Charlie Adlard était invité aux Rendez-vous d’Amiens en juin dernier pour présenter Altamont, son nouvel album scénarisé par le français Herik Hanna. Nous avons alors réalisé une interview avec le dessinateur de The Walking Dead autour de cet album publié le 30 août aux éditions Glénat. Un moment savoureux que nous vous confions.
Comment vous sentez-vous ici, de retour aux Rendez-vous de la Bande Dessinée d’Amiens ?
C’est génial. J’ai adoré être là la dernière fois, même si c’était dans un endroit différent. Ici c’est étonnant. En 2017, j’avais visité la ville. Le festival est dans un bâtiment incroyable, mais nous sommes hors de la ville. Ma première visite s’était déroulée entre l’hôtel et ici, j’aurai été déçu si cela s’était déroulé ailleurs parce que je n’aurais pas pu voir autre chose.
Cette ville est adorable. Je suis certain que j’y retournerai de toute façon.
Sean Phillips et vous êtes compatriotes, quel genre de relations avez-vous tous les deux ?
C’est mon amoureux ! haha ! Non, nous sommes juste deux très bons amis. C’est vraiment bien d’avoir un ami qui fait le même métier et de travailler avec d’autres auteurs de bandes dessinées. On sort ensemble après le festival, parce que nous les Anglais ne sommes pas bons pour parler d’autres langues. Si nous ne sommes pas avec des gens qui parlent la même langue que nous, nous sommes perdus.
Avez-vous eu le temps de visiter l’exposition Nouveau noir ?
Oui j’ai profité de l’exposition consacrée à Sean Phillips. L’année dernière, il y avait une exposition sur mon travail, mais malheureusement je n’ai pas pu venir. Quel dommage ! Vous – pas seulement ici, mais également lors de mes visites annuelles à Angoulême – la façon dont vous montez les expositions est définitivement meilleure que partout ailleurs dans le monde.
On ne voit pas seulement des dessins sur les murs. Vous créez une atmosphère, une installation. Une exposition au Royaume-Uni ou aux États-Unis, ce sont juste des images au mur. Donc ici, c’est super bien !
Vous aimez mettre en valeur le travail. Vous voulez autre chose pour le rendre spécial.
Comme le bar !
Absolument. Les gens ont de l’imagination pour réaliser de telles choses, plutôt que de juste accrocher 40 de nos dessins comme dans une galerie.
De plus, les gens qui travaillent ici à Amiens ne sont pas des professionnels, ce sont juste des passionnés de bande dessinée.
C’est incroyable cet amour pour notre métier. Si vous êtes passionnés par quelque chose, vous le faites pour rien ou pas grand chose. C’est bien de le signaler.
« Ça a du sens de faire la promotion d’Altamont dans un festival qui rassemble des groupes. C’est vraiment un endroit particulier »
Parlons maintenant d’Altamont, votre nouvel album qui sortira en France le 30 août.
Nous allons le lancer au Cabaret Vert une semaine avant, parce que ça donne du sens que de le lancer pendant un festival qui allie bande dessinée et rock. Je suis déjà allé au Cabaret Vert parce que je suis un fan de musique. D’ailleurs, je joue de la batterie, même si beaucoup de gens le contestent ! Je suis venu en 2017 et 2018 et j’ai adoré.
C’est bien de pouvoir voir des groupes, écouter de la musique et de faire des dédicaces pour les mêmes personnes qui regardent ces groupes. Ce n’est pas quelque chose qu’on trouverait au Royaume Uni ou aux États-Unis.
Ça a du sens de faire la promotion d’Altamont dans un festival qui rassemble des groupes. C’est vraiment un endroit particulier.
Pourquoi avez-vous décidé de travailler sur Altamont pour ce nouveau projet ?
Je ne sais plus quand j’ai décidé de travailler sur Altamont. Mais je sais juste que depuis longtemps je voulais réaliser un album axé sur la musique. Et, j’ai aussi toujours voulu faire quelque chose sur la fin des années 1960.
Aujourd’hui, j’ai fini Walking Dead et j’ai 56 ans. Je ne pense pas que mon temps sur cette planète est déjà compté. Mais quand tu atteins un certain âge, tu sais qu’il ne te reste plus beaucoup de temps. Je ne voulais plus faire de choses superficielles, plus d’albums pour rire ou de séries avec des super-héros.
Tous ces éléments étaient dans ma tête. C’était intéressant de travailler sur la fin des années 1960 et comment les idéaux des hippies ont été pervertis . Comment les années 1970 sont devenues paranoïaques. Et à cette période, il y a eu Altamont et les meurtres commis par Manson.
Pourquoi n’avez- vous pas choisi Manson ?
Je n’en avais pas envie. C’est trop connu, trop de choses ont été dites. Alors qu’on ne connaît pas grand chose sur Altamont. Quand je mentionne Altamont à quelqu’un dans la rue, les gens ne connaissent pas, sauf si ce sont de grands fans de musique. Ils connaissent Woodstock, mais ce n’est pas la même chose.
Je ne voulais pas raconter l’histoire d’Altamont, parce que même si ce n’est pas très connu, il y a un excellent documentaire à ce sujet. Je ne voulais pas l’adapter en bande dessinée. Et ça n’aurait pas été mieux que le documentaire (Gimme Shelter). J’ai donc voulu raconter une histoire sur la noirceur d’Altamont.
« Au fur et à mesure que le scénario se déroule, j’ai commencé à enlever des couleurs partout pour obtenir un Altamont en gris et bleu »
Comment avez-vous travaillé sur cet album ?
