La langue du diable

Alors qu’une éruption volcanique fait émerger une île non loin de la Sicile, toutes les grandes puissances mondiales se la disputent pour sa souveraineté. Mais c’est Salvatore, le pêcheur, découvreur qui en devient le gouverneur. Sa vie va en être troublée. Andrea Ferraris s’inspire d’un fait réel pour conter son histoire dans La langue du diable, une très bel album Rackham.

Une nouvelle île sort de la mer

Italie, 1831. Le gouverneur de l’île de Ferdinandea, Salvatore, est dans un triste état. Saoul, il semble divaguer sous les regards moqueurs des clients de l’Osteria, bar de Sciacca, petite ville de Sicile. Il ressasse toujours la même chose : il serait le découvreur de cette île émergée des eaux de la Méditerranée.

Et pourtant, il a bien raison…

Six mois plus tôt, comme tous les matins, il se réveille dans sa petite bicoque vétuste avec à ses côté, Vincenzo, son jeune frère. Alerté par les jappements de leur chien, ils ne comprennent pas ce qui arrivera plus tard. Les animaux ont cette faculté de ressentir les séismes, éruptions et tout ce qui vient des entrailles de la Terre.

Dans leur modeste barque, comme tous les jours, ils partent pêcher. Ballotés par un bouillonnement, ils chavirent. Devant eux, un étonnant spectacle : des scories plein le ciel; une éruption volcanique.

Une île sort des eaux, quelques jours plus tard. Un scientifique le paye pour approcher ce merveilleux spectacle naturel. N’écoutant personne, Salvatore s’en approche, marche dessus et récupère une pierre de lave…

La langue du diable jaillit des eaux

Andrea Ferraris l’explique dans l’épilogue de La langue du diable : cette île a vraiment existé mais seulement six mois. Six mois intenses, six mois de galère, six mois de bataille pour savoir à qui elle appartiendra. Une vie éphémère, mais une vie de tourments pour cette terre sortie des eaux et pour son découvreur, Salvatore.

Aujourd’hui à huit mètres de profondeur dans la Méditerranée (entre la Sicile et la Tunisie), il ne reste qu’une plaque au musée de la ville de Sciacca.

L’auteur italien de Churubosco et La cicatrice s’inspire donc d’une histoire vraie pour en inventer une belle fiction, entre aventure et tensions psychologiques. Ferdinandea attire comme un aimant toutes les personnes avides de pouvoir, de richesse et de gloire. Pauvre pêcheur, Salvatore se perdra dans cette vie rêvée, celle d’un gouverneur d’une île inhabitable. Tout le monde le raille même ses anciens amis, son frère ne le reconnait plus et son hypothétique amour Antonia se détourne de lui. Cette découverte ne sera que malchance pour le pauvre Salvatore.

Pire, la politique se mêle des affaires des Hommes. Le roi des Deux-Siciles, Ferdinand, ne veut pas que cette langue de terre lui échappe; elle, convoitée par les grandes puissances de l’époque : le Royaume-Uni et la France.

Trait charbonneux pour tension dramatique maximale

La langue du diable s’articule comme une belle aventure (dans la lignée des découvreurs de Jules Verne), échappe à l’entendement avec les politiques et se termine comme un drame.

Cette histoire protéiforme peut donc toucher de nombreux lecteurs amateurs d’Histoire, d’aventure et de tensions psychologiques.

L’album, comme les précédents de Andrea Ferraris, est réalisé avec de la fougue, de la vivacité et de la force. Son trait charbonneux convient parfaitement pour restituer le tourbillon dans la tête de Salvatore. L’auteur turinois utilise à merveille la mine de plomb pour apporter de la noirceur à ce récit historique bouleversant.

Article posté le dimanche 16 décembre 2018 par Damien Canteau

La langue du diable de Andrea Ferraris (Rackham)
  • La langue du diable
  • Auteur : Andrea Ferraris
  • Editeur : Rackham
  • Prix : 23€
  • Parution : 09 novembre 2018
  • ISBN : 9782878272291

Résumé de l’éditeur : Le 2 juillet 1831, une éruption volcanique fait émerger une île dans le bras de mer qui sépare la Sicile de la Tunisie. Sa souveraineté est aussitôt disputée. Dès que la nouvelle se répand, l’Angleterre y dépêche un bateau et la France y mène une expédition scientifique. Tous veulent être les premiers à planter leur drapeau sur le point le plus élevé de cette nouvelle terre. Mais, ce jour-là, c’est Salvatore, humble pêcheur du tout proche port de Sciacca de sortie en mer, qui a assisté à la naissance de l’île. Quelques jours plus tard, attiré par le spectacle grandiose de l’éruption, il revient sur les lieux et pose son pied sur la terre brûlante. Il en ramasse machinalement un gros caillou avant de rentrer au port. La nouvelle de l’exploit de Salvatore s’ébruite et Ferdinand, roi des Deux-Siciles, voyant d’un très mauvais oeil l’intrusion dans ses domaines de deux grandes puissances, fait convoquer Salvatore par un de ses fidèles : cette terre est sicilienne, un sicilien y a posé le pied en premier et ce caillou en est la preuve ! On propose donc à Salvatore d’en devenir le gouverneur. C’est une chance inespérée ; Salvatore n’y voit que la fin de ses peines. Il sera riche, puissant et pourra enfin épouser la belle et inaccessible Antonia…

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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