Alice Guy

Alice Guy fut la première réalisatrice au monde ! Elle fut oublié des livres d’Histoire. Son nom fut effacé au fil du temps. Pourtant, elle mit son talent au service des premiers pas du cinématographe. Avec 700 films, elle marqua l’univers du 7e art. Catel et José-Louis Bocquet réparent cet oubli dans une merveilleuse biographie éditée par Casterman.

Alice Guy : pionnière du cinéma

La fée aux choux, La vie du Christ, Baignade dans un torrent ou encore Surprise d’une maison au petit jour, tous ces titres de films ne vous disent rien ? Pourtant, ils furent réalisés par Alice Guy, pionnière du cinématographe et première réalisatrice au monde.

Avec ces longs ou courts-métrages – dont peu sont arrivés jusqu’à nous car détruits – elle devint une cinéaste qui compta à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Pourtant, au fil des années, son nom fut effacé des tablettes par ces pertes mais aussi la part grandissante des autres réalisateurs et par quelques hommes (jaloux ?). La puissance du patriarcat mettent à genou toutes les femmes, y compris celles qui ouvrirent la voie aux autres.

Si ses mémoires furent publiées post-mortem – en 1976, soit huit ans après son décès – il faudra attendre 2020 et Be Natural : l’histoire cachée d’Alice Guy-Blaché un documentaire coproduit par Jodie Foster et réalisé par Pamela B. Green pour la réhabiliter. Poursuivant ce travail mémoriel, José-Louis Bocquet et Catel publient à leur tour une passionnante biographie d’Alice Guy aux éditions Casterman.

De Saint-Mandé à Valparaiso, en passant par Paris : une vie de voyages

La vie d’Alice Guy est d’une richesse incroyable. Avant ses premiers tours de manivelle, elle voyage beaucoup en compagnie de sa mère, son père ou ses frères et sœurs. Si elle nait à Saint-Mandé dans le Val-de-Marne, elle passe quelques années à Carouge en Suisse dans un pensionnat.

Marie, sa maman, vient la chercher par la suite et l’embarque sur un bateau direction Valparaiso au Chili pour y rejoindre son époux, propriétaire d’une chaîne de librairies. Mais son affaire fait faillite. Émile Guy meurt. Ce décès pousse Marie et Alice à regagner la France pour Paris.

Du secrétariat de Léon Gaumont aux premiers films

Âgée de 21 ans, Alice Guy entre au service de Léon Gaumont comme secrétaire de direction au Comptoir général de la photographie. L’entreprise vend des appareils pour prendre des clichés photographiques.

Dans le même temps, elle suit des cours de Frédéric Dellaye qui lui apprend le développement photo. Mais le gros choc de sa vie, c’est sa vision de L’arroseur arrosé des frères Lumière lors d’une projection privée en 1895.

L’année suivante, Alice demande l’autorisation à son patron de pouvoir tourner des films. Il accepte si cela n’empiète pas sur son temps de travail. Elle réalise alors La fée aux choux, le premier d’une longue liste de 700 films. En actionnant la manivelle, elle devient ainsi la première femme à effectuer ce geste et donc la première réalisatrice au monde…

Une biographie passionnante

Après la merveilleuse Kiki de Montparnasse, la révolutionnaire Olympe de Gouge et la virevoltante Joséphine Baker, José-Louis Bocquet et Catel plongent de nouveau le lecteur dans la vie d’une femme importante de l’Histoire de France : Alice Guy.

Comme les précédentes biographies, celle de la première réalisatrice est passionnante, intelligemment écrite, foisonnante de secrets et anecdotes sur une figure majeure du cinéma pourtant méconnue des Français.es.

Le découpage en chapitre proposé par le scénariste du Privé d’Hollywood et des Aventures d’Hergé est astucieuse. Il permet de retracer la vie de la metteuse en scène de manière chronologique. Comme Alice Guy a beaucoup voyagé, cela permet aux lecteurs de mieux appréhender sa vie et les lieux qui ont compté pour elle.

En plus des 322 pages de bande dessinée, José-Louis Bocquet a confectionné un dossier en postface reprenant les dates de la vie de la réalisatrice mais également une notice biographique contant la vie des différents acteurs de ce formidable roman graphique.

De l’humour au féminisme

Si elle n’a que 23 ans lorsqu’elle met en boîte son premier film, Alice Guy réalisa des centaines de longs ou courts-métrages entre 1896 et 1950. Seule ou aidée dans sa tâche, elle fera même construire des studios à Fort Lee aux États-Unis ou montera sa société de production Solax Film Co..

Son mariage avec Hubert Blaché en 1907 ne sera pas des plus simples devant partir avec lui pour Berlin afin de développer les entreprises Gaumont sur le territoire allemand.

Sa filmographie est impressionnante allant de films comiques à ceux sur la guerre civile ou les problèmes ethniques, sur La vie du Christ (tournée en plusieurs épisodes), en passant par ceux très féministes. Car oui, en plus d’être la première réalisatrice au monde, elle fut une militante féministe par ses courts ou longs-métrages.

« L’émancipation et le féminisme d’Alice sont intrinsèques à son histoire » – Catel dans Le Figaro (25/09/21)

Ainsi, Les résultats du féminisme en 1906 fut décisif mais tourné en ridicule par les hommes. Elle enchaînera pourtant de nombreuses scènes sur ce thème.

Le délicat dessin de Catel

Comme pour les autres biographies avec José-Louis Bocquet, Catel sublime cette destinée d’une femme si importante dans l’Histoire. L’autrice de La princesse de Clèves et Le roman des Goscinny joue avec habileté le noir et les nuances de gris pour réaliser des planches d’une grande délicatesse.

Tous les grands artistes de l’époque sont là, croqués avec beaucoup de réussite par la dessinatrice : les frères Lumière, Charlie Chaplin…

Pour découvrir la vie romanesque et palpitante d’Alice Guy, la première femme réalisatrice au monde, précipitez-vous chez votre libraire pour faire l’acquisition de cette superbe biographie de Catel et José-Louis Bocquet.

Article posté le samedi 25 septembre 2021 par Damien Canteau

Alice Guy de José-Louis Bocquet et Catel (Casterman)
  • Alice Guy
  • Scénariste : José-Louis Bocquet
  • Dessinatrice : Catel
  • Editeur : Casterman
  • Prix : 24,95 euros
  • Parution : 22 septembre 2021
  • ISBN : 9782203171657

Résumé de l’éditeur : Le parcours exceptionnel de la première réalisatrice de l’histoire du cinéma En 1895, à Lyon, les frères Lumière inventent le cinématographe. Moins d’un an plus tard, à Paris, Alice Guy, 23 ans, réalise La Fée aux choux pour Léon Gaumont. Première réalisatrice de l’histoire du cinéma, elle dirigera plus de 300 films en France. En 1907, elle part conquérir l’Amérique, laissant les Films Gaumont aux mains de son assistant Louis Feuillade. Première femme à créer sa propre maison de production, elle construit un studio dans le New Jersey et fait fortune. Mais un mariage malheureux lui fait tout perdre. Femme libre et indépendante, témoin de la naissance du monde moderne, elle aura côtoyé les pionniers de l’époque : Gustave Eiffel, Louis et Auguste Lumière, ou encore Georges Méliès, Charlie Chaplin et Buster Keaton. Elle meurt en 1969, avec la légion d’honneur, mais sans avoir revu aucun de ses films – perdus et oubliés. C’est en 2011, à New York, que Martin Scorsese redonne un coup de projecteur sur cette femme exceptionnelle.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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