« Woodstock de la Côte Ouest », le festival d’Altamont fut un désastre. Organisé par les Rolling Stones, le public venu en grand nombre multiplia les problèmes d’alcool, de drogues. Sans compter la mort d’un jeune adolescent, tué par les Hells Angels. Herik Hanna et Charlie Adlard racontent cet épisode terrible du monde de la musique à travers un petit groupe de copains assistant à l’événement. Percutant !
Aller faire la fête à Altamont
Los Angeles. Sam, Schizo, Doc, Leonard, Jenny et Bud prennent la route, direction Sears Point pour assister au festival d’Altamont. Cet événement musical organisé par les Rolling Stones se veut la contre-programmation de Woodstock.
Le combi Volskwagen orange emprunte le chemin déjà chargé en voitures. Les six passagers ne se connaissent pas tous mais ont le même but : aller faire la fête.
Détour vers le passé
Mais avant d’aller vers Altamont, Bud demande à Jenny de faire un petit détour vers Bakersfield afin de rendre visite à sa mère. Sur le chemin, les conversations autour de l’amour libre ou les musiciens préférés de chacun vont bon train.
Après ce détour vers le passé, ses tensions et ses secrets, le groupe reprend la route vers Altamont. Ils sont même arrêtés par une patrouille de police. Un tour de passe-passe et les revoilà sur la route.
Altamont, la musique, la folie, l’alcool et les Hells Angels
« Le combi avale les kilomètres » et fonce vers Altamont. La route pour le site est embouteillé. Les organisateurs ne s’attendaient pas à un si grand nombre de festivaliers.
Le petit groupe laisse alors le combi sur la route et poursuit son chemin à pied. Ils installent leur campement sur les hauteurs. Bagarres, tensions, alcool et LSD rythment ce premier soir.
Le lendemain, Jen découvre Schizo à poil sur un échafaudage de la scène…
Altamont : un très bel album d’Herik Hanna et Charlie Adlard
Après le tome 5 de Corpus Hermeticum, un premier album cosigné avec le français Mathieu Missoffe, Charlie Adlard tente une nouvelle aventure avec un scénariste de notre pays : Herik Hanna (Détectives 5, Bad Ass).
Comme il l’a expliqué lors de l’entretien accordé à Comixtrip à Amiens en juin 2023, Charlie Adlard a cherché un scénariste qui pouvait développer son synopsis : « Je n’avais jamais rencontré Herik avant Altamont. D’ailleurs, je ne savais pas que ce serait une bande dessinée française, quand j’ai commencé à chercher des scénaristes. »
Tout de suite, Herik Hanna comprend les intentions et de son synopsis, lui envoie un scénario de 130 pages. Ainsi, comme Charlie Adlard le souligne : « D’un comics américain, on est arrivé à une bande dessinée française. »
La puissance du dessin
Bien lui en a pris d’intégrer le projet. Pour Altamont, Charlie Adlard a agrémenté son dessin de couleur contrairement à The Walkind Dead dont il fut le dessinateur à partir du tome 2 jusqu’à la conclusion du comics.
Il utilise ainsi des grands aplats de couleurs pastel extrêmement bien senties. Pour renforcer les ombres de ses vignettes, il applique de très jolies trames en dégradé.
Dans notre interview avec le dessinateur, il nous a confié qu’il avait réalisé des couleurs particulières : « Des bruns, des oranges, les couleurs classiques du coucher de soleil en Californie. Au fur et à mesure que le scénario se déroule, j’ai commencé à enlever des couleurs partout pour obtenir un Altamont en gris et bleu. »
Son trait reconnaissable entre mille porte l’expression des yeux et des visages avec force. Il suffit de se pencher sur les planches de tensions ou de bagarres pour retrouver l’intensité que l’auteur britannique distillait dans la série de zombies signée avec Robert Kirkman.
Du fictif dans le réel
Si le lecteur est charmé par l’excellente partie graphique de Charlie Adlard, il l’est aussi par une histoire prenante.
Pour raconter ce festival de musique qui se voulait aussi important voire plus que celui de Woodstock, Herik Hanna imagine un groupe de copains festivaliers, donnant ainsi de la chaire à son récit. Les personnages sont très marqués, souvent par leur passé. Leur seule envie : s’amuser, boire, se défoncer et écouter les artistes se succéder sur scène.
