Kosmos

Après neuf albums sur lesquels ils ont travaillé ensemble, Pat Perna (scénario) et Fabien Bedouel (dessin et couleur) sont de retour avec, pour la première fois, un one shot. Kosmos, c’est son titre, est sorti le 20 octobre 2021 chez Delcourt. Finie la Terre ferme, c’est l’espace et la Lune qui vont servir de terrain de jeu à ce formidable duo d’auteurs.

Un duo déjà rencontré

La collaboration entre Pat Perna et Fabien Bedouel a débuté en 2015 avec la sortie des deux tomes de Kersten médecin d’Himmler. Elle s’est poursuivie avec Forçats deux tomes en 2016 et 2017, Darnand trois tomes en 2018 et 2019 et enfin Valhalla hotel deux tomes en 2021. Excepté pour ce dernier diptyque, qu’on peut qualifier de comédie d’action, l’Histoire tient un rôle prépondérant dans la collaboration entre ces deux auteurs.

Avec Kosmos, ces derniers ont choisi de rester dans cette thématique historique, mais en lui ajoutant une part d’événements fictifs ou de fake news.

 

    Couverture Forçats - intégrale

Couverture Darnand - coffret tomes 1 à 3   

 

La guerre froide, la guerre de Kosmos

Il est des événements qui ont marqué le 20e siècle. Parmi ceux-ci, la course aux étoiles que se livrèrent Soviétiques et Américains. En effet, dès la fin de la Seconde guerre mondiale, la partition de la vieille Europe en deux blocs, l’Est et l’Ouest, a eu pour conséquence d’entraîner les deux superpuissances, que furent les États-Unis et l’URSS, dans un combat, quels que soient les domaines. La géopolitique, le sport, les arts et la conquête spatiale.

Pendant de nombreuses années, les Soviétiques vont dominer les Américains en envoyant le premier être vivant dans l’espace, en novembre 1957, une petite chienne nommée Laïka. Puis vint le tour de celui qui restera un des plus grands héros soviétiques, Youri Gagarine, le premier humain ayant effectué un vol dans l’espace lors de la mission Vostok 1 en avril 1961.

    Youri Gagarine en 1961.

 

Avec l’arrivée de John Fitzgerald Kennedy au pouvoir en janvier 1961, les États-Unis vont relancer la conquête spatiale.

L’objectif, décrocher la Lune, « non pas parce que c’est facile, mais bien parce que c’est difficile ».

Kosmos, on a marché sur la Lune

Le 16 juillet 1969, lors de la mission Appolo 11, Neil Armstrong pose le pied sur la Lune  en compagnie de Buzz Aldrin.  Michael Collins est lui resté dans le module de commande. Une fois le drapeau Stars and Stripes planté, Armstrong s’éloigne du module lunaire et découvre avec effarement qu’un peu plus loin, un drapeau soviétique flotte déjà à la surface de la Lune et qu’un module d’alunissage soviétique y est stationné !

 

S’approchant non loin de cet engin, il trouve à proximité, dans un cratère, un corps immobile dans une combinaison. Il s’agit du corps d’une femme, celui de la major Tatiana Terechmariova qui a décollé quatre jours plus tôt depuis Baïkonour, à bord d’un Soyouz 5

Que s’est-il donc passé pour que le corps cette cosmonaute se trouve là, alors que les Américains pensaient être en tête dans cette course à la Lune ? Comment se fait-il qu’aucune mission de ce type n’ait été annoncée par les Soviétiques ? Que faire avec cette cosmonaute fantôme ?

Un scénario incroyable et crédible

Non vous ne rêvez pas, le scénario de Kosmos, écrit par Pat Perna est d’une incroyable inventivité. Il prend la forme d’un documentaire mêlant faits historiques et fake news. La précision employée nous amène à ne pas, mais à aucun moment, douter de la véracité de ce que le scénariste nous raconte. Cette histoire semble des plus véridiques et on ne peut que s’imaginer qu’elle puisse être vraie. Que ce soit une femme qui ait marché la première sur la Lune et la face du monde en eut peut-être été changée. !

La narration est tellement crédible qu’on se surprend à imaginer que ce que Pat Perna nous raconte, puisse être véridique. Comment parfois démêler le vrai du faux ? Et c’est tout là, l’intérêt de cet album. Comment ne pas être abasourdis par cette histoire incroyable ? C’est brillant, intelligent, stupéfiant !

