Sa mère mourante, Yuta lui fait la promesse de réaliser un film sur la fin de sa vie. Il projette le film dans son école mais se fait fustiger. Il tente alors se suicider mais une jeune fille l’en empêche. Tatsuki Fujimoto met en scène ses doutes dans Adieu Eri, un manga dérangeant et bouleversant aux éditions Crunchyroll.
Filmer sa mère
Le jour de son anniversaire, pour ses douze ans, Yuta Ito se voit offrir un téléphone portable. Mais étrangement, quelques jours après, sa mère lui demande de la filmer. Surprenant, parce qu’elle est en phase terminale d’une longue maladie.
Le jeune adolescent débute alors les prises de vue. Il décide ensuite de faire le montage et de réaliser un film. Court-métrage qu’il présente à l’ensemble de ses camarades de collège.
En finir avec la vie
Mais les retours des élèves sont exécrables. Ils se moquent de la fin de son film. Il faut souligner que Yuta a décidé de faire exploser l’hôpital dans lequel sa mère est décédée.
Pris d’un sentiment de honte, son mal-être est profond après ses railleries. Il monte sur le toit de l’hôpital et décide de sauter. Il veut en finir avec la vie. Mais, Eri, une jeune adolescente, l’en empêche.
Filmer encore
Eri réussit son entreprise. Yuta ne saute pas. La jeune fille lui confie qu’elle a beaucoup aimé son film. Elle lui propose alors de réaliser une vidéo sur eux.
Elle l’invite à regarder des longs-métrages dans un lieu désaffecté. Les liens se tissent entre eux même si elle lui demande de faire et refaire le scénario du film. Elle est exigeante. Mais pourquoi ?
Adieu Eri, nouveau Fujimoto
Lorsque Tatsuki Fujimoto annonce qu’il réalise un nouveau projet, c’est la folie chez ses compatriotes japonais. Il faut dire que depuis ses débuts en 2011, alors qu’il n’a que 17 ans, c’est l’effervescence autour de lui. Deux poules au fond du jardin lance sa carrière. Il enchaîne les récits courts (L’amour est aveugle, La prophétie de Nayuta). Son succès grand public, il le doit à sa première série, Fire Punch (2016-2018).
Il enchaîne, par la suite, avec Chainsaw Man. Un phénomène au Japon. Mais, ce sont dans ses one-shots qu’il s’exprime le mieux et que l’on apprécie le plus son univers. Look Back comme Adieu Eri en sont la preuve.
Adieu Eri, entre deuil, absence et promesses
A peine sortie sur le site Shônen Jump+, Adieu Eri fait un carton. Il amasse 2,2 millions de vue en un jour ! Il est également nommé au Grand Prix du Manga 2023.
Le récit est donc fondé sur une double relation humaine. Celle de Yuta et de sa mère et celle de Yuta et Eri. La première met assez mal à l’aise. Si cela part d’un bon sentiment – filmer sa mère mourante – le lecteur est assez dérangé par des scènes d’une femme agonisante. Plus surprenant, il filme que lorsqu’elle est d’accord. Ainsi, elle est souvent souriante ou elle semble de bonne humeur. Cela tranche avec sa fin annoncée. Surtout que ces moments idylliques masquent la personnalité d’une femme pas si parfaite que cela.
Eri et Yuta, liens d’amitié ?
En ce qui concerne les rapports entre les deux adolescents. Ils sont aussi très spéciaux. Eri semble agréable avec Yuta mais cela ne cache-t-il pas une personnalité psychologiquement instable ? Ces moments intimes sont parfois fracassés par la dureté de la jeune adolescente.
Parce que oui, Yuta la filme également. Comme il a pu le faire avec sa mère. Alors, il y a de l’amitié entre le deux, de l’amour inavoué mais également de la tension.
Eri et le cinéma
Adieu Eri, ce n’est pas uniquement des relations humaines distendues. C’est aussi un bel hommage au cinéma. Eri apporte cette culture cinématographique à Yuta. Ils regardent ensemble des longs-métrages et elle lui donne également des conseils de réalisation. Le 7e art se mêle alors avec le 9e art de manière délicate. Pour renforcer ce lien, Tatsuki Fujimoto dessine des cadres comme des vieilles pellicules ou utilise le floutage comme si une personne n’avait pas mis ses lunettes 3D lors de la projection.
Le tournage du film avec Eri permet aussi un temps de parenthèse dans la vie de Yuta. Une existence entre le deuil, la maladie, l’absence, les humiliations et le harcèlement.
Adieu Eri, un dessin au diapason
Pour cet album, Tatsuki Fujimoto tente de cadrer ses vignettes comme s’il s’agissait de prises de vue d’un smartphone. Les cases sont donc souvent en paysage. On apprécie vraiment le moment où l’on ne voit qu’un seul angle lorsqu’Eri s’adresse à Yuta. Cette scène n’a pas de contre-champ. Si l’on a bien le dialogue de l’adolescent, la focale ne se concentre que sur son amie.
L’auteur japonais est habile. Il manie avec intelligence les codes de la narration et du découpage. Son dessin est percutant. Il met en lumière les duels verbaux de personnages. Il se concentre avant tout sur cela. Les propos de ses héros sont le plus important. L’intime est le cœur d’Adieu Eri.

- Adieu Eri
- Auteur : Tatsuki Fujimoto
- Traducteur : Sébastien Ludmann
- Editeur : Crunchyroll
- Prix : 7,29 €
- Parution : 18 janvier 2023
- ISBN : 9782820345943
Résumé de l’éditeur : « Je veux que tu me filmes jusqu’à ma mort. » Yûta, adolescent mordu de cinéma, accomplit cette dernière volonté de sa mère avec un brio… explosif. Dépité par la réception de son court-métrage, il s’apprête à en finir à son tour. Lorsqu’il rencontre Eri. Cinéphile, comme lui, la mystérieuse jeune fille va inspirer Yûta et l’aider à réaliser un nouveau film… Après Look Back, Tatsuki Fujimoto revient explorer la frontière floue entre le réel et la fiction, pour livrer, dans ce troublant court-métrage dessiné, une vibrante déclaration d’amour au septième art.
À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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