Les Rendez-vous BD d’Amiens, c’est le temps fort du 9e art dans les Hauts-de-France. Comme l’année dernière, il se déroulent sur les 4 week-ends de juin. Rencontre avec Pascal Mériaux, son directeur, pour nous parler du rôle essentiel du festival dans la ville, ses actions et les temps forts de cette nouvelle édition.
Alors que les Rendez-vous d’Amiens vont fêter leur 27e édition, pour vous Pascal Mériaux, quelle place tiennent-ils dans la ville ?
C’est une manifestation qui a trouvé sa place assez progressivement. Nous sommes partis de l’envie d’amateurs de bandes dessinées. Même si dès le départ nous voulions nous ouvrir au grand public, nous avons commencé par un festival assez classique consacré à nos amours de lecture.
L’organisation repose avant tout sur de nombreux bénévoles, dont certains sont présents depuis le début. C’est eux qui ont apporté ce côté très varié du plateau d’invités. Puis avec le volet éducatif et les partenariats, le festival s’est de plus en plus étoffé.
« Nous voulions créer un festival pour ceux qui ne seraient jamais venus dans ce style de manifestation dédié à la bande dessinée. »
Quel était le but lorsque vous l’avez créé ?
Nous voulions créer un festival pour ceux qui ne seraient jamais venus dans ce style de manifestation dédié à la bande dessinée. Nous voulions nous adresser au plus grand nombre, aux amateurs comme aux novices. Ce qui fait qu’aujourd’hui nous avons un public fidèle. Ce côté généraliste a fait venir le grand public.
Notre ligne éditoriale, chaque année, c’est de composer avec la cellule artistique, un panel tellement varié que quelqu’un qui viendrait pour les mangas pourra se retrouver dans une exposition jeunesse interactive. Nous voulons décloisonner à l’intérieur même du médium bande dessinée. Le festival est donc un rendez-vous très populaire de la ville.
Le Festival est donc géré par une association ?
Oui, c’est ça. L’association s’est créée à cause d’une frustration en 1995. Celle de n’avoir pas de festival dans l’agglomération. Nous nous sommes dit que si on voulait en voir un, il fallait le faire nous-même.
Puis rapidement, le fait qu’Enki Bilal réalise l’affiche en 1998, a mis un vrai coup de projecteur sur la manifestation. Et cette année-là, c’est aussi les premières demandes de formation pour adultes autour de la bande dessinée. Nous avons imaginé des formations pour les bibliothécaires, les enseignants et les documentalistes.
1998, c’est également la première exposition que l’on garde après le festival : Le cinquième élément et les dessins préparatoires de Jean-Claude Mézières pour le film. Elle est alors prêtée dans les collèges du département.
Nous avons alors été sollicités comme un centre de ressources autour du 9e art.
Quelle place tient la dimension éducative dans le Festival ?
C’est un axe très important qui a également fait développer le festival. L’ancienne région de Picardie était la plus mauvaise élève en termes d’illettrisme. Le territoire était un lieu délicat avec ses 11% dans ce domaine.
Au début des années 2000, je rencontre deux élus qui voient le travail que l’on mène souvent de façon empirique et qui proposent alors de structurer tout cela. Ils lèvent alors des fonds et nous partons intervenir dans plus d’une trentaine d’établissements scolaires.
« Les 19 personnes employées par l’association, pratiquement toutes, consacrent l’essentiel de leur temps à la médiation. »
Le Festival ne se limite donc pas uniquement à un week-end ?
Nous intervenons tout au long de l’année. Nous faisons avant tout de la médiation. En 2022, nous avons réalisé 833 demi-journées de médiation !
Cela se cumule avec l’apport de nos conseils vers les bibliothèques, les particuliers, les collectivités. Par exemple, nous aidons des communes qui veulent se lancer dans des salons ou encore des bibliothèques qui veulent inviter des auteurs.
Le Festival, c’est donc mettre en contact des œuvres avec des publics divers. Les 19 personnes employées par l’association, pratiquement toutes, consacrent l’essentiel de leur temps à la médiation.
Pascal Mériaux, en plus de directeur du festival BD d’Amiens, vous êtes aussi le patron des éditions La Gouttière. Quel est le rapport entre le festival et les éditions La Gouttière ?
La création de la maison d’édition relève aussi d’une frustration. Nous avions l’impression que même lorsque des livres existaient, ils étaient mal entourés. Il manquait d’outils pour les accompagner, pour travailler dessus dans les écoles et les bibliothèques.
Quel est le budget du Festival ?
Comme de nombreux confrères, les coûts des matières premières ont fait envoler les dépenses l’année dernière. Son coût normal est d’environ 650 000 euros pour un budget à 1,6 million sur l’année.
Le festival 2022 en vidéo
Comment avez-vous eu l’idée de dérouler le festival sur l’entièreté du mois de juin ? Pourquoi avoir voulu changer de format l’année dernière ?
