Et l’île s’embrasa

Ile des Grandes Antilles, Porto Rico est un état libre associé aux États-Unis. En 1950, une révolution éclate sur ce bout de terre des Caraïbes. John Vasquez Mejías relate cette insurrection dans Et l’île s’embrasa, un album au graphisme singulier et envoûtant.

Porto Rico associé aux États-Unis

Baptisée San Juan Bautista par Christophe Colomb lorsqu’il découvrit l’île lors de son second voyage, Porto Rico (Puerto Rico) fut ainsi colonisée par les Espagnols. Entre 1493 et 1898, elle ne connut donc que la pauvreté et l’esclavage. C’est à cette date que les États-Unis entrent en guerre contre le couronne espagnole et s’installent sur l’île.

Malgré une autonomie partielle en 1952, Porto Rico reste dans le giron américain. Si l’île est un état libre, elle demeure associé aux USA. Elle n’est ni reconnue par l’ONU ni par la plupart des grandes organisations internationales.

C’est dans ce contexte qu’une insurrection éclate à Porto Rico, contée dans Et l’île s’embrasa.

Et l’île s’embrasa : le coup de force de Pedro Albizu Campos

Chef du parti nationaliste porto-ricain, Pedro Albizu Campos s’en prend directement au pouvoir américain présent sur l’île.

« En 1950, […] le chef du parti nationaliste de Porto Rico, Albizu Campos, déclare que les Américains n’ont aucune autorité morale ou légale sur Porto Rico. »

C’est le début des combats pour chasser l’envahisseur. La lutte armée semble la seule solution. Sauf que dans le camp d’en face, les militaires sont aussi très armés. Le mouvement indépendantiste est puissant malgré la répression de la CIA sur son sol. La grande force d’Albizu Campos est d’avoir presque réussi à faire assassiner Harry Truman, alors président des États-Unis.

Et l’île s’embrasa : de la puissance du dessin

Ce qui frappe d’entrer en lisant Et l’île s’embrasa, c’est sa partie graphique. Après la très belle couverture rouge imprimé de manière artisanale en sérigraphie, l’on entre dans un noir et blanc puissant.

Comme il l’explique à Marius Jouanny dans l’interview accolé à l’album, John Vasquez Mejías a réalisé ses planches en gravant sur du bois. A l’image des publications de Frans Masereel (Idée) ou de Lynd Ward (L’éclaireur), l’auteur américano-porto-ricain sublime ce procédé.

Il suffit de réaliser les planches à l’envers et d’y faire pénétrer l’encre. Ce qui donne des décors et des personnages aux formes très géométriques. Il est à noter que même les dialogues et autres récitatifs ont été réalisés de la même manière.

Une révolution méconnue

Comme John Vasquez Mejías le souligne dans le même entretien, cette révolte de 1950 est méconnue, y compris par les habitant.es de l’île. Cet ouvrage auto-édité aux USA où l’auteur est né d’un père porto-ricain, permet ainsi de faire un véritable travail de mémoire.

Quant à nous, les Français.es, nous ne connaissons déjà que très peu l’île en elle même (sauf West Side Story ?) malgré ses quelque 577 km la séparant de la Guadeloupe.

Article posté le mardi 22 août 2023 par Damien Canteau

Et l'île s'embrasa de John Vasquez Mejias (éditions Ici Bas)
  • Et l’île s’embrasa
  • Auteur : John Vasquez Mejias
  • Editeur : Ici Bas
  • Prix : 25 €
  • Sortie : 25 août 2023
  • ISBN : 9791090507456

Résumé de l’éditeur : Dans les années 1950, dans la mer des Caraïbes, une île occupée par la puissance étasunienne s’embrasa pour réclamer son indépendance. Une insurrection armée tenta d’y renverser le joug colonial qui sévissait depuis un demi-siècle, puis chercha à blesser l’empire en son coeur en commanditant l’assassinat du président des Etats-Unis, Harry Truman. Cette île a un nom – Porto Rico – et c’est son histoire largement méconnue que ce roman graphique raconte. Entièrement gravée sur bois, cette bande dessinée à la composition maximaliste renouvelle tout à la fois la narration graphique héritée du roman en gravures et celle des comics. Grâce à sa mise en scène onirique d’une galerie de personnages historiques plus grands que nature, « Et l’île s’embrasa », premier livre de John Vasquez Mejias, est un véritable coup de force.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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