Le concours de boudins du collèges, trois adolescentes – Mireille, Astrid et Hakima – le retournent à leur avantage en imaginant un road-trip jusqu’à l’Élysée. Magali le Huche adapte Les petites reines, le roman de Clémentine Beauvais, d’une très jolie manière. C’est la revanche des Boudins et ça risque de faire mal !
Mireille, Astrid et Hakima : un trio gagnant ?
Comme tous les ans, cet imbécile de Malo – le gars le plus populaire du collège – imagine le concours de Boudins. Dans ce classement, les élèves doivent choisir les filles les plus laides de l’établissement.
L’année dernière, Mireille était la grande gagnante du concours. A son corps défendant, elle était le Boudin d’or. Mais pour cette nouvelle édition, l’adolescente est détrônée. Astrid est la nouvelle numéro 1, suivie d’Hakima. Mireille n’est “que” troisième.
Indochine, le président de la République et la garden party à l’Élysée
Mireille voit alors débarquer Astrid, éplorée après avoir découvert qu’elle est le Boudin d’or. Pourtant, l’ex-numéro 1 n’est pas du genre à se laisser faire. Malgré les humiliations, elle est forte et possède une répartie cinglante. Tout le contraire de sa nouvelle “soeur” de malheur.
Toutes les deux décident alors de se rendre chez Hakima pour la réconforter. Là, elles découvrent une famille touchée par la situation de Kader, le frère aîné de la jeune fille. Ex-soldat, il a vu mourir son régiment et revenir chez lui amputé des jambes. Il attend une juste reconnaissance. Une médaille. Mais, elle ne vient pas. La faute à A. Sassin, un général ayant rejeté toute faute de commandement.
Alors Mireille a l’idée de prendre la route et se pointer à la garden party du 14 juillet à l’Élysée.
Un article humiliant
Comme elles sont mineures, Mireille, Hakima et Astrid n’ont pas le permis. Une seule solution : aller à Paris à vélo.
En attendant de partir, ce crétin de Malo continue de les humilier en public. Il leur lance même un exemplaire du Progrès. Dans le quotidien du jour, un article d’Hélène Veyrat sur le concours de Boudins. La journaliste n’a même pas pris la peine de parler aux trois filles harcelées. Une énième humiliation.
Mireille décide alors de contacter Hélène pour qu’elle puisse parler de leur épopée jusqu’à l’Élysée.
Les petites reines prennent la route
Chez Astrid, Hakima et Mireille découvrent une roulotte que la mère de l’adolescente a décidé de leur donner pour leur voyage. Un coup de peinture, une pancarte Les 3 boudins et leurs trois vélos accrochés devant pour tirer la roulotte. Tout est prêt pour la grande aventure.
Mieux ! Karim décide d’accompagner les trois filles en fauteuil roulant. Mieux encore ! Raymond, le charcutier, leur a préparé de la compote de pomme, des oignons caramélisés et des boudins. De quoi pouvoir les vendre et financer leur périple à travers la France…
Les Petites reines : un très joli roman
Quelle excellente idée que d’adapter Les petites reines en bande dessinée ! Magali Le Huche sublime le roman de Clémentine Beauvais par un très joli dessin et une narration enlevée.
C’est en 2015 que le livre paraît aux éditions Sarbacane (la même structure qui accueille la bande dessinée). C’est tout de suite un succès. Le public salue la force des thématiques et l’humour. Quant à la critique, elle est enthousiaste, au point de lui décerner de nombreux prix littéraires (meilleur livre jeunesse du magazine Lire, le prix Sorcières ou encore le prix Millepages).
Ce phénomène éditorial est également décliné en pièce de théâtre à partir de 2017. Pendant trois ans, elle sillonne la France. C’est aussi un succès.