Je dis souvent aux gens que si on a réussi à se développer autant, c’est que je ne sais pas dire non. Et pour une fois ce n’est pas vraiment moi qui aie eu l’idée.
C’est avant tout du hasard. En 2018, le festival se tient pour la première fois à la Halle Freyssinet. 7 300 m² dont 5 000 dédiés au public. Nous faisons le constat que l’on souffre. Et nous n’étions pas du tout dimensionnés pour cet espace. Nous avons été écrasés par le bâtiment. Comme nous étions les seuls à pouvoir utiliser la Halle, nous nous sommes dit qu’il fallait allonger le temps. Autant souffrir, autant que ce soit le plus exposé. Nous avons donc utilisé le mois de juin complet.
Dans nos têtes, cette expérimentation ne devait durer que deux ans. Le Covid arrive, des projets prennent du retard. Et en 2021, on est toujours tourné vers la Halle. Les jauges ne sont pas plus élevées que 900 personnes par week-end. On se dit alors que l’on va aussi dispatcher les auteurs sur les quatre week-ends.
Céline Goubet, mon adjointe, a alors l’idée géniale de faire coproduire le dernier week-end par les éditeurs. Le premier week-end est un temps fort, les deux suivants sont ouverts au public en mode muséal et le dernier est géré par les maisons d’édition.
Quels vont être les temps forts de ces 27e rendez-vous ?
Il y a trois formats de rencontres importants qui se dérouleront lors du dernier week-end de juin :
- Benoît Peeters, après son année au Collège de France, fera un bilan sous le titre : Une année en bande dessinée, entre reconnaissance et fragilités.
- Frédéric Maupomé, secrétaire général de la Ligue des auteurs professionnels et Stéphanie Le Cam, juriste de cette entité, parleront de l’Intelligence Artificielle et des dangers qui pèsent sur la création et les artistes.
- Une table ronde avec Malo Kerfriden autour de #metooBD, féminisme, anti-incarcération et lutte contre la peine de mort.
Et en ce qui concerne les expositions ouvertes au public, Pascal Mériaux, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Je peux dire que ces dix expositions, ce sont des tueries ! Les commissaires d’exposition et les équipes ont fait un travail énorme ! Le public pourra découvrir :
- Les Tchouks de Benjamin Richard et les Kerascoët, la série de huit tomes chez Sarbacane.
Hilda, la série jeunesse de Luke Pearson chez Casterman - JRSSC FRNCK, la série d’Olivier Bocquet, Brice Cossu et Yoann Guillo chez Dupuis
- Bande dessinée & Cinéma : deux arts en dialogue autour des albums et illustrations de Catel, Dorison, Duchazeau, François, Maltraite, Micol, Pitz, Supiot. Avec des morceaux de décors du film La guerre des Lulus !
- Le palais empoisonné autour de la série Les carnets de l’apothicaire, le manga de Nekokurage chez Ki-oon. L’héroïne, d’ailleurs, se retrouve aussi dans les Hortillonnages de la ville.
- Nouveau noir, autour du travail d’Ed Brubaker et Sean Phillips. Une ambiance polar avec la création d’un bar. Le dessinateur américain qui sera présent le premier week-end avec son ami Charlie Adlard, l’illustrateur de The Walking Dead.
- La bibliomule de Cordoue, l’album de Wilfried Lupano et Léonard Chemineau.
- Auteur.trice.s solidaires, une expo-vente de dessins pour le Réseau Education sans Frontières.
J’invite les lecteurs de Comixtrip à parcourir le site du festival pour découvrir toute la richesse de la programmation : https://rdvbdamiens.com/
Est-ce qu’il y aura des choses enthousiasmantes et surprenantes ?
Oui ! Il y aura la première étape de la tournée de (dé)rangée, l’album de Manon et Greg Blondin. Le couple va effectuer 52 festivals en 52 semaines à bord de leur camping-car décoré aux couleurs de la bande dessinée.
L’autre temps fort, c’est l’ouverture en dessin de François Schuiten. Il avait imaginé le Nautipoulpe, hybride d’un poulpe et du Nautilus de Jules Verne, il y a quelques années. En 2025, nous inaugurerons donc une statue du Nautipoulpe devant la Halle Freynisset. Ce sous-marin apparaîtra aussi dans le prochain album de la série Les cités obscures qui se déroulera en partie à Amiens et qui sortira en novembre prochain !
Merci Pascal Mériaux d’avoir pris quelques minutes pour répondre à nos questions. Rendez-vous à Amiens tout au long du mois de juin pour ce sympathique festival.
Entretien réalisé le mercredi 24 mai 2023
Renseignements complémentaires
27e rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens
3-4 juin, 10-11 juin, 17-18 juin et 24-25 juin
Halle Freyssinet, Rue de la Vallée, 80000 Amiens
Site : https://rdvbdamiens.com/
Twitter : https://twitter.com/RDVBDAmiens
Instagram : https://www.instagram.com/rdvbdamiens/
Facebook : https://www.facebook.com/rdvbdamiens/
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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