Le vieil homme, la petite fille et le Blitz, tel pourrait être le titre du nouvel album d’Olivier Grenson sorti le 5 avril chez Le Lombard. Si comme moi, vous aviez été captivés par son magnifique dessin dans La Fée assassine, un album scénarisé par Sylvie Roge, alors vos yeux devraient être à nouveau émerveillés à l’idée de retrouver la douceur du trait de cet auteur. Et cela, malgré la période sombre et troublée à laquelle se déroule le récit de Partage des mondes.
La Bataille d’Angleterre
Nous sommes en septembre 1940, les Stukas de la Luftwaffe, l’aviation allemande, ont pris pour cible Londres. La Bataille d’Angleterre fait rage. Ces bombardements assaillent la Grande Bretagne dans l’espoir de la mettre à genoux. Les pertes sont importantes et certains quartiers de la capitale ressemblent à des champs de ruines. De nombreux Londoniens ont perdu la vie malgré les sirènes qui les alertent quand ils doivent se mettre à l’abri.
Dès que les sirènes retentissent, les Londoniens courent se mettre à l’abri dans les couloirs du métro pour échapper au feu de la Blitzkrieg. Là, sous terre, ils attendent que les bombardiers s’éloignent afin de pouvoir reprendre leur vie. Mais pendant leurs séjours souterrains, les familles s’organisent. Étant parfois obligées de passer la nuit dans les abris.
Une enfant perdue
Alors qu’elle a échappé à la garde de son accompagnatrice qui devait la remettre à sa maman après son séjour dans une pension écossaise, la petite Mary se retrouve à errer seule dans les rues. En effet, attirée par un chat, la petite est discrètement sortie de la gare. Mais l’enfant n’arrive pas retourner sur ses pas, dans ce quartier qui lui est inconnu. C’est alors qu’une sirène se fait entendre. Apeurée et effrayée par ce son strident, la petite fille ne sait que faire. Il faut dire qu’elle ne doit pas avoir plus de 5 ans.
Un vieux monsieur s’approche de la fillette en pleurs. Les agents de l’A.R.P. (Air Raid Protection) sur place l’enjoignent de prendre en charge au plus vite cette enfant pour éviter qu’elle ne soit blessée. C’est ainsi qu’Isaac, le prénom de cet homme à la barbe blanche, l’entraîne alors vers le refuge le plus proche. Il va l’installer à ses côtés dans la station de métro et veiller sur elle. La petite va pouvoir s’endormir dans ses bras. Et pour la rassurer à son réveil, il commence à lui raconter l’histoire de Jonas, Le prince qui vivait au pays au-dessus des nuages. Une histoire de garçon qui parle aux arbres. Mais la fillette doit garder le secret sur ce conte.
Une compagnie bien encombrante pour un vieux monsieur
L’alerte terminée, la population remonte à la surface. L’ancien jardinier en fait de même avec Mary. Mais que faire d’une si petite fille abandonnée quand on est un vieux monsieur, veuf de surcroît ? En effet, Isaac a perdu récemment sa femme. Celle qui partageait son quotidien depuis si longtemps et dont il était si proche. Lui, seul, n’a pas l’habitude de s’occuper d’un enfant.
La seule solution lui semble d’aller demander de l’aide auprès de Scotland Yard. Mais les services de police sont débordés par le nombre important de personnes disparues. Les fonctionnaires proposent alors à Isaac d’attendre un peu et de prendre en charge la petite jusqu’au lendemain. Mais cette situation, qui se devait provisoire, risque de durer un peu plus longtemps, étant donnée la situation de guerre que vit la capitale britannique.
Un conte merveilleux
C’est ainsi, au gré des alertes quotidiennes, que la petite fille et le vieil homme vont apprendre à se connaître. Ce dernier va profiter de leurs séjours souterrains pour lui inventer un monde fantastique où la lumière et les couleurs vont aider la fillette à pallier, momentanément, la dureté de la guerre et surtout l’absence de sa maman.
Alors que la vie londonienne est grise, quand Isaac décrit l’univers de Jonas, les couleurs viennent automatiquement meubler l’esprit et les yeux de Mary. Un voyage commence alors pour elle, vers le pays d’un ginkgo biloba millénaire. Ces récits sont sources d’échanges entre Isaac et Mary et leur permettent de perdre toute notion des bombardements qui se déroulent au-dessus d’eux.
Une alternance de conte et de réalité
C’est ainsi, tout au long de cet album Le Partage des mondes, qu’Olivier Grenson nous fait fuir la réalité des hommes pour intégrer l’histoire d’un prince. Que Mary va d’ailleurs vouloir changer en princesse Rebecca, parce qu’il faut bien des héros chez les filles. Un récit qui va se construire au fur et à mesure du temps passé sous terre et en fonction des remarques de la fillette.
Pendant plusieurs journées, Isaac va ainsi inventer un imaginaire coloré qui aura beaucoup plus de répercussions sur l’avenir de Mary, qu’il ne peut l’imaginer. Un récit qui ne peut que nous confirmer l’importance que peuvent avoir les histoires racontées aux enfants pour la construction de leur imaginaire. Et quelle que soit la situation dans laquelle ces enfants se trouvent..
Le Partage des mondes, un magnifique univers à partager
Le Partage des mondes nous entraîne dans une histoire où, malgré la folie des hommes, la bonté d’un homme va apporter à un petit être émerveillé des moments de joie, de découvertes, de chaleur et de rêves.
Ce récit incroyablement humain nous permet de retrouver, avec grand plaisir, mais surtout d’admirer le splendide travail graphique d’Olivier Grenson, qu’il soit dans des tons grisés ou bien dans une profusion de couleurs éclatantes et chatoyantes.
De quoi nous réconcilier avec ce qu’il y a de meilleur dans l’homme, ici grâce à un adorable vieux monsieur.
- Le Partage des mondes
- Auteur : Olivier Grenson
- Éditeur : Le Lombard
- Date de publication : 05 avril 2024
- Nombre de pages : 240
- Prix : 25,90€
- ISBN : 9782808211925
Résumé : Septembre 1940. Les bombes de la Luftwaffe ont laissé deux trous béants dans la vie d’Isaac : celui qui lui tient désormais lieu de fenêtre sur un Londres dévasté. Et celui qui, chaque jour, attire un peu plus son coeur vers l’abîme car sa femme Eva, elle, y est restée. Mais les retrouvailles devront attendre : au beau milieu du tumulte des sirènes, Isaac rencontre Mary, une petite fille évacuée qui ne retrouve plus sa famille. Pour elle, il devra réapprendre à rêver, à raconter un monde en couleurs.
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
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