Sortie d’usine

Benjamin Carle, journaliste, est venu rencontrer les ouvriers de l’entreprise GM&S dans leur combat pour sauvegarder leur emploi. Il raconte cette lutte dans Sortie d’usine, un très bel album poignant mis en image par David Lopez aux éditions Steinkis.

Réalisateur de documentaires et journaliste, Benjamin Carle se rend à Limoges afin de rencontrer Vincent Labrousse, un ancien ouvrier de l’usine GM&S. Avec lui, ils discutent de la fin programmée de l’entreprise après moult changements de propriétaires.

Les salariés ont longtemps lutté pour sauvegarder tant bien que mal leur outil de production et les emplois. Je me souviens très bien des ouvriers débarquant au tribunal de commerce de Poitiers en 2017. Ce fut un vrai moment de partage, d’explication set de lutte. Rembobinons le film.

La Souterraine dans la Creuse. Profitant d’un programme d’aménagement du territoire dans les années 1960, un patron décide de créer la SOCOMEC produisant des jouets pour enfants, des balançoires et des rameurs. L’ancêtre de GM&S. Au fil des années, la politique industrielle de l’usine change pour se tourner vers l’automobile. L’entreprise est alors un sous-traitant pour Peugeot et Renault. Au zénith de la production, près de 500 employés travaillent dans l’entreprise.

Mais les leaders automobiles français décident de ne plus mettre tous leurs œufs dans le même panier et multiplient les fournisseurs de pièces. La situation se dégrade et les repreneurs se succèdent sans grande réussite, jusqu’à la vente à GM&S. Il ne reste plus que 120 ouvriers…

Sortie d’usine, c’est une collecte de témoignages pour faire ressentir aux lecteurs toute la colère qu’ils eurent en eux pendant la lutte. Comment tenter de sauver ce qui pouvait l’être ? Comment aider au mieux ce qui vont restèrent sur le carreau ?

Sortie d’usine : GM&S, symbole de la France désindustrialisée

Cette entreprise de La Souterraine est le symbole de cette France qui se désindustrialise. Une France qui voit partir ces fleurons industriels vers d’autres contrées plus lointaines. Une France qui n’a pas les armes ni la volonté d’une politique ambitieuse pour le secteur II.

Armé de son carnet, Benjamin Carle note l’histoire, mais aussi le désarroi et le désespoir de ces ex ou encore ouvriers d’une usine. Il met le doigt sur le lâchage en règle des différents ministres de l’économie ou de l’industrie de cette entreprise qui fit énormément pour sa ville et son département.

Ce combat, le scénariste, dont c’est la première bande dessinée, le magnifie à travers des anonymes qui ont tout perdu, sacrifiés sur l’autel de la finance.

Pour l’accompagner dans ce projet, David Lopez met en image cette somme de témoignages. Après Planète football en 2018, ce diplômé de l’école Emile Cohl s’attaque à un tout autre genre. Ces planches sont très belles, très équilibrées et rendent un vrai hommage à ces ouvriers sacrifiés.

Sortie d’usine : un livre de lutte sociale dans les pas de Un homme est mort de Kris et Davodeau, Noir métal de Loyer et Bétaucourt ou Lip de Galandon et Vidal. Un message politique fort et instructif.

Article posté le lundi 12 avril 2021 par Damien Canteau

Sortie d'usine Les GM&S la désindustrialisation et moi de Benjamin Carle et David Lopez (Steinkis)
  • Sortie d’usine, Les GM&S, la désindustrialisation et moi
  • Scénariste : Benjamin Carle
  • Dessinateur : David Lopez
  • Éditeur : Steinkis
  • Prix : 18 €
  • Parution : 18 mars 2021
  • ISBN : 9782368462645

Résumé de l’éditeur : Comme beaucoup de français, Benjamin Carle entend parler de GM&S pour la première fois en 2017, alors que les salariés menacent de faire sauter leur usine de sous-traitance automobile pour lutter contre sa fermeture. Journaliste et documentariste, il décide de retracer l’histoire et le destin de la plus grande entreprise de la Creuse, installée à La Souterraine depuis 1963. Cette enquête raconte le combat d’ouvriers, dessine le portrait d’une ville, replonge dans les archives et les données économiques pour comprendre comment nous en sommes arrivés là. Elle fait aussi, en creux, les comptes de la désindustrialisation dont les conséquences continuent de se dévoiler. Même dans le « monde d’après ».

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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