Elizabeth Holleville avait marqué les esprits en 2022 avec Immonde ! second album paru chez Glénat. Cette année, elle revient en tant que scénariste et chez le petit éditeur L’Employé du moi, pour Les Contes de la mansarde. Trois nouvelles dessinées par Iris Pouy qui usent de fantastique pour nous parler d’humanité.
Les contes de la mansarde : quand nos angoisses banales deviennent fantastiques
Un petit appartement en haut d’un immeuble parisien, sous les toits. Trois moments de vie, trois histoires et trois occupants. Leur quotidien n’est pas rose, mais il devient complètement fou lorsqu’un petit événement étrange advient. Parce qu’il faut se méfier de qui nous sommes et de ce que nous désirons.
Ne gâchons pas le travail de la scénariste
Voici une présentation volontairement mystérieuse, c’est certain. Mais il convient de ne pas trop déflorer les histoires d’Elisabeth Holleville. Vous perdriez l’effet de surprise de ces trois récits réellement surprenants.
Que peut-on en dire sans divulgâcher ? Sans doute que chacun d’entre eux offre un regard sur la société d’aujourd’hui. On a un jeune homme affolé par l’heure de sa mort, une jeune femme soumise au regard des autres et une seconde obnubilée par l’idée du temps qui passe. Ce sont donc trois psychés qui sont passées sur le grill par la scénariste.
Mais plutôt que de nous offrir une « tranche de vie », Holleville fait un autre choix. Elle adopte la structure du conte pour prendre de la hauteur. Le fantastique permet de placer des symboles, des images, sur des faits de société ou des états psychiques typiques de notre époque. Ce faisant, elle peut donc venir les interroger différemment en grossissant le trait de nos angoisses. En s’offrant des conclusions d’une très belle noirceur, car elle n’est pas empêchée par le respect du réel.
Les contes de la mansarde : prise de hauteur sur le quotidien
Si Elizabeth Holleville avait produit deux albums en solo, c’est en duo qu’elle revient ici. Iris Pouy est une « compagnonne de route ». Elles ont œuvré ensemble précédemment dans la sphère fanzine. La dessinatrice livre ici son second album de bande dessinée après Marx le retour, aux éditions Revival.
Ce que l’on peut noter d’abord, c’est la parfaite maîtrise graphique de l’artiste. Oui, son style adopte une forme de simplicité. Mais pas par défaut technique. Son dessin apporte le juste équilibre entre le réalisme nécessaire pour illustrer les situations de base de ces récits et un dessin plus conceptuel offrant une prise de distance avec le réel. Sa maîtrise de la narration nous fait évoluer en permanence entre empathie pour les personnages et prise de distance par rapport à leurs troubles. Avec des trames monochromes pour apporter de la diversité et du relief aux planches, nous avons donc une proposition graphique particulièrement riche et complexe.
Achetez-le, parlez-en, cet album le mérite !
Les Contes de la mansarde, trois histoires qui vous marqueront. L’une d’elle deviendra sans doute votre préférée, jamais la même selon les lectrices et lecteurs. Parce que chacune parle d’une de nos angoisses. Un album qui se montrera discret étant donné l’audience de son éditeur, mais qui pourtant fait déjà partie des grandes lectures de cette année 2024.
- Les Contes de la mansarde
- Scénariste : Elizabeth Holleville
- Dessinatrice : Iris Pouy
- Éditeur : L’employé du moi
- Date de publication : 4 juin 2024
- Nombre de pages : 200
- Prix : 22€
- ISBN : 9782390041214
Résumé éditeur : Bastien a besoin de savoir le jour exact de sa mort. Il fait appel aux services d’un étrange laboratoire qui affirme qu’il devrait décéder le surlendemain d’une asphyxie alimentaire. Depuis que sa copine a hérité de la collection d’arts premiers de sa grand-mère, rien n’est plus comme avant pour Miriam. Elle est prise d’irrépressibles démangeaisons et ce n’est là que le début de son calvaire Barbara est autrice de bande dessinée. Un soir, elle pénètre dans le petit placard dissimulé derrière son bureau pour y découvrir une pièce dérobée sous les combles. Cette exploration va bouleverser son quotidien. Chacun des trois chapitres des Contes de la Mansarde se déroule dans le même appartement, au septième et dernier étage d’un immeuble parisien, au cours de trois étés caniculaires. Dans ces histoires qui donnent la chair de poule, l’amour, souvent contrarié, tient toujours un rôle important. Et, si l’effroi apparaît par des manifestations du surnaturel, il se dissimule aussi dans les recoins de nos névroses modernes : dépression, solitude, obsession ou anxiété. Avec leurs récits macabres, Elizabeth Holleville et Iris Pouy évoquent les lectures de leur enfance, les contes de Perrault et de Marcel Aymé, les films de genres, autant que les bandes dessinées américaines de l’ère pré-comics code.