • Parution : 09 mars 2016

Résumé de l’éditeur : Yong a 12 ans, une grand-mère lunaire, un petit frère turbulent, un père joueur invétéré, une mère courage et un meilleur ami rebelle.
Et la vie n’est pas toujours douce pour ce garçon rêveur dont on attend qu’il devienne l’homme de la maison.
Une fenêtre inédite, tour à tour poétique, âpre et évocatrice, sur la société singapourienne.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.

En savoir