De Bourg-en-Bresse à Paris, les Petites reines sont de sortie
Les petites reines tombe alors dans les mains de Magali Le Huche. L’autrice de Nowhere Girl en fait une histoire extrêmement agréable à lire. Un album idéal pour les adolescent.es. Tout simplement parce qu’il leur parle. Il est d’une grande justesse de ton et de thèmes abordés.
L’intrigue se fonde ainsi sur le rejet de trois jeunes adolescentes qui n’ont rien demandé. Elles subissent les humiliations et le harcèlement des plus populaires de leur collège. On y découvre toute l’horreur des réseaux sociaux. Ceux qui amplifient le phénomène de meute. Le groupe (celui auquel on appartient, celui aussi qui rejette), mais aussi la force de l’amitié. A trois, Mireille, Hakima et Astrid sont invincibles.
On y aborde forcément les différences mais également le handicap par l’entremise de Karim. Si elles viennent de familles très différentes, les trois adolescentes sont toujours sur le fil de la vengeance, sans jamais y céder. Ne pas faire subir aux autres, ce qu’elles subissent au quotidien, c’est aussi une force. Surtout qu’elles sont mal dans leur corps et leur peau.
Se surpasser pour atteindre son but
Elles se surpassent – physiquement et intellectuellement – pour leurs grands desseins. En effet, elles veulent “gate-crasher” la garde party. S’y introduire sans y être invitées. Pourtant, chacune d’elle a un autre but : parler à un père biologique, rencontrer Indochine… Sans oublier la reconnaissance de Karim par ses pairs.
« Les petites reines, c’est un voyage initiatique de quatre personnages qui ont toutes les raisons de se plaindre, mais qui décident, à la place, d’en rire, et de partir pédaler sur 500 km. Et comme tout road trip, ça raconte, au-delà de leurs problèmes personnels, une société, une histoire, une culture. » [Clémentine Beauvais]
Parce que oui, Les petites reines, c’est une bande dessinée très drôle. Drôle par son périple, les réparties cinglantes de Mireille, mais aussi les disputes ou la vente des boudins. Des boudins qui vendent du boudin. Quand l’ironie se fait intelligente !
Sans oublier que Mireille utilise la force de la médiatisation pour leur périple. Les réseaux sociaux et les journaux se feront l’écho d’un drôle de road-trip. Faisant déplacer les foules à chacune de leur étape.
Un dessin moderne et dynamique
Comme elle nous l’avait expliqué lors de notre interview lors de la sortie de Nowhere Girl, Magali Le Huche “réfléchit à la technique en fonction des projets”. Son dessin réalisé à l’IPad est d’une belle modernité. Son trait aérien est d’une grande souplesse ce qui lui permet d’apporter du mouvement et du dynamisme.
Les petites reines, c’est un récit hyper lumineux et solaire. Une histoire faite de hauts et de bas, comme des montagnes russes d’émotions. Une très belle surprise !
- Les petites reines
- Autrice : Magali Le Huche, d’après le roman de Clémentine Beauvais
- Éditeur : Sarbacane
- Prix : 25 €
- Parution : 04 octobre 2023
- Pagination : 160 pages
- ISBN : 9782377318155
Résumé de l’éditeur : À cause de leur physique ingrat, Mireille, Astrid et Hakima ont gagné le « concours de boudins » de leur collège de Bourg-en-Bresse. Les trois découvrent alors que leurs destins s’entrecroisent en une date et un lieu précis : Paris, l’Élysée, le 14 juillet. L’été des « trois Boudins » est donc tout tracé : destination la fameuse garden-party de l’Élysée ! ! ! Et tant qu’à monter à Paris, autant le faire à vélo – comme vendeuses ambulantes de boudin, tiens ! Ce qu’elles n’avaient pas prévu, c’est que leur périple attire l’attention des médias… jusqu’à ce qu’elles deviennent célèbres ! ! ! Entre galères, disputes, rigolades et remises en question, les trois filles dévalent les routes de France, dévorent ses fromages, s’invitent dans ses châteaux et ses bals au fil de leur odyssée. En vie, vraiment.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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