Matricule 155 Simon Radowitzky

DANS LA PEAU D’UN REBELLE

Toute sa vie il aura été un rebelle et un militant. Simon Radowitzky (1891- 1956) figure mal connue en Europe de l’anarchisme, est aujourd’hui le sujet d’un imposant roman graphique, « Matricule 155 », publié par l’exigeante maison Vertige Graphic (un peu plus de 120 titres publiés depuis 1993).

Jusqu’où un homme peut-il résister pour un idéal ? C’est en filigranes la question que pose l’auteur de cette biographie dessinée, l’argentin Agustin Comotto, auquel il aura fallu six ans de travail et de recherches sur le terrain et dans les archives pour mettre en images la vie de cet homme d’exception.

DE L’UKRAINE À L’ARGENTINE

Né en Ukraine dans une famille ouvrière d’origine juive qui fuit alors la violence des Cosaques, Simon Radowitzky connaît très jeune, il n’a que 10 ans, les difficiles conditions de travail de l’usine. A 14 ans, on le retrouve participant à une première grève et déjà délégué ouvrier. C’est le temps d’un premier exil pour échapper à la déportation en Sibérie.

La fuite, la séparation et l’exil ponctueront la vie de cet homme dont l’idéal de justice sociale le mènera maintes fois en prison. Jusqu’à cette colonie pénitentiaire d’Ushuaïa ( Argentine ) où il passera 21 ans pour l’assassinat le 14 novembre 1909 de Ramon Falcon, le chef de la police de Buenos Aires , responsable d’une féroce répression policière à l’encontre du mouvement ouvrier.

DU MYTHE A L’ANONYMAT

Pendant sa longue détention dans un pénitencier du bout du monde, Radowitzky va devenir, à son corps défendant, un véritable mythe pour les opprimés du monde entier.  Le mouvement libertaire organise grèves et campagnes de solidarité pour le faire libérer du bagne. Libéré en 1930, le matricule 155 ne cessera pas pour autant la lutte.

C’est ainsi qu’on le retrouve au début des années 1930 en Uruguay où il s’engage contre la dictature puis il connaît à nouveau la déportation. C’est ensuite l’Espagne républicaine et la Révolution qui l’accueillent. L’homme se bat alors sur le front puis travaille pour les anarcho-syndicalistes de la CNT. En 1939 il sera de nouveau interné, cette fois en France dans le camp de Saint-Cyprien, dans les Pyrénées Orientales. Libéré, il reprendra la route pour le Mexique où il milite dans la Section internationale d’aide aux réfugiés de la Solidarité internationale antifasciste.

C’est dans ce pays qu’il terminera son existence, ayant choisi depuis un certain temps déjà de replonger dans l’anonymat. A l’inverse de ses compatriotes argentins devenus célèbres ou élevés au rang de mythes tels un Che Guevara, un Gardel ou un Maradona, Radowtizky aura tout fait pour ne pas être une icône, préférant le collectif à l’individuel.

Avec ses visages taillés au couteau, marqués, cernés de noirs et blancs parfois teintés de rouge, qui font parfois penser au trait de son compatriote Breccia, Comotto réussit son pari. Donner de la chair à des idées et faire de cette histoire universelle, la lutte pour la justice et les droits humains l’histoire de chacun…

Article posté le samedi 02 décembre 2017 par Jean-Michel Gouin

Matricule 155 Simon Radowitzky de Agustin Comotto (Vertige Graphic) décrypté par Comixtrip
  • Matricule 155, Simon Radowitzky
  • Editeur : Vertige Graphic
  • Auteur : Agustin Comotto
  • Prix : 30 €
  • Parution : Octobre 2017
  • IBAN : 9782849991237

Résumé de l’éditeur. L’Argentine, pays neuf s’il en est, est un pays de mythes : Evita, le Che, Gardel ou Maradona en témoignent suffisamment. Simon Radowitzky est l’un de ces mythes. Si sa légende n’est pas vraiment arrivée jusqu’à nous en Europe, c’est que il a tout fait pour se faire oublier, pour se fondre dans la masse, jusqu’à changer de nom uniquement pour devenir anonyme. Pourtant, il n’y eut jamais en Argentine d’effort collectif de la classe populaire aussi massif que la campagne pour la libération de Radowitzky. Simon a passé les premières années de sa vie dans un village misérable au sud de Kiev. Issu d’une famille juive pauvre, qui doit fuir le village sur lequel s’abat la répression des cosaques, l’enfant de dix ans, après un très bref passage par une école juive rabbinique où il a tout juste le temps d’apprendre à lire, échoue au travail. Et le travail en ce tout début du 20e siècle n’est pas très différent de l’esclavage.

À propos de l'auteur de cet article

Jean-Michel Gouin

Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin est journaliste à Poitiers.

En savoir