Connexions

Superbe récit labyrinthique mettant en scène des personnages se côtoyant, Connexions de Pierre Jeanneau nous plonge dans la vie d’anonymes, entre couple, séparation, amitié, groupe de musique et passé. Une très jolie surprise.

Souvenirs, souvenirs

Javier est seul depuis que Faustine a quitté leur appartement. Libraire, le jeune homme ne peut que fréquemment penser à son ex tant les objets du quotidien et les colis de l’ex de Faustine ne les lui rappelle sans cesse.

Javier n’a d’ailleurs plus le temps ni l’envie pour la musique, notamment depuis qu’il a ouvert sa boutique. Un crève-cœur. Marc, son ami, insiste pourtant pour qu’il reprenne du service dans leur groupe. En vain.

Avoir un enfant

A la fin de leur discussion, Marc découvre un cliché d’échographie d’un fœtus au nom de Faustine. En effet, avant de quitter Javier, elle était enceinte mais ne l’avait pas annoncé à son compagnon.

Employée dans un bureau, Faustine a caché sa grossesse à tout le monde, inventant des prétextes pour ne pas boire avec ses collègues.

En sortant du travail, elle file voir Assia, son amie disquaire, qui lui rappelle qu’il y a un concert du groupe le soir même…

Connexions de personnes

Pierre Jeanneau imagine un agréable récit choral accrocheur autour de personnages se connaissant plus ou moins et ayant des interactions – des connexions – entre eux.

Ex, couple, membres du groupe de musique, couple d’hommes, disquaire ou amie qui rentre de voyage, ils sont là comme dans un petit théâtre de la vie. Trentenaires, ils se dévoilent dans leur intimité devant nos yeux. En cela, Connexions est un très joli portrait de femmes et d’hommes dans la force de l’âge.

Connexions, puzzle labyrinthique

La très grande force de Connexions réside dans sa narration originale. Pierre Jeanneau utilise les lieux comme des puzzles qui se mettent en place quand les personnages interagissent. Ainsi, il n’éclaire que les pièces où les protagonistes interviennent.

De plus, il détache les objets des habitations qui ont eu des connexions avec les personnages, dans le passé. Ainsi par exemple, le miroir est un flash-back de Faustine qui déclare : « Tu me trouves bien pour l’entretien ? ». Quant au mot de Marc sur Messenger, il apparait dans un cadre détaché de la planche.

L’auteur de Magpies dans la collection Façades utilise avec habileté des hexagones comme des pièces de jeu pour ces moments du passé. Ainsi, les récits des personnages sont enchassés. D’ailleurs chaque chapitre fait un focus sur l’un d’entre eux. Les lecteurs doivent ainsi regarder partout pour découvrir des petits riens qui permettent de comprendre ces histoires intimistes.

Connexions lumineuses

Co-créateur des éditions Polystyrène avec Adrien Thiot-Rader et Alex Chauvel, Pierre Jeanneau avait dans un premier temps auto-publié les six premiers épisodes de Connexions avant que les éditions Tanibis décident de les décliner en album. Deux volumes sont prévus pour connaître l’histoire complète.

Si l’on apprécie l’intrigue entremêlée qui navigue entre passé et présent, on est aussi charmé par le dessin de l’illustrateur.

Aidé aux couleurs par Philippe Ory, Pierre Jeanneau n’hésite pas à utiliser de très grands aplats d’une belle luminosité. Encasés dans les hexagones, ses personnages arborent toute la panoplie des émotions sur leurs visages.

Connexions est une très belle surprise, un portrait juste et délicat de trentenaires des années 2010. On attend la suite avec impatience pour connaître les dénouements dans les vies de Faustine, Marc, Assia ou Javier.

Article posté le dimanche 18 octobre 2020 par Damien Canteau

Connexions tome 1 Faux accords de Pierre Jeanneau (Tanibis)
  • Connexions, tome 1 : Faux accords
  • Auteur : Pierre Jeanneau
  • Éditeur : Tanibis
  • Prix : 21 €
  • Parution : octobre 2020
  • ISBN : 9782848410579

Résumé de l’éditeur : Prévu en deux tomes, Connexions est un récit labyrinthique qui se déroule dans une grande ville contemporaine.

Dans chacun des six chapitres de ce premier opus, nous suivons un personnage différent. Son histoire commence dans une pièce, dans un recoin de la page. En se déplaçant, il fait apparaître peu à peu son environnement, en vue isométrique, à la manière de certains jeux vidéos. Pierre Jeanneau parsème son récit de zooms sur des éléments du décor – une photographie, une lettre – autant d’indices permettant au lecteur de reconstituer le passé des personnages. Comme dans un roman de Georges Perec, les lieux et les objets sont partie prenante de la narration. Récit générationnel, Connexions met en scène de jeunes adultes entrant tous dans une nouvelle période de leur vie : changement professionnel, perte de figure parentale, naissance d’un enfant, retour de voyage, etc. Mais on découvrira d’autres connexions entre ces individus dont les vies s’entremêlent subtilement…

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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