Altamont, un festival peace & love raté
Le festival d’Altamont se voulait dans la droite ligne des grands rassemblements de l’époque, entre amour et musique. L’événement gratuit a attiré plus de 300 000 personnes sur ce circuit de courses automobiles dont beaucoup de hippies et beatniks. Trois fois plus qu’attendus. La grande majorité des spectateurs vouaient d’ailleurs une haine à Richard Nixon ayant envoyé de jeunes américains mourir au Vietnam.
Le samedi 6 décembre 1969 se succèdent sur scène Carlos Santana, Jefferson Airplane, Grateful Dead ou encore Crosby, Stills, Nash & Young.
Mais la situation se détériore est Meredith Hunter, jeune étudiant noir de 18 ans, est tué par un membre de la sécurité. Cet aspect fut délégué aux Hells Angels, fameux groupe de motards, contre des bières. Au total, ce sont quatre personnes qui trouvent la mort à Altamont.
Sam, Schizo, Doc, Leonard, Jenny et Bud : héros ordinaires
L’album se focalise donc sur Sam, Schizo, Doc, Leonard, Jenny et Bud et moins sur les artistes. Ce groupe est donc composé de personnes lambda, sorte d’anti-héros.
Herik Hanna insiste ainsi sur le trajet pour rallier Altamont. Il peut alors développer la psychologie de ses personnages. Caractères souvent forts et amenés à créer des tensions.
Le récit s’attarde moins sur les shows, les bagarres et les morts ayant existé mais plus sur la vie du petit groupe. Lui aussi au cœur de nombreux problèmes.
Herik Hanna et Charlie Adlard offrent donc le portrait désenchanté d’une jeunesse libre et rêveuse. Un album sur une génération qui tourna alors la page des années de fête et d’insouciance.
- Notre conseil lecture : l’interview de Charlie Adlard aux Rendez-vous de la BD d’Amiens en juin 2023 abordant l’album Altamont en français et en anglais.

- Altamont
- Scénariste : Herik Hanna
- Drawer : Charlie Adlard
- Publisher : Glénat
- Price : 19,50 €
- Release Date : 30 août 2023
- ISBN: 9782344050439
Résumé de l’éditeur : Après le peace & love de Woodstock, la fureur et le désastre d’Altamont…Décembre 1969. Woodstock et la vague du Flower Power ont déferlé sur la côte Est des États-Unis quelques mois plus tôt. En réponse, la côte Ouest décide à son tour de faire monter les décibels lors d’un festival qui se rêve légendaire… Les plus grandes stars de l’époque sont censées y participer, à commencer par les Rolling Stones en têtes d’affiche pour enflammer la scène. Hors de question pour Jenny et ses potes de rater le concert du siècle ! Dans leur combi Volkswagen qui roule depuis Los Angeles, l’ambiance bon enfant fleure bon la marijuana. Peu importe si l’organisation s’annonce un peu fantaisiste, ce qui prime, c’est la musique ! 300 000 personnes sont attendues pour ce rendez-vous peace, love et rock’n’roll qui aura finalement lieu sur la piste automobile d’Altamont, en Californie du Nord. Sauf que peu de temps après l’arrivée du groupe d’amis, une première altercation éclate, ne présageant rien de bon. Si tout commence dans l’exaltation, la tension est palpable. Embauchés pour assurer la sécurité et payés en bière, les Hells Angels commencent à éloigner la foule de la scène à coups de batte et de chaîne. Tandis que Thomas escalade les échafaudages et que Matt se perd dans un trip d’acide, Leonard comprend qu’ils ne sortiront pas indemnes d’Altamont.Cela devait être un beau festival, gratuit, une célébration de l’amour et du partage. Au lieu de ça, la tragédie d’Altamont est devenue le symbole de la fin d’une époque. Charlie Adlard et Herik Hanna reviennent sur cet épisode tristement célèbre du rock en nous livrant le portrait désenchanté d’une jeunesse libre et rêveuse, marquée par la guerre du Vietnam. Illustré par le dessinateur-culte de Walking Dead dans un style vintage emprunt au pop art, ce road-movie graphique qui sonne juste se lit d’une traite, le temps d’un voyage iconique.
À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une trentaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) et co-responsable du prix Jeunesse de cette structure. Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip. Damien modère des rencontres avec des autrices et auteurs BD et donne des cours dans le Master BD et participe au projet Prism-BD.
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