Une couverture au service de l’album

Avant même d’ouvrir cet album de 201 pages, la couverture est, à elle seule, un appel à la découverte de cette histoire. Le choix d’un papier noir mat annonce d’emblée la couleur de ce que seront les planches. Le visuel représentant la major Tatiana Terechmariova avec son casque de cosmonaute est lui brillant, comme pour mieux mettre en lumière, l’héroïne de ce récit.

Le fait d’avoir écrit Kosmos avec un K, n’est pas anodin puisque c’est ainsi que ce mot est écrit en russe : Космос. Seuls les S sont restés écrits avec notre alphabet, certainement pour éviter une confusion dans la prononciation du titre. Kosmos est le nom générique utilisé pour parler des différents appareils envoyés dans l’espace par les Soviétiques.

Le choix de la couleur rouge, pour écrire le titre, n’est pas un hasard. Les affiches de propagande pendant l’ère soviétique utilisaient ce rouge pour les écritures et les slogans.

Des dessins d’un noir profond

Le fond noir est de mise sur la plupart des planches de Fabien Bedouel. Il permet de donner toute la profondeur requise pour les séquences dans l’espace. Seules les quelques planches de fin retrouvent des fonds blancs symbolisant un retour sur une terre ferme.

Le choix de cette sobriété permet également de faire ressortir les expressions sur les visages des différents astronautes (USA) ou cosmonautes (CCCP).En effet, en raison de l’enfermement des corps dans des combinaisons ou dans les capsules lunaires, ceux-ci ne peuvent se mouvoir ou difficilement. Les émotions et les ressentis ne sont donc lisibles que sur les visages.

Certains dessins sont d’une tension absolue, surtout ceux représentant des sorties extravéhiculaires, quand un des cosmonautes en combinaison flotte dans l’espace et dans l’immensité, relié à un seul fil. Une claque visuelle qui empêche de décoller les yeux de ces planche sur fonds noirs, en parfaite adéquation avec l’histoire.

C’est sublime, envoutant, captivant !

Un hommage à Joan Fontcuberta

Ce photographe espagnol a organisé en 1997 une exposition sur l’histoire d’un cosmonaute soviétique, Ivan Istochnikov, qui a « disparu » dans l’espace en 1968. En réalité, Joan Fontcuberta a créé de toutes pièces la vie de cet homme, utilisant même des photos personnelles pour donner vie à ce cosmonaute fantôme. Le nom inventé d’Ivan Istochnikov est d’ailleurs la traduction littérale en russe du nom du photographe. Ce dernier disait :

 « Il faut douter de ce que disent les institutions qui peuvent avoir le monopole ».

Un coup de foudre cosmique

Avec cet album Kosmos, comment ne pas être pris au jeu des auteurs au point de vouloir croire que cette histoire ait pu se dérouler ainsi.

Le traitement visuel qui en a été fait contribue pleinement à l’émotion et le frisson qu’on ressent en découvrant certaines de ces planches.

Voilà ce que serait alors un coup de foudre pour un album ! Donc, ça existerait également en bande dessinée ?

Article posté le mercredi 10 novembre 2021 par Claire Karius

Kosmos de Pat Perna et Fabien Bedouel chez Delcourt
  • Kosmos
  • Scénariste : Pat Perna
  • Dessinateur et coloriste : Fabien Bedouel
  • Éditeur : Delcourt
  • Prix : 27,95 €
  • Parution : 20 octobre 2021
  • ISBN : 9782413040415

Résumé de l’éditeur : Le 20 juillet 1969, le monde entier, figé devant sa télévision, est sidéré par l’exploit : les Américains ont aluni ! Et avant les Soviétiques ! Malgré une frayeur technique, tout s’est bien passé. Pourtant, au moment de repartir, Armstrong se retourne une dernière fois pour observer le paysage et reste figé : dans la visière de son casque, se reflète un drapeau soviétique et un LEM russe…

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, Claire affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique, mais pas seulement. Elle aime également les lectures qui savent l'émouvoir et lui donnent espoir en l'Homme et en la vie. Elle partage sa passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur sa page Instagram @fillefan2bd.

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