André Juillard est décédé le mercredi 31 juillet 2024. Co-créateur des 7 vies de l’épervier avec Cothias et quelques épisodes de Blake et Mortimer avec Sente, il était Grand prix de la ville d’Angoulême en 1996. Il avait 76 ans. Un auteur majeur du monde du 9e art qui a révolutionné les récits historiques.
Alors qu’un nouvel opus de Blake et Mortimer réalisé par sa main, Signé Olrik, était annoncé pour cette fin d’année 2024, nous apprenons le décès d’André Juillard, ce mercredi 31 juillet. Une disparition qui laisse un grand vide dans le monde de la bande dessinée, tant l’auteur parisien a marqué le médium et son époque. Une carrière immense qui débute au milieu des années 1970.
Jean Giraud, Jean-Claude Mézières et Philippe Druillet comme parrains de bande dessinée
Né le 9 juin 1948 à Paris, André Juillard suit des cours de communication visuelle à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. Mais c’est en 1973 qu’il plonge véritablement pour la première fois dans le monde de la bande dessinée. Il participe aux cours de Philippe Druillet, l’auteur de Lone Sloane qu’il apprécie. Ces moments privilégiés sont parfois co-animés par Jean Giraud/Moebius et Jean-Claude Mézières. Une possibilité immense pour progresser avec ces trois grands artistes.
André Juillard : Une passion pour l’Histoire, la passion de sa vie
Seulement une année plus tard, le magazine catholique Formule 1 publie son premier dessin. Il poursuit sa collaboration avec le groupe Bayard/Fleurus en illustrant des textes, notamment Roméo et Juliette. Sa passion pour l’Histoire naît avec la création de Bohémond de Saint-Gilles sur un scénario de Claude Verrien, pour le même magazine. Suivent ensuite les séries Isabelle Fantouri avec Jacques Josselin ou Les Cathares avec Didier Convard.
Mais sa vraie reconnaissance critique et publique, André Juillard la doit à Masquerouge. Ce voleur masqué à l’époque de Louis XIII est co-créé avec Patrick Cothias en 1980. Pourtant les 15 premiers récits de cette série passent un peu inaperçus. Le duo décide de reprendre les droits et propose Masquerouge à Henri Filippini pour sa revue Circus.
Les 7 vies de l’épervier, une fabuleuse saga historique
Patrick Cothias et André Juillard développent alors l’univers de Masquerouge en imaginant Les 7 vies de l’épervier à partir de 1982. Cette série chez Glénat s’impose rapidement auprès du public. Il faut souligner qu’elle renouvelle avec intelligence le récit historique en bande dessinée. Les personnages comme Ariane et Grandpin prennent de l’épaisseur psychologique. Des héros qui croisent des personnages historiques comme Henri IV ou Marie de Médicis.
Les lecteurs et lectrices sont conquis et les ventes s’envolent. Entre 1983 et 1991, les sept tomes deviennent des best-sellers. Les éditions Glénat s’engouffrent dans cette folie historique en créant le magazine Vécu. De nombreuses séries voient le jour. Patrick Cothias imagine un grand puzzle autour des 7 vies de l’épervier en développant 9 séries parallèles avec d’autres dessinateurs (Ninon secrète, La tentation de Navarre, Le masque de fer…). En tout, plus de 50 albums.
En même temps que Masquerouge, André Juillard réalise les planches de Arno, une série de Jacques Martin. Le créateur d’Alix imagine un récit historique dans le cadre de l’armée napoléonienne.
André Juillard retrouve ensuite son compère Patrick Cothias, quatre ans après la fin des 7 vies de l’épervier. En quatre volumes, le duo propose une suite à sa saga aux éditions Dargaud, Plume aux vents. Là encore, les lecteurs sont au rendez-vous. Un succès.
André Juillard et des récits ancrés dans le réel
Si sa carrière est marquée par des récits historiques, André Juillard réalise également des histoires ancrées dans le réel contemporain. Il imagine seul Le cahier bleu et Après la pluie. Ce chassé-croisé amoureux entre Louise et Armand permet au dessinateur de toucher un autre public, plus féminin.
Le cahier bleu obtient l’Alph’Art du meilleur album en 1994. Deux ans plus tard, le même festival d’Angoulême lui décerne sa plus prestigieuse récompense. Il devient Grand prix de la ville, comme Franquin, Pratt, Tardi ou Eisner avant lui. Il entre alors dans le cercle fermé des très grands artistes du 9e art.
Blake et Mortimer, un tournant
Après Jean Van Hamme et Ted Benoît (L’affaire Francis Blake), les éditions Dargaud signent un deuxième duo pour animer les nouvelles aventures de Blake et Mortimer.
Le directeur éditorial des éditions Le Lombard, Yves Sente, imagine ces nouvelles aventures pour André Juillard. Ensemble, ils dévoilent sept albums de Blake et Mortimer entre 2000 et 2016 (La machination Voronov, Les sarcophages du 6e continent, Le bâton de Plutarque, Le testament de William S., …). Là encore, le succès public est au rendez-vous.
Dans ces mêmes années, André Juillard alterne entre le duo so british et d’autres albums. Notamment, Léna avec Pierre Christin entre 2006 et 2020, Mezek avec Yann en 2011 et Double 7 en 2018, avec le même scénariste.
Il suffit de se pencher sur les illustrations, les dessins ou les planches d’André Juillard pour se rendre compte de tout son talent, sa virtuosité graphique. Ses découpages sur les 7 vies de l’épervier sont un modèle pour les futur.es auteurices de bandes dessinées.
André Juillard a marqué de son empreinte les mondes du 9e art. Un artiste important, talentueux et humble. Son héritage est immense, notamment pour de nombreux auteurs de BD. Ses albums méritent que nous les lisions, les relisions pour comprendre qu’ils sont un rouage essentiel de la bande dessinée. Il y aura un avant et un après André Juillard, certainement.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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