Céleste Albaret, voici un nom qui ne signifie peut-être pas grand chose pour vous. Par contre, si je vous dis Marcel Proust, alors là, plus aucun doute possible. Il s’agit bien de l’un des écrivains français du 20e siècle les plus connus.
Avec “Céleste, Bien, sûr Monsieur Proust”, Chloé Cruchaudet nous fait entrer dans l’intimité d’un étrange couple. Celle du romancier et de sa servante. Une histoire en deux parties éditée chez Noctambule.
Un écrivain mondialement connu
Marcel Proust est né à Paris en 1871 dans un milieu bourgeois très favorisé. Malade, en raison de problèmes respiratoires récurrents en raison de son asthme, le jeune homme ne travaille pas et fréquente les salons mondains. Sa fortune familiale lui permet de vivre confortablement. Le premier livre qu’il publie en 1896 est un recueil de poésie : Les plaisirs et les jours. Mais il ne poursuit pas et préfère voyager.
Une œuvre À la recherche du temps perdu
C’est en 1907, que Marcel Proust commence l’écriture de ce roman en sept tomes. Il lui faudra 15 ans pour terminer les 2400 pages de cette œuvre, appelée également La recherche.
Sept titres la composent, certains étant plus connus que d’autres :
Du côté de chez Swann (1913)
À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919) qui recevra le Prix Goncourt, cette même année.
Le Côté de Guermantes (1921)
Sodome et Gomorrhe (1922)
La Prisonnière (1923)
Albertine disparue (1925)
Le Temps retrouvé (1927).
Certains de ces tomes, les trois derniers, seront d’ailleurs publiés à titre posthume, Marcel Proust étant décédé en 1922, à l’âge de 51 ans.
Un homme perdu également
À partir de 1907, Marcel Proust vit dans son appartement du boulevard Haussmann à Paris. Afin de travailler sur son œuvre, il est entouré par du personnel à ses petits soins, parmi lesquels Odilon qui lui sert de chauffeur et Nicolas le majordome. Mais Monsieur Marcel aurait également besoin d’une personne pour faire ses courses, non pas alimentaires, mais pour acheminer ses courrier, paquets ou colis. Un courrier ou plutôt une courrière, puisque cet emploi sera occupé par une jeune femme prénommée Céleste.
Mais qui est donc cette Céleste ?
Céleste Albaret, c’est son nom de femme mariée, puisqu’elle l’est avec Odilon. Venue du fin fond de sa Lozère natale, la jeune femme ne quitte guère le foyer ou plutôt leur chambre de bonne à Levallois. Elle est très impressionnée par l’effervescence de la capitale.
Et même si le ménage et la cuisine ne sont pas son fort, Monsieur Marcel va donc lui demander d’être provisoirement à son service pour effectuer ses livraisons. Parce qu’à 42 ans, il vient d’écrire son premier roman, Du côté de chez Swann.
Céleste est donc chargé de déposer un exemplaire de ce livre chez des amis de “ce très cher Marcel”. Colette de Jouvenel, plus connue sous le nom de Colette en reçoit d’ailleurs un des mains de Céleste (à la page 19 de l’album).
À l’ombre de Marcel Proust
Une fois sa mission exécutée, Monsieur Marcel fait la demande à Odilon pour que Céleste remplace le majordome, absent l’après-midi. Monsieur Marcel écrivant la nuit, il se lève tard et la jeune femme devra l’accompagner durant son petit déjeuner, au cas où il désirerait une deuxième croissant.
Odilon compare volontiers Marcel Proust à un bibelot fragile, qui travaille dans son lit et ne quitte sa chambre capitonnée que pour aller manger au Ritz ou partir en vacances à Cabourg.
Le côté de Céleste
La mobilisation générale ayant sonné pour les hommes en âge d’aller au front, Nicolas le majordome de Monsieur Marcel sera absent quelques semaines (pense-t-on à ce moment). Ce dernier demande donc à Céleste si elle accepte d’être présente à ses côtés, à plein temps. Même si celle-ci ne s’adresse pas à lui à la troisième personne du singulier ! D’ailleurs Céleste ne sait pas qui est cette troisième personne.
