Lady Killer #1 – À Couteaux Tirés –

Lady Killer : un titre qui prend tout sens sens lorsqu’on fait connaissance avec l’héroïne de cette série. Imaginée par Joëlle Jones et Jamie S. Rich, Josie Schuller est une épouse aimante et une mère modèle. Rien qui ne puisse soupçonner une double vie, celle de tueuse à gages. Dans ce premier tome qu’est À Couteaux Tirés, nous est présentée une femme aussi chaleureuse envers sa famille que froide dans l’exécution de ses contrats. Dans une Amérique des années soixante superbement illustrée, voici une aventure aux allures prometteuses.

UNE FEMME AUX DEUX VISAGES

Le premier chapitre de Lady Killer est remarquable dans sa présentation. On y découvre Josie Schuller grimée en commerciale vendant des produits cosmétiques. En frappant à la porte d’une certaine madame Roman(ov), on comprend que ses intentions sont clairement plus sanguinaires que de parfaire la beauté de sa future victime. Josie est une tueuse à gages et vient honorer son contrat. Cette première confrontation dévoile une femme méthodique, appliquée, et qui s’adapte au moindre écartement du scénario prévu. En somme, une professionnelle aguerrie.

La cuisine sombre et mortuaire laisse soudainement place à une pièce similaire mais aux tons plus colorés, gais, et où une ambiance  familiale règne. Le couteau de cuisine qui servait d’arme de crime sur la page précédente, redevient un ustensile prêt à couper la viande. Une excellente transition pour découvrir l’autre univers de Josie. Celui d’une épouse attendant son mari pour servir le dîner. Celui d’une mère sommant ses deux petites filles de ranger leurs affaires. Un cadre idéal tout juste terni par la présence de belle-maman, suspicieuse face à certains comportements jugés incohérents avec le statut marital.

QUI EST VRAIMENT JOSIE SCHULLER ?

La question se pose. Des deux modes de vie présentés, lequel définit au mieux la personnalité de Josie Schuller ? Bien que légitime et rassurant, il serait peut-être hâtif de déduire que Josie est exclusivement cette mère au foyer attachante dont les missions d’assassinats seraient le côté (très) obscur. Pourquoi ne serait-elle, tout simplement, pas une tueuse assumée dont l’entourage affiché serait une parfaite couverture ? Cette question se justifie lorsque l’éditeur compare ce personnage au héros éponyme de la série télévisée DexterCe dernier n’ayant, à priori, qu’un seul point commun, le goût de tuer (en soulignant la différence notable que c’est un  tueur en série).

Dans tous les cas, on ne naît pas tueur, on le devient. Josie mène à bien cette tâche sous les ordres de son patron, Stenholm, depuis quinze ans (mais un indice, une photo, dévoile un terrain favorable au meurtre dès son plus jeune âge). Une longue  expérience qui fait d’elle une spécialiste au mode opératoire très masculin. Dans le sens où ses exécutions sont très violentes et ne laissent place à aucun tact dans le geste. Si ce n’est sur la précision chirurgicale avec laquelle elle utilise son arme blanche. Elle n’a aucun scrupule sur les éventuelles scènes horrifiantes que peuvent laisser son passage sauf peut-être si l’une d’entre elles venait à tâcher sa tenue vestimentaire…

Son commanditaire ne voit pas d’un très bon œil sa double vie. Persuadé qu’une faille se dessine, il lui soumet un travail délicat en guise de test. L’occasion pour notre héroïne de se dévoiler un peu plus et de connaître ses limites si tant est qu’elle puisse en avoir.

