Notre avis : François Bégaudeau et Elodie Durand dévoilent leur vision de mai 68 à travers la vie de Renée, une ouvrière de l’usine Wonder.
Renée, jeune femme dans la vingtaine, travaille depuis quelques années dans une usine Wonder qui fabrique des piles. La cadence est élevée, le contremaître détestable et les produits nocifs nombreux qui entrent par tous les pores de la peau et qui se collent sur les poumons. Son esprit rebelle ne plait guère dans l’entreprise, pourtant, elle reste toujours à la limite pour ne pas perdre son emploi.
Le soir, elle rentre dormir dans sa chambre de bonne, seule mais toujours à écouter des disques. Les temps sont troubles, les facs sont bloquées et l’icône Daniel Cohn-Bendit se retrouve rapidement en face des caméras. C’est le début de mai 68 ! Son usine est elle-même bloquée par des grévistes. Renée et Jeanine, son amie, sont alors entrainées dans une manifestation : les slogans et les gaz lacrymo font tourner la tête, les pavés volent. Au détour d’un rue, elle croise Antoine, un drôle de zig…
Parler de Mai 68 n’est pas une entreprise très simple. François Bégaudeau (romancier, remarqué par son roman adapté en film Entre les murs, palme d’or à Cannes) y parvient presque. En mettant en scène, une femme – femmes importantes à cette période, mais peu utilisées dans les fictions comme rôle principal – Renée qui participera à ce moment tourmenté alors que cela n’était pas prévu.
Le scénario documenté de l’auteur de Mâle occidental contemporain (avec Clément Oubrerie) est comme un tourbillon, telles ces manifestations et son héroïne qui sera emportée comme de nombreux français. Le récit est léger mais le propos très fort et les conditions de vie à l’usine sont bien restituées. La seconde partie de l’album, elle semble plus légère, avec plus d’humour comme pour fustiger les idées, les utopies de ces néo-intellectuels.
Le gros point fort de Wonder est sa partie graphique. Elodie Durand dévoile de belles planches grâce à un trait aérien qui fait entrer Renée dans ce fameux tourbillon comme une très belle danse. Le trait en noir et blanc, agrémenté de gris de l’auteur de La parenthèse permet de mettre de la distance avec la violence des actes. Les 7 premières pages sur la société de consommation et celles pendant la manifestation (les slogans, les touches de rouge par-ci par là) sont sublimes.
- Wonder
- Scénariste : François Bégaudeau
- Dessinatrice : Elodie Durand
- Editeur : Delcourt, collection Mirages
- Prix : ~17.95€
- Parution : 14 septembre 2016
Résumé de l’éditeur : En mai 68, Renée, une jeune ouvrière de l’usine de piles Wonder, est emportée malgré elle par le flux de la grève générale. Au gré des rencontres et des événements, elle va gagner son émancipation. Étudiants et ouvriers, unis contre le patronat, c’est la collision de deux mondes qui vont s’entrechoquer. Rebaptisée « Wonder » par des étudiants bourgeois, Renée va vivre avec eux, découvrir leur système de pensée, la joute verbale, la culture, la politique et comprendre qu’elle vit un moment clé. Elle a pu entrevoir un univers foisonnant. où tout est à réinventer. Les lignes peuvent bouger.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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