Arrowsmith 01

En 1915, la guerre fait rage sur le vieux continent. Enfouis dans les tranchés, les hommes souffrent et meurent. Désormais, on ne peut avoir espoir qu’en… la magie et la puissance de créatures fantastiques ! Car oui, dans Arrowsmith de Kurt Busiek et Carlos Pacheco, la magie et les dragons existent. Et ça change tout.

Arrowsmith : de la poudre et des sortilèges.

En Mars 1915, les grandes puissances d’Europe s’entredéchirent. Et la guerre a beau être une horreur, elle admet néanmoins des règles qu’on se doit de respecter. Mais manifestement, ce n’est pas l’avis de la triple alliance. En effet, il se dit qu’un maître de la magie noire a pris la tête de l’armée ennemie.

« On l’appelle l’empereur sanglant. Paraît qu’il cherche le sang, la douleur, la mort, le désespoir. Qu’il s’en nourrit, comme un vampire. Tous ceux qui meurent sur le champ de bataille, dans chaque camp, le nourrissent, nourrissent sa puissance. »

Élucubrations ou réel franchissement de ligne jaune, nul ne le sait vraiment. Mais alors qu’à Paris, les sorciers de l’Académie Militaire peinent à s’accorder sur la stratégie à adopter, la ligne de front ne cesse d’avancer en Gallia.

Le risque est trop grand et le conflit ne peut que devenir mondial.

I Want You for U.S.C Army.

Ainsi, de l’autre côté de l’Atlantique, les forces s’organisent. Et dans tous les villages des États-Unis de Colombie, on voit des étincelles dans les yeux des jeunes gens, lorsque débarquent les fameuses unités d’élite aérienne. Il faut dire qu’ils ont fière allure dans leurs uniformes, survolant les maisons, un dragon posé sur l’épaule droite.

Fletcher Arrowsmith est comme tout le monde : il rêve d’apprendre à voler et de partir combattre le mal incarné. Mais son père, le forgeron de la ville, ne l’entend pas de cette oreille.

Pourtant, le jeune homme le sait : son avenir s’écrira de l’autre côté de l’océan. Et par une nuit de pleine lune, il laisse une lettre sur la table de la cuisine et décide de prendre son destin en main.

« On ne part pas pour s’amuser. Nous le faisons parce qu’il faut le faire. Nous allons accomplir quelque chose… Changer le monde et le marque de notre empreinte. »

Arrowsmith : la première guerre mondiale selon Kurt Busiek.

Réaliser une uchronie est toujours un exercice périlleux. Surtout lorsqu’on souhaite s’appuyer sur un conflit connu de tous (La seconde guerre mondiale dans la bande dessinée, Neun). En effet, le dosage entre l’Histoire et l’invention se doit d’être rigoureux, au risque de tomber dans le ridicule. Et dans le cas présent, Kurt Busiek s’en sort haut la main, alors même qu’il multiplie les difficultés. En effet, en s’inscrivant son histoire dans la période de la première guerre mondiale, il réalise un parti pris aussi original qu’ambitieux. Manifestement moins connue du grand public, la première guerre permet de faire la part belle aux personnages et à leur psychologie. Le fait est que ce conflit permet en premier lieu de s’éloigner de tout manichéisme. Car s’il est vrai que les soldats étaient alors partis en guerre « la guerre au fusil » selon l’expression consacrée, ils étaient bien vite tombés dans l’enfer des tranchés, dirigés par des têtes pensantes à la moralité parfois douteuse. Tous ces éléments, on les retrouve dans Arrowsmith. Et leur présence participe à l’élaboration de personnages à la psychologie nuancée.

Mais bien entendu, l’élément qu’on attend tous dans toute bonne uchronie, c’est le « et si… » qui change la coloration générale de ce que tout le monde connaît.

Et dans le cas présent, il s’agit de la magie.

Un univers merveilleux.

Car dans Arrowsmith, comme dans tout bon récit merveilleux, il y a des trolls, des goules, des dragons, des sortilèges. Les combats n’en sont que plus épiques et le champ des possibles n’en est qu’élargi. Mais surtout, tous ces éléments s’intègrent parfaitement dans la structure imposée de la première guerre mondiale. On sent réellement qu’un profond souci de cohérence a guidé l’élaboration du scénario. Et les annexes fournies en fin de volume réaffirment ce point.

Ainsi, l’académie militaire est dirigée par un puissant sorcier qui communique par projection astrale avec un influent général répondant au prénom de de Philippe, mais arborant les traits de de Gaulle. Erreur dans la personne ou volonté manifeste de représenter un visage bien plus connu que celui de Pétain ?

Difficile de le dire… Et on ne le saura probablement jamais car le très talentueux dessinateur qui donne vie à Arrowsmith nous a quittés en novembre 2022.

Carlos Pacheco.

Et c’est sans doute un élément qui ajoute à l’émotion qu’on ressent à la lecture de cette œuvre remarquable. En effet, au-delà du talent indiscutable pour construire ses pages, au-delà de la finesse des traits qui donnent vie à des personnages attachants dès la première case, on se dit qu’on n’aura plus jamais la chance de découvrir de nouvelles œuvres du talentueux dessinateur. Et on ne peut que rejoindre l’enthousiasme de Thierry Mornet, le responsable éditorial des comics chez Delcourt, lorsqu’il a mené à bien la réédition de cette œuvre parue initialement en 2003. Car nous le savons désormais, elle sera suivie en avril 2024 de la publication inédite de la suite des aventures de Fletcher Arrowsmith, ultime chance de voir à l’œuvre le duo Busiek-Pacheco.

Article posté le mardi 30 janvier 2024 par Victor Benelbaz

Arrowsmith de Kurt Busiek et Carlos Pacheco (Delcourt)
  • Arrowsmith 01
  • Scénaristes : Kurt Busiek
  • Dessinateurs : Carlos Pacheco
  • Encreur : Jesús Merino
  • Coloriste : Alex Sinclair
  • Traducteur : Laurent Queyssi
  • Editeur : Delcourt
  • Collection : Contrebande
  • Prix : 22.95 €
  • Parution : 02 novembre 2023
  • ISBN : 9782413080282

Résumé de l’éditeur : 1915, la Guerre a embrasé l’Europe, et ce feu menace de se répandre sur le monde entier. Le jeune Fletcher Arrowsmith quitte sa ville natale de Herbertsville, aux États-Unis, contre la volonté de son père, pour se joindre à l’Unité d’élite aérienne, un escadron de combattants de l’air basé à Acadia. Il va y apprendre à voler avec les dragons, et les sorts qui vont permettre de libérer Galia.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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