DU PUR POLAR AMÉRICAIN

Ces cinq premiers chapitres rassemblés par le label comics des Éditions Glénat  pour concocter À Couteaux Tirés, sont d’une épatante intensité. Sur plusieurs aspects, ce volume de Lady Killer donne les prémices d’une série attrayante. D’abord par cette histoire imaginée par Jamie S. Rich et Joëlle Jones. La première de couverture est suffisamment éloquente pour comprendre que les auteurs nous emmènent dans une intrigue sans morale. Le récit de cette tueuse à gages trouve son originalité dans la maîtrise de ses actes quels qu’ils soient. Une héroïne qui interpelle tant planent encore moult interrogations autour d’elle. Sans utiliser de cartouche, les scénaristes misent également sur des dialogues vifs qui n’offrent aucun temps mort.

UN LADY KILLER  QUI VAUT LE COUP D’ŒIL

Et puis, il y a cette partie graphique qui mérite toute son attention. Pour illustrer cette Amérique des sixties, le trait de Joëlle Jones favorise brillamment l’immersion dans cette époque.  Associée à la couleur très flashy rendue par Laura Allred, la dessinatrice crée deux univers bien distincts selon la configuration dans laquelle se trouve le personnage principal. Ainsi l’environnement où  Josie se définit comme une mère modèle, est lumineux, éclatant et bon enfant. Celui s’efface lorsqu’elle se transforme en tueuse à l’arme blanche, et laisse place à des planches sombres et agressives. En substituant, telle une marque de fabrique, le rouge avec le noir pour évoquer le sang, J. Jones accroche notre œil et rend les éclaboussures dues aux gestes tranchants, beaucoup moins anodines qu’avec la couleur originelle. De surcroît, elle utilise abondamment dans ses cases ces effets de « brush » qui accentuent la noirceur de l’intrigue.

Au final, on pardonnera certaines incohérences ou raccourcis qui pourraient frustrer le lecteur. Le prochain Lady Killer devra apporter son lot de réponses pour dédouaner les auteurs d’éventuelles facilités prises dans ce premier opus. Il faudra pour cela, en savoir un peu plus sur le passé de Josie et que les liens se fassent naturellement avec les quelques informations distillées ici et là. Cette première partie ne se terminant pas sur un classique cliffhanger, la suite devrait se concentrer sur quelques flashback précieux. C’est, en tout cas, ce que l’on imagine.

Article posté le lundi 20 mars 2017 par Mikey Martin

Avec ce 1er tome de Lady Killer, Jones et Rich signent une série prometteuse (Glénat Comics). Décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • Lady Killer #1 : À Couteaux Tirés
  • Auteurs : Joëlle Jones & Jamie S. Rich
  • Dessinatrice : Joëlle Jones
  • Couleur : Laura Allred
  • Éditeur : Glénat (label Comics)
  • Prix : 15,95 €
  • Parution : juin 2016

Résumé de l’éditeur : Deux filles blondes comme les blés, un job de vendeuse de cosmétiques à domicile, un mari occupé qui rentre tard du travail… en apparence, Josie Schuller a tout de la mère de famille idéale. Mais elle a un secret : c’est aussi la plus impitoyable des tueuses à gage ! Josie partage son quotidien entre l’entretien de son petit foyer irréprochable et l’exécution d assassinats de sang-froid pour de dangereux commanditaires. Mais son idée du parfait rêve américain risque bien de se briser lorsque c est elle qui se retrouve dans la ligne de mire…
Avec Lady Killer, Joëlle Jones et Jamie S. Rich mettent en scène une héroïne surprenante et savoureuse, sorte de Dexter au féminin évoluant dans une ambiance 1950 s proche de Mad Men. Un récit à la fois violent, drôle et provocateur, illustré très à propos par des couleurs pimpantes et un graphisme délicieusement vintage.

À propos de l'auteur de cet article

Mikey Martin

Mikey, dont les géniteurs ont tout de suite compris qu'il était sensé (!) a toujours été bercé par la bande dessinée. Passionné par le talent de ces scénaristes, dessinateur.ice.s ou coloristes, il n'a qu'une envie, vous parler de leurs créations. Et quand il a la chance de les rencontrer, il vous dit tout !

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