Le rapport W

Witold Pilecki se laisse volontairement interner à Auschwitz afin d’y constituer un réseau de résistance. Sous une fausse identité, il tente de fédérer des hommes afin qu’ils se révoltent. Gaétan Nocq dévoile son récit dans Le rapport W, un témoignage historique fort fondé sur une histoire vraie.

Auschwitz, destination sans retour

Des hommes sont entassés dans un train de marchandises. Sans eau ni nourriture, ils ne savent pas où ils vont. Raflés par les nazis parce que juifs, ils ne s’attendent pas à leur funeste sort.

La porte s’ouvre, dix hommes sont abattus au hasard pour l’exemple et faire passer l’envie aux autres de fuir. Auschwitz se dresse devant eux avec son portail surmonté de la célèbre phrase : « Arbeit macht frei », si forte et si prémonitoire.

Tomasz Serafinski : identité secrète pour mission périlleuse

Parmi les déportés, il y a Witold Pilecki – membre de l’armée secrète polonaise – arrivé sous une fausse identité : Tomasz Serafinski. Il a une mission de la plus grande importance : il doit fédérer des hommes afin de susciter la rébellion dans le camp.

Sans trop en dire sur lui, il met en œuvre son plan : constituer des petits groupes de 5-6 personnes indépendants et n’ayant pas de contact entre eux, ne sachant pas l’existence des autres. Ainsi si l’un d’eux est démasqué, les autres seront préservés.

Il contacte même des kapos afin de placer des hommes dans leur secteur de travail ou pour récupérer de la nourriture. Petit à petit, le réseau grandit…

Le rapport W : témoignage fort

Gaétan Nocq nous passionne et nous surprend avec Le rapport W. Méconnue, cette histoire vraie à cette puissance magnétique sur les lecteurs. Elle attire !

Nous connaissions les récits de l’orchestre du camp, de la troupe de théâtre (La dernière représentation de mademoiselle Esther), des dessins et des journaux (K.Z. Dessins de prisonniers de camps de concentration nazis) mais pas l’histoire de Witold Pilecki.

Gaétan Nocq a découvert son étonnante mission par l’entremise d’Isabelle Davion, une amie historienne. Grâce à ses notes, l’auteur de Soleil brûlant en Algérie tient un scénario intriguant et accrocheur : « J’avais entre les mains une aventure humaine dans un lieu inhumain ».

Mission résistance

Si nous connaissons le dénouement final à l’avance (la mission échoue), nous sommes avant tout impressionnés par le cheminement intellectuel et les questions multiples qui traversent l’esprit de Pilecki.

Très documenté, Le rapport W n’est pas un énième récit sans saveur sur la Seconde guerre mondiale mais une histoire construite comme une polar d’espionnage. Comment constituer une réseau de résistance au cœur d’un camp ? Comme ne pas se faire attraper ? Comment l’homme déshumanisé par les nazis peut-il encore être homme ?

Gaétan Nocq décrit aussi l’univers concentrationnaire avec son système pyramidal, inhumain et meurtrier. Point central de l’épuration et de la Solution finale, il faut admirablement dépeint par Primo Levi dans Si c’est un homme mais aussi par d’autres survivant.e.s. Ainsi Le rapport W est d’une grande valeur historique par la description des lieux, des faits et des hommes qui composent Auschwitz.

Attiré par les récits biographiques historiques, Gaétan Nocq a mis 18 mois pour réaliser cet album de 250 pages. A l’aide de pinceau-brosses et d’acryliques, il construit de sublimes planches, poétiques et contemplatives qui tranchent avec le propos du récit.

Article posté le jeudi 06 juin 2019 par Damien Canteau

Le rapport W de Gaétan Nocq (Daniel Maghen)
  • Le rapport W
  • Auteur : Gaétan Nocq
  • Editeur : Daniel Maghen
  • Parution : 23 mai 2019
  • Prix : 29€
  • ISBN : 9782356740700

Résumé de l’éditeur : Sur 250 pages, le récit véridique de Witold Pilecki, capitaine de cavalerie, membre de l’armée secrète polonaise, qui se laisse volontairement interner au camp d’Auschwitz en septembre 1940 sous la fausse identité de Tomasz Serafinski. Sa mission : organiser dans le camp un réseau de résistance – il réussira à regrouper plus de 300 membres – pour créer un soulèvement. Mais l’aide extérieure nécessaire à la réussite de sa mission ne viendra pas. Menacé d’être démasqué par les SS, il s’évade du camp en avril 1943. Pendant ces 948 jours d’enfer, Witold rédigera plusieurs rapports pour l’armée secrète polonaise en attendant, en vain, l’ordre du soulèvement. Il fait partie des premières personnes à avoir informé les alliés des conditions de détention et des atrocités commises à Auschwitz. Nous tenons beaucoup à ce projet. Le sujet, terrible, est traité avec beaucoup d’intelligence, de subtilité, et de légèreté, comme pouvait l’être le Maus de Spiegelman. C’est à la fois un document historique et un thriller passionnant à lire. Gaëtan Nocq s’appuie sur la posture de Witold Pilecki qui, en introduction de son rapport précisait de décrire seulement les faits bruts. C’est toute la valeur du témoignage qui est mise en scène dans ce roman graphique. Son point de vue se situe à hauteur d’homme. Comme un reportage. Il se focalise sur le parcours de Witold alias Tomasz infiltré dans le camp pour une mission de résistance. Un homme concentré sur sa mission secrète mais aussi sur sa propre survie. Suivre le personnage dans cette mission d’espionnage qui apparait bien impossible dans ce contexte de terreur. Mais l’espoir est là, même infime et Witold fait tout pour trouver la faille. C’est un huis-clos avec ses porosités, ses ouvertures. C’est un voyage dans monde à part, déshumanisé par ses maîtres mais pas par ses esclaves.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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