Comment faire connaissance avec un inconnu ? Peut-être en ayant accès à son intérieur. Il est bien souvent révélateur de ce que nous sommes. Cette recherche, Élise et ses proches vont la faire involontairement. C’est ainsi que cet homme prendra forme sous leurs yeux alors qu’il a en réalité disparu. Et peut-être leur révèlera-t-il à eux aussi, une part d’eux-même.
Voilà une étrange situation dans laquelle nous entraîne Simon Lamouret avec L’homme miroir publié chez Sarbacane. Après l’Inde, l’auteur de Bangalore et L’Alcazar a posé ses cartons et son carton à dessin un peu plus près de chez nous.
Un déménagement pour changer de vie
Élise, récemment divorcée de son mari, décide de s’installer à la campagne avec son fils. Sa décision est prise, ce sera cette maison-là dont elle n’aura vu que l’annonce, mais qui lui plaît tant d’après les photos. La description est parfaitement conforme à ce qu’elle recherche pour cette nouvelle vie à deux. C’est ainsi qu’elle va s’installer à La Roseraie, dans la dépendance de cette magnifique maison de maître datant du 19e siècle.
Mais quand elle arrive sur place, seule, pour découvrir leur nouvelle maison, quelle n’est pas la surprise quand elle s’aperçoit que la maison semble habitée. En effet, celle-ci est encore entièrement meublée par les effets du précédent propriétaire. Comme si celui-ci était juste parti faire ses courses, lui laissant en plus la poussière accumulée depuis quelques années. Environ trente ans.
Désencombrer pour emménager
Son emménagement, qu’Elise pensait imminent, va passer au préalable par une phase de désencombrement et de travaux afin de remettre sa maison à son goût. Pour cela, elle va pouvoir compter sur l’aide active de ses proches. En effet, dès le lendemain, Élise est rejointe par Rachel et Philippe, ses parents. Ils ont décidé de venir en camping-car et d’amener Antoine avec eux.
Tous les quatre vont pouvoir ainsi s’atteler à ce travail de titan, avant la rentrée des classes d’Antoine qui se profile. Et pour travailler dans de meilleures conditions, ils dormiront tous dans le camping-car qui a trouvé sa place dans le jardin en friche.
À la découverte d’un inconnu
C’est ainsi, en se plongeant dans les affaires de l’ancien propriétaire, mais également dans son intimité et dans son passé, pour débarrasser la maison que nos quatre protagonistes vont faire la connaissance de François-Léopold Desaix. Mais tous ont une approche différente de la maison et du rôle qu’ils doivent jouer à l’intérieur. Selon qui ils sont, ce qu’ils imaginent de cet homme sera différent.
Antoine, en raison d’un tableau où figure un militaire, imagine très bien cet homme en chasseur ou en aventurier. Rachel semble très intéressée parla relation que cet homme avait avec ses livres et ses dessins. Peut-être lui rappellent-elles des souvenirs enfouis ? Philippe, au lieu de remettre en état la salle de bain, va découvrir une 2CV endormie dans le garage. Une telle voiture ne peut laisser indifférent le passionné de mécanique qu’il est. Seule Élise semble vouloir avancer dans la tâche qu’elle s’est fixée, en ne faisant preuve d’aucun sentimentalisme sur la vie passée de celui qui semblait être un Don Juan.
L’originalité de L’Homme miroir
Pour bien marquer les personnalités différentes des quatre personnages, Simon Lamouret a choisi d’utiliser une police d’écriture différente pour retranscrire les dires de chacun. En grandes majuscules d’imprimerie comme pour marquer la force et la détermination de Philippe. Avec de petites majuscules d’imprimerie, la détermination d’Élise est également marquée mais avec un peu plus de souplesse. En minuscules d’imprimerie comme pour bien appuyer le côté plus libre et artiste de Rachel. Un mélange de différentes écritures pour le jeune Antoine pour bien souligner qu’il est encore en phase d’apprentissage.
Un passé très marqué par la couleur
En découvrant l’album L’Homme miroir, on est aussitôt marqué par ce jaune soleil qui prédomine sur la couverture. L’auteur a certainement voulu mettre de la lumière ou faire entrer le soleil dans cette maison qui avait besoin de reprendre vie. La découpe d’une silhouette nous permet d’entrer directement dans le livre, comme si on y était invité par la présence d’une porte ouverte. Ainsi l’intérieur de la maison s’offre à nous.
La maison étant restée inhabitée pendant plusieurs dizaines d’année, la décoration est datée et nous offre une très bel échantillonnage de tapisseries qui ne laissent aucune place au blanc dans cet endroit. L’accumulation des objets, présents en très grande quantité dans toutes les pièces, complète ce sentiment d’étouffement qu’on ressent à la lecture de l’histoire.
Un album très original
Il ressort de cet lecture un très fort sentiment d’originalité, à la fois quant au fond de l’album, mais également quant à sa forme. En effet, dans ce récit, le lecteur pourrait devenir, à son tour, observateur pour retracer lui aussi la vie imaginée de cet inconnu. Cela en se plongeant également dans les souvenirs d’une vie entière conservés dans cette maison dont il aurait également hérité des clés.
Avec cette phase de changement dans cette maison, l’expression « Faire table rase du passé » prend tout son sens quand on veut, comme Élise, se reconstruire. Ce désencombrement à la fois matériel, mais également psychologique, s’avère nécessaire afin de s’approprier définitivement cette nouvelle maison et pouvoir enfin y installer une nouvelle vie.
Avec L’Homme miroir, Simon Lamouret nous apporte une très intéressante analyse de ce qu’est la vie, par l’intermédiaire de cette judicieuse métaphore de la maison. Que ce soit une maison ou bien une vie, il paraît nécessaire de la remettre en état si on veut pouvoir s’y installer confortablement et définitivement.
- L’Homme miroir
- Auteur : Simon Lamouret
- Editeur : Sarbacane
- Prix : 29,90 €
- Sortie : 07 février 2024
- Pagination : 240 pages
- ISBN : 9782377318162
Résumé de l’éditeur : « Vente domaniale pour cause de succession vacante. Dépendance de maison de maître, début XIXe. Mise à prix : 15 000 euros ». Il n’en faut pas plus à Élise, quarantenaire citadine, workoholic, mère tout nouvellement célibataire, que cette annonce lapidaire, pour sauter le pas. C’est décidé, elle quitte tout, la capitale et son emploi de cadre pour s’installer avec son fils, Antoine, à la campagne. Sur place, elle déchante : il faut débarrasser toutes les affaires de l’ancien propriétaire défunt qui se dresse comme un obstacle entre sa nouvelle vie et elle. Elle appelle en renfort ses parents, Philippe et Rachel, jeunes retraités. Chacun se met au travail et, à travers les objets dont ils vident les pièces, le portrait de l’ancien propriétaire se dessine. D’abord mal à l’aise avec cette intrusion dans l’intimité de l’inconnu, les membres de la famille se laissent peu à peu aller à la curiosité et au fantasme… Si on en croit sa correspondance amoureuse, c’était un coureur de jupons, selon Élise. Plutôt un peintre accompli pour Rachel, qui a manqué sa vocation artistique. Un voyageur libre, pour Philippe. Un aventurier, chasseur de fauve, pour le petit Antoine… Vite, chacun projette un peu de lui-même dans cet homme et dans ce qu’ils s’imaginent avoir été sa vie. Mais qui est-il vraiment, si ce n’est le miroir de leur âme ? Cette vie qui n’est pas la leur, leur permettra-t-elle de surmonter leurs douleurs, et aller au-devant de leurs désirs ?
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
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