La conquête du cosmos

La conquête du cosmos d’Alexandre Fontaine-Rousseau et Francis Desharnais est un récit qui s’étire de l’année 1957 à 1969, au summum de la Guerre froide, où la supériorité des Russes ou des Américains va se mesurer dans un premier temps la haut dans l’espace, puis très vite ensuite sur notre satellite, la Lune. Attention : album drôle et jubilatoire !

La conquête du cosmos : un album absurde et désopilant

L’histoire est connue, les grandes étapes marquantes parfaitement bien datées, mais la narration, la lecture que nous en proposent Alexandre Fontaine-Rousseau et Francis Desharnais, deux auteurs québecois, est inédite, insolite, désopilante, absurde, et d’une drôlerie jubilatoire.

Chaque chapitre de La conquête du cosmos relate une date clef de la conquête de l’espace et alterne selon l’étape en question, entre la vision russe ou américaine de la progression dans cette course. Aucun parti-pris de la part des auteurs ou alors celui de souligner que cette fuite en avant n’est peut-être, étape après étape, qu’une régression, à reculons de l’espèce humaine.

Gaufriers délicieux

Avec des gaufriers hyper réguliers d’une dizaine de cases, souvent identiques à un petit détail près qui graphiquement suffit à faire avancer la narration. La qualité de cette dernière tient pour beaucoup dans les dialogues des protagonistes, qui sont de vrai pépites de loufoquerie, du « petit lait » rédigé avec le vocable et la syntaxe propre à nos cousins québécois, si fleuris, si délectable à nos oreilles de « maudits » Français.

Selon si l’étape relatée est le fait des Américains ou des Russes, la teinte dominante du chapitre sera bleue ou rouge.

Spoutnik : le début de la conquête de l’espace

Dès l’ouverture de La conquête du cosmos, les lecteurs suivent la conversation de deux individus anonymes et invisibles à l’image, qui dissertent sur l’avancée que représente le lancement du premier Spoutnik dans l’espace le 4 octobre 1957.

L’un y voit le début d’une nouvelle ère pour l’humanité, l’autre se demande où est le progrès d’envoyer là-haut une boîte de conserve qui ne fait que « bip-bip ». Les cases de ce chapitre ne nous donnent qu’à voir, en un cadrage immuable, la courbure de la Terre en bas de l’image – une Terre rouge, normal Spoutnik est le premier engin spatial envoyé dans l’espace par les Russes – , et seul ce satellite traverse ce cadre de gauche à droite, case après case, lentement, dans la noirceur du cosmos, en émettant son « bip bip » inutile. Le ton est donné !

Waf waf

Le chapitre suivant, le 15 octobre 1957, toujours côté Russes, postés à face un tabouret sur lequel se tient docile une chienne, la bientôt célèbre Laïka. Dans une salle de contrôle représentée par un mur de cadrans et boutons en tous genre, un groupe de scientifiques se questionnent sur le bien-fondé à envoyer un être vivant dans l’espace.

Cette chienne, ils l’interrogent sur son désir d’être mise en orbite, et qui pour toute réponse ne peut lâcher que des « waf-wafs » de temps à autre. Ils tentent de trouver une justification politique à l’exploit qu’ils s’apprêtent à réaliser. Très vite la discussion vrille et nos scientifiques en viennent à se demander s’il serait possible de monter une équipe idéologique de hockey sur glace canine pour battre les Américains.

Une équipe de hockey canine : saugrenu ?

La conquête du cosmos se poursuit avec le chapitre suivant où les même scientifiques, dans la même salle, se trouvent à faire face à un émetteur/ récepteur radio par lequel il tentent de rentrer en communication avec Laïka, seule dans sa capsule, en orbite, et qui ne fait toujours que « waf waf » par moment.

Face à l’impossibilité de la chienne à leur décrire ce qu’elle voit de là-haut, l’un d’eux émet l’idée saugrenue qu’ils auraient tout mieux fait de lui apprendre à parler avant de l’envoyer dans l’espace. Ça tergiverse, l’idée de l’équipe de hockey canine revient sur la table, puis finalement nos brillants scientifiques conclue à la nécessité de passer à l’étape suivante : envoyer au plus vite un humain dans l’espace.

