La Venin #5 – Soleil de Plomb –

Quatre années se sont écoulées depuis la première apparition d’Emily alias La Venin. Cinq, c’est le nombre d’albums qu’il aura fallu à Laurent Astier pour développer le destin d’une jeune femme dont la quête de vengeance envers ceux qui l’ont privée d’une enfance aux côtés de sa mère, va peu à peu s’étioler. Cinq, c’est aussi la quantité d’hommes à abattre pour assouvir la colère qui l’habite. Trois d’entre eux ont subi ses représailles. Jusqu’au quatrième où tout a commencé à basculer. Dans cet ultime épisode astucieusement appelé Soleil de Plomb, tant la première partie dépeint une ambiance des plus suffocantes, Emily verra son destin prendre un chemin différent que celui qu’elle s’était initialement tracée.

ENDEUILLÉE MAIS PAS ABATTUE

New-York en 1901. Comme un symbole, le seul homme présent dans cette première planche se trouve six pieds sous terre. Telle une union sacrée, c’est entourée des ses fidèles amies qu’Emily cite le poème de l’écrivaine Emily (!) Dickinson devant la tombe de son amour éphémère, Stanley Whitman. Bien qu’attristée par sa perte, elle ne perd pas de vue son ultime objectif : approcher William McKinley, l’actuel Président des Etats-Unis.

Alors qu’elle vient de s’installer dans le prestigieux Sunbeam avec ses cinq complices féminines, Emily ne se doute pas que les deux agents spéciaux de la Pinkerton la suivent toujours à la trace. Bien qu’ils aient, encore, un train de retard, ils auront une dernière occasion d’affronter La Venin un peu plus tard…

UN DERNIER CAMOUFLAGE

Avant de retrouver Emily une nouvelle dois grimée pour pouvoir approcher l’homme le plus puissant des Etats-Unis, un retour en arrière de quelques années nous permettra de comprendre que c’est grâce à sa rencontre avec  Pearl Hart – une célèbre hors-la-loi – qu’Emily apprendra à utiliser son corps pour se mettre dans la peau de chacun des personnages qu’elle a campé.

A Washington, Emily devient Eden Jones, un journaliste envoyé par le New-York Herald pour interviewer William McKinley. Le moment tant attendu est enfin arrivé. Le plan de La Venin fonctionne à merveille jusqu’aux premiers mots de William quand elle se retrouve face à lui. Elle va ainsi, pour la dernière fois, faire tomber le déguisement.

L’HEURE DES RÉVÉLATIONS

Car c’est à ce moment précis que William se mettra lui-même à nu. Il dévoilera à Emily toutes les circonstances qui ont fatalement fait d’elle La Venin. Le passé clairement dévoilé, Emily devra évacuer tous ses sentiments empreints de trahison, colère et tristesse pour entrevoir l’éclaircie d’un bel avenir avec sa fille adoptive.

LA VENIN NE FLÉCHIT PAS

Avec ce cinquième tome de La Venin, Lauren Astier achève sa série pour laquelle la première impression qui se dégage est celle d’une aventure aboutie. Dès le premier épisode, nous avions été frappés par l’énergie qui se dégageait de cette héroïne. Cette détermination pour assouvir sa vengeance est toujours restée méthodique, froide et sans concession. Bien qu’une brèche se soit ouverte lorsqu’elle a rencontré Stanley Whitman, ce dernier tome prouvera jusqu’à la fin qu’Emily ne baissera jamais la garde et ce, malgré les tentatives d’attendrissement des principaux responsables. Son charisme restera un élément crucial dans la réussite de ce western féminin.

UN DESSIN QUI S’ADOUCIT

Laurent Astier n’a cessé de dynamiser son récit par une excellente partie graphique qui offre dans cet ultime tome plus de place à des scènes remplies d’émotion. Dans Soleil de Plomb, l’auteur ne met plus en scène son héroïne face à des affrontements violents et sanguinaires. Il exprime, au contraire, un trait plus en douceur, voire mélancolique même si l’atmosphère du début s’avère pesante. Il n’y a qu’à regarder l’attitude de La Venin sur les quatre précédentes couvertures. A chaque fois armée, sa posture traduit l’envie d’en découdre. Sur cette dernière, nous l’observons plus empruntée. Elle traduit parfaitement ce que Laurent Astier offrira tout au long de ce dernier épisode.

