Béa Wolf

Une cabane dans les arbres. Des enfants qui passent leurs journées à l’intérieur. Un voisin irascible. Et un combat pour que ce lieu reste celui de l’innocence et des jeux. Zach Weinersmith et Boulet donnent vie à Béa Wolf, un très bel album jeunesse aux éditions Albin Michel.

Le roi est vieux, vive le roi

Carl est le roi, le roi des enfants ! Le petit garçon a découvert un immense trésor. Surpris par les autres malgré son secret bien gardé, il ne veut pas que ce butin soit partagé. Il préfère le dilapider en friandises, bonbons, jouets, jeux et autres sucreries. Ensuite, il les distribue à tous les autres enfants. Il en va ainsi de Carl : un roi régnant sur le monde merveilleux des enfants.

Mais le temps passa. Carl grandit et devint un adolescent. Son règne s’acheva. On lui chercha un successeur. La couronne passa de tête en tête. Roger devint alors le souverain.

La cabane de coeur-d’arbre, lieu de tous les jeux et défis

Roger eut l’idée du siècle : construire un cabane dans un arbre. Les plans furent dessinés, les planches apportés et les poulies déployées. Le coeur-d’arbre prit vie.

La repaire des enfants était né. Il permettait de jouer, de se goinfrer de friandises, de boire à plus soif de sodas, de chanter et de lancer des bombes à eau sur des ados amoureux.

Grindel, sinistre et méchant voisin

Chez les Grindel, on est grincheux de père en fils, on est méchant de mère en fils ! Voisin de la cabane du bon roi Roger, Grindel junior déteste le bruit, la fête et les enfants.

Pire, le sinistre et méchant homme habillé de noir a un drôle de don surnaturel. Juste en appuyant sur la tête d’une personne joyeuse, il la transforme en un être dépourvu de bonheur.

Une nuit, Grindel se rend dans le coeur-d’arbre. Sans bruit, il se tient près de chaque enfant lui administrant son vilain pouvoir magique. Fille ou garçon, l’index apposé les transforme en un adulte sinistre…

De Beowulf à Béa Wolf

Si Béa Wolf ne vous dit rien, peut-être que Beowulf vous est plus familier. Décliné en plusieurs longs métrages dont celui avec Christophe Lambert en 1999, Beowulf raconte le mythe légendaire d’un homme devenu roi des Geats. Après avoir affronté sa mère, le souverain s’attaqua à Grendel, un monstre mangeur d’hommes. Le conte a également connu des adaptations libres en bande dessinée, notamment Grendel Kentucky de Jeff McComsey et Tommy Lee Edwards

Dans Béa Wolf, point de créature terrifiante – quoique – mais un roi et un monstre voisin sinistre. Zach Weinersmith, le scénariste, décline donc une version jeunesse de Beowulf, poème épique médiéval anglo-saxon.

Garder son âme d’enfant

Béa Wolf, c’est un excellent mélange de Peter Pan, d’Harry Potter, du Seigneur des anneaux et d’un film de Tim Burton. Le récit met en scène un groupe d’enfants, plus occupés à s’amuser et manger des bonbons que d’aller à l’école. Leur cachette, le coeur-d’arbre, permet de se divertir sans adulte et de s’adonner aux pires excès enfantins. Un lieu idyllique pour ne pas grandir.

Comme l’explique Zach Weinersmith dans la postface de l’album, Beowulf est un récit populaire de la littérature britannique. Il ne voulait pas mettre en scène un monstre dévoreur de tête mais un vieil aigri.

Oui, le méchant de Béa Wolf est génialement mauvais. C’est finalement lui le héros de l’histoire, plus que la petite Béa le combattant. Il ne veut plus d’enfants brayant mais que des adultes sans histoire, sinistres à souhait.

Béa Wolf, de la précision de l’écrit

L’histoire de Béa Wolf est un vrai conte pour enfant, même si les adultes pourront l’apprécier. On parlera donc d’une bande dessinée grand public, pour toute la famille. Elle est réussie parce qu’elle repose sur un texte extrêmement bien écrit, bien campé et fluide. Pas de phylactères mais des récitatifs aux mots bien pesés.

L’humour est là, sous la forme des enfants, des scènes de combats, des caractères de personnages et du vilain Grindel.

De la beauté des planches de Boulet

Béa Wolf est sorti simultanément en longue anglaise et version française. Les chiffres de vente aux États-Unis sont excellents. En sera-t-il de même chez nous ? En tout cas, l’album est très bon, malgré quelques longueurs au cœur de l’histoire.

L’intrigue bénéficie de tout le talent de Boulet. L’auteur de Notes & Le joli Coco réalise de magnifiques planches en noir et blanc à la palette numérique. Grattés ou hachurés, les dessins sont merveilleux. Il y a beaucoup de vie et de force dans ses pages.

Albin Michel jeunesse : nouveau venu dans les univers pour enfants

Depuis la résurrection de la partie bande dessinée chez Albin Michel, il ne manquait à la structure éditoriale qu’une collection jeunesse. Ciblé pour les enfants à partir de huit ans, elle veut les « embarquer » dans des « aventures périlleuses, à la rencontre de héros singuliers et de créatures étranges. »

En mars était donc lancé ce label de « BD qui n’a pas froid aux yeux ». En plus de Béa Wolf, sont publiés les premiers tomes de Les missions de Grrrr de Scott Magoon et Cléo d’Anthony Calla et Gregdizier. Par la suite, arriveront Lili Ghost de JC Deveney, Sébastien Spagnolo et David Dany, Le soleil de minuit de Francesca Dell’Omodarme et Monstre de Fabrice Colin et Nicolas Hitori De.

Article posté le lundi 17 avril 2023 par Damien Canteau

Béa Wolf de Zach Weinersmith et Boulet (Albin Michel Jeunesse)
  • Béa Wolf
  • Scénariste : Zach Weinersmith
  • Dessinateur : Boulet
  • Traductrice : Aude Pasquier
  • Éditeurs : Albin Michel Jeunesse
  • Prix : 21,90 €
  • Parution : 21 mars 2023
  • ISBN : 9782226479235

Résumé de l’éditeur : La cabane de Coeur-d’arbre est un sanctuaire créé par des enfants infatigables qui passent leurs journées à jouer, à manger des sucreries, à faire des bêtises et à repousser l’ombre de l’âge adulte. Mais un jour, leur sinistre voisin Grindle s’attaque à Coeur-d’arbre et transforme une dizaine d’entre eux en adolescents boutonneux ! Les survivants du premier assaut réclament un nouveau champion capable de les protéger… Ils ont besoin de Béa Wolf ! « Bea Wolf raconte aux enfants une épopée glorieuse, mordante, profondément stupide et drôlement profonde. » – Neil Gaiman

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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