Gagarine ou le rêve d’un être humain dans l’espace

Youri Gagarine entre en scène. Assis sur le même tabouret que précédemment Laïka, il sera l’objet du chapitre suivant. Face aux même scientifiques très évasifs lorsque le cosmonaute leur demande à mainte reprise s’ils ont réussi à ramener le chien sur terre, Youri Gagarine, le premier spationaute de l’humanité, semble un rien naïf quant à la véritable motivation des dirigeants de Baïkonour. S’en suivra les digressions philosophiques du Russe qui s’ennuie à mourir dans sa capsule.

Mais c’était sans compter sur les Américains ! Le 25 mai 1961, avec l’allocution présidentielle de John Fitzgerald Kennedy, qui cherche à instiller la peur de voir demain des Ladas polluer l’espace, pour justifier la course à la lune qu’il lance officiellement…. Pour aller y construire un terrain de golf. Sic !

La conquête du cosmos ou la folie de Fontaine-Rousseau et Desharnais

Les idées s’enchainent, chapitre après chapitre, toutes plus saugrenues les unes que les autres, avec une fluidité désarmante. Relatant toutes les grandes étapes de cette course idéologique, et toujours avec ce parler québécois absolument succulent, savoureux au possible.

La création du logo de la NASA, le décollage d’Apollo 11 ou son alunissage mythique, tous ces moments inoubliables sont vus par le prisme malin et décalé de ce duo d’auteurs, Alexandre Fontaine-Rousseau (La pitoune et la poutine) et Francis Desharnais (La petite Russie). Jubilatoire !

Article posté le samedi 09 octobre 2021 par David Lemoine

La conquête du cosmos d'Alexandre Fontaine-Rousseau et Francis Desharnais (Pow Pow)
  • La conquête du cosmos
  • Scénariste : Alexandre Fontaine-Rousseau
  • Dessinateur : Francis Desharnais
  • Editeur : Pow Pow
  • Prix : 19 €
  • Parution : 20 août 2021
  • ISBN : 9782924049846

Résumé de l’éditeur : Après avoir ruiné l’histoire de l’aviation avec Les premiers aviateurs, Alexandre Fontaine Rousseau et Francis Desharnais unissent à nouveau leurs forces pour faire la passe à la course à l’espace. La conquête du cosmos relate, avec moult entorses à la vérité, cette lutte scientifique ayant opposé l’URSS aux Etats-Unis à l’apogée de la Guerre froide. Cette épopée débute le 4 octobre 1957 avec le lancement de Spoutnik 1 et se termine douze ans plus tard en compagnie de l’équipage d’Apollo 11. Tous les événements marquants de cette aventure extraordinaire sont présentés dans leur plus factuelle réalité, des angoisses de Youri Gagarine qui se demande s’il a laissé son rond de poêle allumé au fameux discours de John F. Kennedy dans lequel le président promet à l’Amérique que, d’ici quelques années,  » on va pouvoir faire du barbecue pis manger des hamburgers  » sur la Lune. Au dessin, Francis Desharnais, auteur de La petite Russie, emploie à nouveau le savant procédé de copier-coller minimaliste sur lequel reposaient Les premiers aviateurs ainsi que La guerre des arts. Au scénario, Alexandre Fontaine Rousseau poursuit sur sa lancée en faisant rager les historiens du monde entier – comme avec son livre précédent, La pitoune et la poutine.

À propos de l'auteur de cet article

David Lemoine

Lecteur de BD depuis sa plus tendre enfance, David a fini par délaisser assez vite les classiques franco-belges, pour doucement voir ses affinités se tourner vers des genres plus noirs, plus grinçants, sarcastiques, trashs, violents, absurdes et parfois même décadents. Il grandissait en somme…. Fan de la première heure de Ranxerox et Squeeze the Mouse, il vénère aujourd’hui l’oeuvre d’auteurs Anglo-Saxon tel que Bendis, Brubaker/Phillips, Ben Templesmith, Terry Moore, Jonathan Hisckman, Ellis/Robertson, sans bouder son plaisir à la lecture des européens talentueux, francophone ou non, que sont Tardi, Ralf Konîg, Michel Pirus, Gess, les frères Hernandez, ou même Fred Bernard. La liste de ses amours dans le 9e art est loin d’être exhaustive, vous vous en doutez, et cela fait plus de 20 ans maintenant qu’il s’efforce de vous convaincre de les embrasser à travers ses chroniques radio qu’il vous livre chaque semaine dans l’émission XBulles sur les ondes de Radio Pulsar (http://www.radio-pulsar.org/emissions/thema/x-bulles/ / https://www.facebook.com/xbulles)”

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