DES RÉFÉRENCES À SCRUTER

Sur le plan scénaristique, tout est une nouvelle fois savamment bien dosé. En s’appuyant sur des faits réels de l’époque (notamment la tragique issue du vingt-cinquième Président des Etats-Unis jusqu’ à l’apparition furtive d’un certain Théodore Roosevelt… ), Laurent Astier allie parfaitement fiction et véritables événements de l’Histoire. L’auteur a incontestablement fourni un travail de recherches approfondies alimentant la crédibilité des périodes visitées par son héroïne.

Ainsi, la série traverse plusieurs moments sombres de l’Amérique tels que la présence du Ku Klux Klan, les conditions misérables des ouvriers ou encore la pédophilie dans les enceintes catholiques mais on y voit aussi l’apparition de grands édifices (comme le Casino Theatre, ou le Fuller Building dans le quatrième tome). Jusqu’au bout, Laurent Astier confond naturellement réel et fiction avec une certaine maitrise.

Sans aller jusqu’aux regrets, quelques frustrations comme celle de ne pas se délecter des superbes « Carnets d’Emily » (mais qui se justifient par une pagination augmentée) ou encore quelques protagonistes qui nous ont semblés disparaitre presque anonymement alors qu’ils avaient une vraie importance toute au long de cette aventure.

UN WESTERN ÉPERDUMENT FÉMININ

Toutes les séries ont une fin. Celle qui met en scène une des plus marquantes héroïnes des westerns d’aujourd’hui, se termine avec une sororité qui s’est construite au fil des albums. La Venin qui était en quête de justice et dont la haine motivait ses actes de violence, va trouver les réponses qui lui manquaient. Et ce n’est pas forcément celles qu’elle espérait. Pour autant, l’issue de son aventure parsemée de déception trouvera une certaine forme de quiétude. C’est ainsi que l’auteur met fin aux aventures de La Venin (pour l’instant ?) pour que celles d’Emily puissent commencer. Sereinement.

Merci à Laurent Astier pour ces cinq tomes qui auront, pour chacun d’entre eux, été un vrai bonheur de lecture. La Venin a incontestablement sa place dans les meilleurs westerns créés pour la bande dessinée.

Article posté le mercredi 08 mars 2023 par Mikey Martin

Dernier tome de La Venin qui marque la fin de la série de Laurent Astier (Rue de Sèvres), décrypté par Comixtrip, le site BD de référence.
  • La Venin, Tome 5 : Soleil de Plomb
  • Scénariste : Laurent Astier
  • Dessinateur : Laurent Astier
  • Coloriste : Stéphane Astier
  • Éditeur : Rue de Sèvres
  • Prix : 15,00 €
  • Parution : 18 janvier 2023
  • ISBN : 9782369815921

Résumé de l’éditeur : Emily arrive au terme de sa quête de vengeance, visant à retrouver et éliminer les meurtriers de sa mère. Après avoir fait le deuil Stanley Whitman, l’homme qu’elle aimait, elle met en place le plan qui lui permettra d’atteindre sa dernière cible et ainsi achever son sanglant projet. Pour cette ultime étape, la plus ambitieuse et dangereuse de toutes, Emily est prête à prendre tous les risques. L’homme à abattre n’est en effet autre que le président des Etats-Unis.

À propos de l'auteur de cet article

Mikey Martin

Mikey, dont les géniteurs ont tout de suite compris qu'il était sensé (!) a toujours été bercé par la bande dessinée. Passionné par le talent de ces scénaristes, dessinateur.ice.s ou coloristes, il n'a qu'une envie, vous parler de leurs créations. Et quand il a la chance de les rencontrer, il vous dit tout !

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