Joyeux démons

Quelques nouvelles fantastiques peuplées de yokaïs, d’esprits japonais. Un regard moderne et critique porté sur le Japon contemporain. Joyeux Démons, de Sakumo Okada, c’est une petite pépite trouvée par les éditions Atelier Akatombo chez Futabasha Publishers. Un de ces mangas qui passera sous les radars mais ravira toutes celles et ceux qui tenteront sa lecture. Un titre mis en avant par le Prix Asie ACBD 2024.

Joyeux démons : regards posés là où le Japon ne veut pas regarder

Une famille de belettes-faucilles, un humain capable de lire les esprits, un kappa qui n’en est pas un, un chat-monstre, une femme forte comme une ogresse, un homme à tête de lampion, et un renard à neuf queues. Inventaire à la Prévert du folklore japonais, pour autant de visages actuels d’un pays qui évolue.

Joyeux démons n’est pas un ouvrage simple à résumer de manière claire. Acceptez cette idée. Sakumo Okada compose une série de récits indépendants pourtant parfaitement cohérents et finalement, connectés.

Joyeux démons extrait 1 par Sakumo Okada chez Atelier Akatombo

Le Japon a ses discriminations

Ce qu’il faut retenir, c’est que chaque histoire est un prétexte pour permettre à l’auteur de venir questionner la société japonaise. Metoo, xénophobie, racisme anti-coréen, masculinité toxique, Okada vient gratter toutes les croûtes d’un pays qui cache beaucoup de travers derrière son soft power. Les yokaïs ne sont que des prétextes pour symboliser différentes catégories de personnes invisibilisées ou victimes de stéréotypes négatifs. Il n’est pas innocent que la dernière nouvelle vienne rassembler des personnages de toutes les histoires, au sein d’un asile psychiatrique.

Ensuite, chaque histoire va proposer une bonne idée, un bon concept ou une bonne réflexion. Sakumo Okada compose ensuite de manière très intelligente avec ces différents ingrédients pour surprendre son lecteur. Et même s’il est de coutume que des recueils de nouvelles en comportent toujours de moins fortes, ici, chacune apporte une saveur différente. Il n’y a pas de nouvelle plus faible et cette homogénéité reflète une construction intelligente de cet ouvrage.

Dessiner des nouvelles, c’est s’offrir des espaces créatifs

Graphiquement, l’auteur profite de ce format court pour tester différentes ambiances. On sent de multiples références, dont un certain nombre piochées dans l’univers de feu le magazine Garo. On appréciera par exemple le minimalisme du Chat manquant, ou la noirceur intense de La lumière chassée. A d’autres moments, le trait se fait classique, plus sage, dans une forme d’équilibre entre solidité et exploration artistique.

Joyeux démons extrait 2 par Sakumo Okada chez Atelier Akatombo

Joyeux Démons : une fenêtre sur une œuvre artistique et littéraire

Joyeux Démons, c’est une bouffée d’air salutaire dans le monde du manga, pour ce qu’il dit de la société japonaise. Sakumo Okada fait de la bande dessinée engagée et semble tracer une voie constante avec les concepts proposés dans sa précédente œuvre traduite en français, Mazarian. Regrettable que cet artiste soit si peu connu en France. Merci à l’Atelier Akatombo de combler ce manque.

Article posté le mercredi 10 juillet 2024 par Yaneck Chareyre

Joyeux démons par Sakumo Okada chez Atelier Akatombo
  •  Joyeux démons
  • Auteur : Sakumo Okada
  • Éditeur France : Atelier Akatombo
  • Éditeur Japon : Futabasha Publishers
  • Date de publication France : 19 janvier 2024
  • Nombre de pages : 224
  • Prix : 14€80
  • ISBN : 9782379272004

Résumé de l’éditeur : La belette-faucille, le chat fantôme, le renard à neuf queues, l’enfant-lanterne, le génie de l’eau, la géante des montagnes, l’homme-poisson… Sakumo Okada convoque les démons qui peuplent habituellement les contes traditionnels japonais pour incarner des héros impliqués dans des situations bien proches de notre réalité. Ce recueil d’histoires courtes a été conçus par Sakumo Okada, dans le but de créer une collection d’histoires brèves explorant un univers pour le moins inhabituel. Ce monde étrange, bien que fantastique en apparence, évoque fortement le Japon contemporain.

À propos de l'auteur de cet article

Yaneck Chareyre

Journaliste , critique et essayiste BD depuis 2006.

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