Visuellement, en progressant sur l’histoire, j’ai réalisé des couleurs particulières. Je voulais traiter correctement les couleurs d’Altamont. Des bruns, des oranges, les couleurs classiques du coucher de soleil en Californie. Au fur et à mesure que le scénario se déroule, j’ai commencé à enlever des couleurs partout pour obtenir un Altamont en gris et bleu. Je ne veux pas tout divulguer, mais c’est proche du noir et blanc.
Avez-vous apprécié de jouer comme ça avec les couleurs ?
Oui, bien sûr. J’ai utilisé de la couleur dans peu de mes albums, comme La mort blanche avec Robbie Morrison. J’ai colorisé des couvertures. Mais jamais dans 130 pages d’un album. C’est une grande aventure pour moi de coloriser, et j’aime ça, je trouve cela très relaxant.
Connaissiez-vous Herik Hanna ?
Je n’avais jamais rencontré Herik avant Altamont. D’ailleurs, je ne savais pas que ce serait une bande dessinée française, quand j’ai commencé à chercher des scénaristes.
Je n’ai pas travaillé avec ceux que j’avais rencontré avant Herik. L’un d’eux était très enthousiaste, mais il a dit non, parce qu’il pensait qu’il n’y arriverait pas. C’est bien qu’il l’ait dit avant qu’on en ait fait trop ensemble. Il vaut mieux partir au début plutôt que quand on a fait la moitié du chemin. Mais j’avais une date limite.
« D’un comics américain, on est arrivé à une bande dessinée française »
Comment avez-vous fait alors ?
J’en ai parlé avec Thierry Mornet, éditeur chez Delcourt, et je lui ai demandé s’il connaîtrait un scénariste qui serait intéressé par mon synopsis. Il est revenu aussitôt avec le nom d’Herik. Il nous a mis en contact. Je lui ai envoyé mes idées et il m’a renvoyé un script de 130 pages. Il avait tout compris. C’était exactement ce que je voulais raconter, c’était intelligent. D’un comics américain, on est arrivé à une bande dessinée française.
Chez Glénat, ils nous ont vraiment soutenus.
Je ne pensais pas faire une “bande dessinée”, mais j’adore le fait d’avoir créé une bande dessinée. C’est la troisième fois et j’aimerais bien continuer ainsi.
« Je me sens vraiment très privilégié de dire cela parce que j’ai passé de nombreuses années à le penser, à le soigner. Et maintenant il est là, devant moi »
Charlie Adlard, dernière question : comment trouvez-vous le résultat ?
Cet album est vraiment beau, avec une belle impression et un beau papier. Nous avons un bel objet. Je me sens vraiment très privilégié de dire cela parce que j’ai passé de nombreuses années à le penser, à le soigner. Et maintenant il est là, devant moi. J’en ai vu quelques exemplaires et c’est fabuleux.
Merci beaucoup Charlie Adlard de nous avoir accordé ce temps pour parler de votre nouvel album Altamont.
Interview réalisée durant les Rendez-vous de la bande dessinée d’amiens 2023 par Damien Canteau et Claire Karius.
Mise en page par Damien Canteau et Claire Karius
Traduction et retranscription par Claire Karius.
- Altamont
- Scénariste : Herik Hanna
- Drawer : Charlie Adlard
- Publisher : Glénat
- Price : 19,50 €
- Release Date : 30 août 2023
- ISBN: 9782344050439
Résumé de l’éditeur : Après le peace & love de Woodstock, la fureur et le désastre d’Altamont…Décembre 1969. Woodstock et la vague du Flower Power ont déferlé sur la côte Est des États-Unis quelques mois plus tôt. En réponse, la côte Ouest décide à son tour de faire monter les décibels lors d’un festival qui se rêve légendaire… Les plus grandes stars de l’époque sont censées y participer, à commencer par les Rolling Stones en têtes d’affiche pour enflammer la scène. Hors de question pour Jenny et ses potes de rater le concert du siècle ! Dans leur combi Volkswagen qui roule depuis Los Angeles, l’ambiance bon enfant fleure bon la marijuana. Peu importe si l’organisation s’annonce un peu fantaisiste, ce qui prime, c’est la musique ! 300 000 personnes sont attendues pour ce rendez-vous peace, love et rock’n’roll qui aura finalement lieu sur la piste automobile d’Altamont, en Californie du Nord. Sauf que peu de temps après l’arrivée du groupe d’amis, une première altercation éclate, ne présageant rien de bon. Si tout commence dans l’exaltation, la tension est palpable. Embauchés pour assurer la sécurité et payés en bière, les Hells Angels commencent à éloigner la foule de la scène à coups de batte et de chaîne. Tandis que Thomas escalade les échafaudages et que Matt se perd dans un trip d’acide, Leonard comprend qu’ils ne sortiront pas indemnes d’Altamont.Cela devait être un beau festival, gratuit, une célébration de l’amour et du partage. Au lieu de ça, la tragédie d’Altamont est devenue le symbole de la fin d’une époque. Charlie Adlard et Herik Hanna reviennent sur cet épisode tristement célèbre du rock en nous livrant le portrait désenchanté d’une jeunesse libre et rêveuse, marquée par la guerre du Vietnam. Illustré par le dessinateur-culte de Walking Dead dans un style vintage emprunt au pop art, ce road-movie graphique qui sonne juste se lit d’une traite, le temps d’un voyage iconique.