Le Detection Club

Après le formidable Opération Copperhead, Jean Harambat imagine Le Detection Club, une fable policière entre faits réels et anecdotes, entre réunion de grands écrivains anglais et humour. Une très jolie enquête loufoque !

Le Detection Club : le cercle des grands écrivains de la littérature policière

Ye Olde Cheshire Cheese à Londres dans les années 1930. C’est un grand jour pour le Detection Club : John Dickson Carr, le maître américain du roman policier et auteur des enquêtes du Dr Gideon Fell, vient d’être intronisé dans ce cercle très fermé des romanciers de polar.

C’est G. K. Chesterton, le président du Club qui annonce la nouvelle, entouré d’Agatha Christie, Dorothy L. Sayers (créatrice de Lord Peter), le major A. E. W. Mason (créateur des Quatre plumes blanches), la baronne Emma Orcsy (créatrice du Vieil homme dans le coin) ou encore du père Ronald Knox (Etudes sur la littérature de Sherlock Holmes).

Enquête en Cornouailles

Après avoir énoncé les 10 règles d’or du roman policier, le repas d’intronisation peut débuter. Il est interrompu par l’arrivée d’un oiseau mécanique porteur d’un message.

Dans cette missive, Roderick Ghyll propose aux membres du Detection Club de venir passer un séjour dans sa villa Briarcliff en Cornouailles.

Malgré le mystère entourant cette lettre, les 7 écrivain.e.s se rendent sur l’île quelques jours plus tard. A peine débarqués, ils font la connaissance du propriétaire des lieux : un homme riche, excentrique et très jovial, se déplaçant en immense roue à moteur.

Le soir venu, les convives assistent à une première mondiale : la présentation d’Eric, un robot articulé et doué de parole, inventé par le docteur Zumtod. C’était sans compter sur le meurtre de Ghyll, la nuit suivante…

Un mystère « so british »

Le Detection Club est un délice d’humour et de mystère anglais ! Jean Harambat déploie avec malice tout son talent de conteur pour imaginer une fable policière loufoque, prenante et haletante.

S’inscrivant dans une trilogie anglaise – après Opération Copperhead et avant La pièce manquante – ce récit est intelligent, empli de suspense et très drôle.

L’auteur d’Ulysse, les chants du retour (Actes Sud, 2014) convoque sept grands auteur.e.s de littérature noire : Christie, Chesterton, Carr, Sayers, Mason, Orczy et Knox pour une folle épopée dans les Cornouailles. Pour cela, Jean Harambat s’est basé sur le Detection Club, une cercle ayant vraiment existé et avec les mêmes écrivain.e.s. Créé en 1930, il est toujours en activité. Cette association a pour but de promouvoir la littérature polar. Ses membres y parlent des aspects techniques de l’écriture de livres policiers. Pour cela, ils doivent se tenir au Décalogue de Knox, établissant les 10 règles d’or des intrigues de nouvelles ou romans noirs :

  1. Le criminel doit être quelqu’un mentionné plus tôt dans l’histoire, mais pas quelqu’un dont le lecteur a pu suivre les pensées.
  2. Le détective ne doit pas utiliser de techniques surnaturelles pour résoudre une affaire.
  3. L’usage de plus d’un passage secret ne saurait être toléré. Même dans le cas d’un seul passage secret, il faudrait que l’action se passe dans une maison où la présence de ce type de dispositif était prévisible.
  4. Des poisons inconnus ne peuvent être utilisés, ni aucune machine, de telle sorte que le lecteur ne soit pas embarrassé par une longue explication scientifique en conclusion.
  5. Aucun Chinois ne doit figurer dans l’histoire.
  6. Aucun accident ne doit aider le détective. De même, on ne doit avoir recours à aucune intuition divine inexplicable. Toutes ses intuitions doivent avoir une origine et se confirmer par la suite.
  7. Le détective ne doit pas commettre lui-même le crime.
  8. Le détective ne doit pas utiliser des indices qui n’ont pas été présentés au lecteur pour résoudre l’affaire.
  9. Les observateurs ont le droit de tirer et présenter leurs propres conclusions.
  10. Il ne doit pas être fait usage de jumeaux et d’habiles déguisements.

Une galerie folle de personnages

En choisissant ces 7 membres, Jean Harambat peut jouer avec leur personnalité, entre folie douce et complémentarité. Il y ajoute un milliardaire assassiné, un oiseau articulé, un inventeur qui fait peur et un robot détecteur de vérité, ayant lui aussi existé. En 1928, William Richards le créa. Cet automate a pu se lever, s’incliner et tenir un discours de quatre minutes. L’auteur landais n’avait plus qu’à s’emparer de cette invention fantastique pour créer du suspense.

Avec tout cela, l’auteur des Invisibles (Futuropolis) a ensuite tissé une histoire abracadabrantesque, entre meurtre, mystère à élucider et humour « so british ».

Son scénario est habile, virtuose et bien dans l’esprit anglais d’Opération Copperhead. En plus, il glisse dans son histoire des références plus ou moins visibles qui font le bonheur des amateurs de ce genre littéraire.

De l’élégance du trait

Comme dans ses précédents ouvrages, Jean Harambat manie le pinceau avec talent. Son dessin est simple mais d’une redoutable efficacité.

Son trait est d’une grande élégance et très sobre, agrémenté par les magnifiques couleurs de Jean-Jacques Rouger.

Le Detection Club : un superbe hommage aux maîtres de la littérature policière, une enquête menée tambour-battant aux accents british très drôles.

Article posté le vendredi 01 novembre 2019 par Damien Canteau

Le Detection Club de Jean Harambat (Dargaud)
  • Le Detection Club
  • Auteur : Jean Harambat
  • Coloriste : Jean-Jacques Rouger
  • Editeur : Dargaud
  • Prix : 19.99€
  • Parution : 04 octobre 2019
  • IBAN : 9782205079432

Résumé de l’éditeur : Une île en Cornouailles, années 1930. Le milliardaire Roderick Ghyll invite les membres du Detection Club, qui réunit les grands auteurs britanniques de l’âge d’or du roman à énigme dont les célèbres Agatha Christie et G.K. Chesterton, à se rendre dans sa vaste demeure, la villa Briarcliff. Ils sont conviés à assister à la démonstration d’un automate, qui, une fois intégrées les données d’un problème policier, résout le crime en livrant le nom du coupable. Mais Ghyll est assassiné…

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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