Batman – One Bad Day – Le Sphinx

Le Sphinx, Edward Nygma, l’Homme-mystère, The Riddler… Tels sont les noms qui lui ont été donnés sans que l’on sache réellement qui il est. Tom King et Mitch Gerards comblent ce vide en révélant les origines du plus célèbre poseur d’énigmes que Batman a eu à affronter.

Le Sphinx, un mauvais jour.

C’était un lundi comme les autres. John Oates, un père de famille attentionné, attendait le VTC qui devait le ramener chez lui. D’ordinaire, il prenait le métro. Mais cette fois-ci, il était pressé. Il fallait qu’il rentre vite pour discuter avec sa fille qui une fois de plus refusait d’aller à son entrainement de foot. Pourtant, elle adore ça, le foot ! Une bonne fois pour toutes, il fallait que John ait une discussion sérieuse avec sa fille de onze ans.

« Il faut qu’elle s’endurcisse un peu. Vivre ici, ça veut dire faire face et s’adapter à tout ce qui peut arriver. Il faut qu’elle l’apprenne. »

Les yeux plongés sur son portable, John Oates n’a pas entendu arriver un homme dans son dos. Il ne l’a pas senti pointer une arme sur sa tête à bout portant. Et quelques secondes plus tard, il gît sur le sol. Puis, dans le brouhaha général, le tireur porte calmement la main à sa poche. Il se tourne vers une caméra de surveillance et présente une carte sur laquelle figure le logo de Batman. Enfin, il s’immobilise et sourit. Pourtant ce n’est pas d’une blague meurtrière qu’il vient de réaliser. Non, ce n’est pas son style. Lui, il verse dans les devinettes.

Vous connaissez la plus ancienne devinette du monde ?

Le Sphinx est connu du grand public grâce aux prestations de Jim Carrey et Paul Dano au cinéma. Mais il n’en demeure pas moins que le super-vilain est souvent relégué aux seconds rôles. Pourtant, des auteurs de renom, tels Neil Gaiman ou Matt Wagner, se sont déjà intéressés au personnage, et avec talent. Mais les histoires qu’ils ont pu écrire n’admettaient que peu d’approfondissements. Et finalement, grâce au tome de la collection One Bad Day qui lui est consacré, le génie du crime est enfin propulsé sous les feux de la rampe dans une histoire complète de 72 pages. Et disons-le sans détour : le résultat est remarquable.

Le Sphinx par Tom King.

Fidèle à son habitude, le scénariste de Rorschach développe une histoire efficace qui repose sur la psychologie des personnages. Et il est évident qu’avec le Sphinx et Batman, le champ des possibles donne le vertige. En reprenant les codes des polars noirs, le talentueux auteur jongle avec le passé de l’énigmatique personnage. Il élabore une intrigue qui tient en haleine de la première jusqu’à la dernière page. Car le lecteur est lui aussi dérangé, inquiété, perturbé au fur et à mesure qu’il découvre les circonvolutions de l’esprit du maître des énigmes. Le fait est que Tom King souhaite qu’on s’immerge dans l’histoire et à ce jeu, il est bien aidé par un fidèle compagnon.

L’ambiance graphique.

En effet, comme c’était le cas avec Mister Miracle, on retrouve Mitch Gerards aux dessins. Et une fois de plus, l’artiste montre l’étendue de son talent. Particulièrement à l’aise dans ce format d’aventures au rythme oppressant, il parvient immédiatement à nous plonger au cœur de l’histoire. À ce titre, le jeu sur les focalisations est absolument remarquable. Sans qu’on ne s’en rende compte, et parfois malgré nous, on se retrouve dans la peau d’un personnage, au plus proche de l’action et de l’horreur. À proprement parler, on est subjugué par cette narration graphique qui nous plonge dans des ambiances parfaitement caractérisées. En effet, en adéquation parfaite avec le scénario, la palette des couleurs avec des dominantes parfois orangées et souvent vertes permet d’identifier la trame narrative au premier coup d’œil. L’effet est aussi saisissant que réussi.

Un petit mot sur Alan ?

Enfin, comment ne pas évoquer le modèle que Tom King a en tête en créant cette œuvre ? Dans le cas présent, il est bien plus aisé à trouver que la réponse aux énigmes du Sphinx. Il s’agit bien entendu du Killing Joke d’Alan Moore. Alors bien entendu, s’attaquer à la légende a de quoi donner le tournis. Mais en réalité, Tom King a déjà démontré qu’il en était capable. Et ce, pour une raison simple : il ne cherche jamais à se comparer, il veut simplement rendre hommage à sa source d’inspiration. Ainsi, il ne cherche pas à cacher les références, qu’elles soient scénaristiques ou bien graphiques. Et surtout, il sait s’en défaire lorsqu’il le juge nécessaire pour finalement créer une œuvre personnelle et mémorable.

 

Réalisé de mains de maîtres par Tom King et Mitch Gerards, l’épisode consacré au Sphinx est une réelle réussite. En exploitant à merveille le concept du « One Bad Day », les artistes montrent une fois de plus la qualité de leur collaboration. Et elle leur vaut d’ailleurs une nomination dans la catégorie  « meilleur one-shot » aux très prestigieux Eisner Awards. Qu’il en ressorte vainqueur ou pas, nul doute que ce polar angoissant restera dans l’histoire du chevalier noir.

Article posté le samedi 08 juillet 2023 par Victor Benelbaz

Batman - One Bad Day - Le Sphinx de Tom King et Mitch Gerards (Urban Comics)
  • Batman – One Bad Day – Le Sphinx
  • Scénariste : Tom King
  • Dessinateur : Mitch Gerards
  • Coloriste : Mitch Gerards
  • Traducteur : Jérôme Wicky
  • Editeur : Urban Comics
  • Collection : DC Deluxe
  • Prix : 15 €
  • Sortie : 17 mars 2023
  • ISBN: 9791026821397

Résumé de l’éditeur : Un homme vient d’être tué en plein jour. Et son cadavre porte la marque du Sphinx. Mais les raisons du crime ne semblent pas être claires… En revanche, le modus operandi du criminel implique comme toujours de nombreuses énigmes pour retracer sa piste. Et les règles du jeu sont strictes. Batman devra mettre tout son talent de détective au service de ce nouveau jeu de piste pour comprendre les véritables motivations du meurtrier.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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