Ginette Kolinka, Récit d’une rescapée d’Auschwitz-Birkenau

Quand Aurore D’Hondt rencontre pour la première fois Ginette Kolinka, c’est dans le cadre d’événements que cette dernière organise dans les établissements scolaires. Pour la jeune femme, il devient tout de suite évident qu’elle doit parler du parcours de cette rescapée. C’est ainsi qu’est né l’album Ginette Kolinka, édité chez Des Ronds dans l’O, alors que rien ne prédestinait la jeune étudiante à devenir autrice de bandes dessinées.

Un silence assourdissant

Comme beaucoup de survivants de la Shoah, Ginette Kolinka s’est tue pendant de nombreuses années. La période de l’Après-guerre n’était pas, selon elle, propice aux révélations. Il fallait reconstruire le pays sur une base de réconciliation nationale. De plus, comment raconter l’indicible à des personnes bien déterminées à tourner la page de la Seconde Guerre mondiale et de ses atrocités.

Il a donc parfois fallu plusieurs dizaines d’années, pour que les survivants puissent enfin prendre la parole. Bien souvent face à la génération suivante, qui elle n’avait pas connu la guerre. Ginette Kolinka n’a rien dit pendant quarante ans. Même à son mari ou à son fils. La vie devait reprendre son cours.

En 1994,  Steven Spielberg a créé l’USC Shoah Fondation afin de retrouver des témoignages de survivants. Ginette Kolinka finit par accepter de livrer son histoire alors qu’elle pensait que cela n’intéresserait personne.

Parler pour témoigner et transmettre

En fouillant dans sa mémoire, Ginette Kolinka a ressorti tous ses anciens souvenirs, ce qui lui a permis d’en faire part à sa famille. Mais était-ce suffisant ? Faire à présent partie de l’Union des Déportés d’Auschwitz, l’a amenée à témoigner face aux jeunes générations, dans les collèges et les lycées.

Ginette Kolinka lors d’un témoigne devant des lycéens à Dunkerque, le 21 mai 2019.jpg

C’est ainsi que s’est déroulée la première rencontre entre Ginette Kolinka et Aurore D’Hondt. L’étudiante en école d’ingénieur, sensible à l’appel de la survivante de « transmettre cette partie de l’Histoire dans la mémoire de tous », décide à sa façon de s’impliquer. Et c’est par l’intermédiaire de la bande dessinée, qu’elle va raconter la vie de Ginette Kolinka.

Les deux femmes se sont retrouvées, ont beaucoup échangé. Ginette Kolinka est devenue inspiratrice et Aurore D’Hondt autrice, alors que ses études en technologies biomédicales ne la destinaient absolument pas à cela.

Une adolescence bouleversée

Ginette Cherkasky est née en 1925, elle est la dernière d’une famille de six filles, avant que Gilbert , son petit frère ne vienne au monde sept ans après elle. La famille vit à Paris, son père confectionne des imperméables pendant que sa mère s’occupe des sept enfants. Quand la guerre éclate en 1939, Ginette ne comprend pas bien ce que cela signifie.

C’est alors que les Lois anti-juives sont promulguées, la famille doit donc se faire recenser. Son père pense que c’est pour mieux les protéger. Le port de l’étoile jaune, le tampon avec le mot juif sur la carte d’identité, puis bientôt l’interdiction de fréquenter certains endroits ou d’exercer certaines professions. Les droits des Juifs se raréfient telle une peau de chagrin.

Fuir pour continuer à vivre

En 1942, la famille Cherkasky est contrainte de quitter Paris après avoir été dénoncée comme étant communiste. C’est en quatre groupes distincts, accompagnés de passeurs, qu’ils vont devoir passer en Zone libre. Une nouvelle vie débute pour eux à Avignon.

Les sœurs travaillent sur les marchés, jusqu’à ce jour de mars 1944Ginette, partie manger chez elle, est raflée en compagnie de son père et de son frère. Ils seront transféré à la prison des Baumettes à Marseille, puis au camp de Drancy. Ginette ne réalise pas bien la gravité de la situation et ne s’inquiète pas de la possibilité d’être envoyée dans un camp de travail à l’Est qu’elle appelle Pitchipoï. Elle pense être assez résistante pour y faire face.

C’est en compagnie de 1500 personnes, que la gendarmerie française va les conduire jusqu’à la gare de Bobigny dans un convoi en partance pour Auschwitz-Birkenau (Pologne). Arrivée à destination, Ginette portera dorénavant le numéro 78599 tatoué sur sa peau de son avant-bras.

Du noir et du blanc pour raconter l’horreur

C’est en  noir et blanc et avec un étonnant trait tout rond, qu’Aurore D’Hondt a décidé de nous raconter la vie de Ginette Kolinka. Ce parti-pris peut sembler étonnant au tout premier abord. Mais il permet d’apporter des bribes d’humanité dans ce récit ô combien réaliste. La jeune autrice a choisi de ne rien cacher de la vie dans ce camp, le plus grand de l’univers concentrationnaire nazi.

Ainsi, les deux femmes ont pu montrer, à travers cet ouvrage, et selon les paroles de Ginette Kolinka :

« Voilà où mène la haine. »

Pour compléter ce témoignage, Aurore D’Hondt a inséré, en fin d’album, un cahier documentaire de huit pages sur la Solution finale mise en œuvre par le IIIe Reich.

« Pour que le témoignage de Ginette ne se perde jamais. »

De tels témoignages sont indispensables pour que le devoir de mémoire ne s’éteigne pas avec ceux, de moins en moins nombreux, qui ont vécu et survécu à cette période. À travers cette collaboration intergénérationnelle, Aurore D’Hondt a réussi à mettre à la portée de tous, cette période de notre Histoire difficile à aborder. Et elle a pu ainsi rendre hommage à Ginette Kolinka, cette survivante, qui malgré ce qu’elle a vécu, a réussi à vivre pour raconter. Afin que cela ne se reproduise plus jamais.

Un album, original par sa forme, mais indispensable par son fond, qui devrait être mis à la disposition de tous.

Article posté le lundi 13 mars 2023 par Claire Karius

Ginette Kolinka d'Aurore d'Hondt chez Des Ronds dans l'O
  • Ginette Kolinka, Récit d’une rescapée d’Auschwitz-Birkenau
  • Auteur : Aurore D’Hondt
  • Éditeur : Des Ronds dans l’O
  • Prix : 25,00 €
  • Parution : 25 janvier 2023
  • ISBN : 9782374181325

Résumé de l’éditeur : Alors qu’Aurore D’Hondt est en terminale au lycée en 2018, sa classe reçoit Ginette Kolinka. Attentifs, les élèves écoutent le récit que Ginette partage avec eux sur la Shoah qu’elle et sa famille ont subit. Le choc est rude et Aurore en ressort avec le souhait de réaliser ce que Ginette leur demande à la fin de sa visite : transmettre à leur tour afin de garder cette partie de l’Histoire dans la mémoire de tous. L’album c’est Ginette Kolinka qui parle, qui revit courageusement une partie de sa vie extrêmement douloureuse. Ce récit, commun à des millions d’autres, est destiné à tous. Il apporte un témoignage fort et direct.

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, Claire affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique, mais pas seulement. Elle aime également les lectures qui savent l'émouvoir et lui donnent espoir en l'Homme et en la vie. Elle partage sa passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur sa page Instagram @fillefan2bd.

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