Dorénavant la jeune femme sera là tous les jours, quand l’écrivain se réveillera, vers 16 heures.
Deux êtres que tout oppose
C’est ainsi que Céleste Albaret va vivre aux côtés de Marcel Proust. La relation, bien que ce soit celle d’une domestique et de son maître, est pleine d’égards de l’un envers l’autre. Celle que l’écrivain appelle “ma chère Céleste” est très prévenante envers l’écrivain, qu’elle protège de l’extérieur, celui étant en plus d’une santé très fragile.
Avec ce récit, Chloé Cruchaudet (La croisade des innocents) nous fait entrer dans l’intimité d’un couple atypique puisque lié par une estime et une certaine amitié, malgré les conventions sociales en vigueur.
Un scénario à deux temps
L’autrice a choisi de faire se dérouler le récit à deux époques, en 1956 et en 1913. Quand débute cet album, Marcel Proust est déjà mort depuis 34 ans. Céleste, à l’occasion de la visite d’un couple d’antiquaires recherchant d’objets ayant appartenu à l’écrivain, leur raconte la relation privilégiée qu’elle a eue avec cet homme.
Dans cette première partie de cette histoire (sur deux prévues), nous assistons à la naissance d’une amitié qui durera huit ans. Car il s’agissait bien de cela selon Marcel Proust.
Des dessins tout en délicatesse
L’autrice de Mauvais genre a utilisé un trait fin pour dessiner ses planches, ce qui convient parfaitement à la finesse et aux manières de l’auteur de La Recherche. Avec des touches d’aquarelles vertes, roses et violettes qui ressemblent à des voiles, l’autrice lève celui de la vie de cet écrivain emblématique de ce début de 20e siècle. À travers ses planches, nous pénétrons dans un univers peuplé d’artistes et de gens fortunés, qui semblent peu perturbés par les grondements de la Première Guerre mondiale.
Un album céleste
Avec ce « Céleste, Bien sûr Monsieur Proust », Chloé Cruchaudet nous fait entrer dans l’univers d’une relation qui n’aurait peut-être jamais pu ou dû exister. Comment le célèbre Marcel Proust a-t-il bien pu se lier d’amitié avec cette femme issue d’un milieu diamétralement opposé au sien et qu’il appelait ma Joconde ? Avec ce premier tome, nous quittons Marcel et Céleste à un moment important de leur relation, qui ne peut que nous donner envie de les retrouver très rapidement.
Un album qui a parfaitement trouvé sa place dans la magnifique collection Noctambule, qui sait si bien nous gratifier de belles lectures.
Des podcast pour mieux connaître cette histoire
Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire d’amitié entre Céleste Albaret et Marcel Proust, une série de podcasts » Grande traversée : Céleste Albaret chez monsieur Proust » est disponible sur le site de Radio France. lien ici
« Cette grande traversée vous emmène sur les traces de Céleste Albaret, la gouvernante de Marcel Proust qui l’a accompagné de nombreuses années. À travers des enregistrements retrouvés tard, Céleste nous ouvre les portes de l’intimité de Marcel Proust. »
- Céleste, Bien sûr Monsieur Proust (1ère partie)
- Auteur : Chloé Cruchaudet
- Éditeur : Noctambule
- Prix : 18,95 €
- Parution : 15 juin 2022
- ISBN : 9782302095700
Résumé de l’éditeur : Grâce à de multiples sources, Chloé Cruchaudet tisse le portrait dévoué et passionné de Céleste Albaret, gouvernante et parfois secrétaire de Marcel Proust jusqu’à sa mort, en 1922. Elle révèle leur lien, l’écrivain sous toutes ses aspérités, l’atmosphère d’une époque et les dessous de la construction d’une fiction. Monde réel et monde fantomatique s’entremêlent pour nourrir ce sublime diptyque.
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, Claire affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique, mais pas seulement. Elle aime également les lectures qui savent l'émouvoir et lui donnent espoir en l'Homme et en la vie. Elle partage sa passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur sa page Instagram @fillefan2bd.
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