Le musée d’Orsay sous les pinceaux de Christophe Chabouté, c’est une merveilleuse visite. Entre œuvres qui prennent vie et public béat d’admiration devant elles, l’auteur signe un album plein de poésie. Sublime !
Le musée dans tous ses états
Sans un mot. Oui, sans un mot pendant 45 pages. Voilà comment Christophe Chabouté accueille ses lecteurs dans Musée. Aucune lettre, aucun phylactère et aucun bruit ne doit déranger les visiteurs et les œuvres du musée d’Orsay.
Et cette entrée en matière subjugue, intrigue mais laisse toute la beauté des peintures et autres sculptures aux yeux de son lectorat. Son musée est alors dans tous les états.
Orsay et ses œuvres de vie
Le musée d’Orsay, c’est un lieu multiculturel ouvert en 1986 dans l’ancienne gare du même nom. Avec ses 96 553 objets dont 4 000 visibles, il est un endroit très prisé des visiteurs. Il présente l’art français et européens de 1848 à 1914 dans tous ses genres.
On y découvre notamment L’origine du monde de Gustave Courbet, Les raboteurs du parquet de Gustave Caillebotte, La montagne Sainte-Victoire de Paul Cézanne, L’absinthe d’Edgar Degas ou bien encore des sculptures de Camille Claudel ou Auguste Rodin.
C’est ce musée situé rue de Lille dans le 7e arrondissement parisien que Christophe Chabouté arpente pour le plus grand bonheur de ses lecteurs.
Qui regarde qui ?
Dans ce magnifique album de 192 pages, Chabouté utilise fréquemment le même artifice scénique. Celui d’une scène où un visiteur ou une visiteuse passe devant une œuvre, s’arrête intrigué et s’avance très près d’elle. Mais à aucun moment, il ne montre le contre-champ. On ne sait donc pas ce que regarde le personnage. On est ainsi surpris par la surprise de personnes déambulant.
D’ailleurs, les visiteurs sont anonymes. Ils sont nombreux mais lambdas. Ils ne sont là que pour scruter et admirer, ils ne sont en aucun cas les héros de l’intrigue. Les vraies héroïnes sont les œuvres connues et reconnues.
Dans les pas d’Olympia
Comme sa prédécesseuse Catherine Meurisse dans Moderne Olympia, Chabouté anime Olympia, la femme allongée accompagnée de sa servante, héroïne du tableau d’Edouard Manet.
Il reprend ainsi le mécanisme de rendre les sculptures ou les figures des tableaux vivantes. Elles se meuvent dans le musée, la nuit venue. L’Héraklès archer d’Eugène Rudier tente de comprendre à quoi peut bien servir les toilettes, tandis que Les raboteurs font une pause.
Intrigués par l’extérieur
Si les œuvres sont scrutées toute la journée, le soir venu, elles n’ont qu’une envie : regarder ce qui se passe à l’extérieur. Elles sont curieuses d’un homme qui marche ou des voitures qui se déplacent.
C’était sans compter sur les petits bustes, vraies commères du musée. Ils savent tout, observant les relations entre les créations.
Un musée en noir profond
Christophe Chabouté n’oublie pas l’humour pour nous faire découvrir Orsay. Tout est simple et drôle chez l’auteur de Construire un feu, Moby Dick et Un îlot de bonheur.
Alors qu’au musée d’Orsay, la grande majorité des œuvres sont en couleur, Chabouté utilise le noir et le blanc pour les représenter. Pourtant, étonnamment, on peut ressentir les couleurs des créations. Ce noir profond est fabuleux !
Laissez-vous embarquer dans une merveilleuse visite du musée d’Orsay, entre humour, noir profond, nuitées vivantes et visiteurs surprenants. La poésie opère et c’est magique !
- Musée
- Auteur : Christophe Chabouté
- Editeur : Vents d’Ouest
- Prix : 23 €
- Parution : 19 avril 2023
- ISBN : 9782749309774
Résumé de l’éditeur : Qui regarde qui ? …Entre les statues de marbre et les tableaux de maîtres, les visiteurs du musée d’Orsay posent tantôt des yeux admiratifs, tantôt un regard perplexe sur les chefs-d’oeuvre qui bordent les allées. Ils échangent dans un murmure discret et continuent leur déambulation. Mais lorsque les portes du musée d’Orsay ferment et que la nuit tombe, les sculptures et les peintures quittent la pose, descendent de leur socle, s’animent, se détendent, se mettent à se raconter, s’interrogent ou commentent ce qu’elles ont pu voir ou entendre au cours de la journée. L’Olympia de Manet, qui en a peut-être assez de passer sa vie allongée, déserte sa couche ; les Raboteurs de parquet de Caillebotte, fatigués, délaissent les lattes du parquet ; et Héraclès se dirige, comme à son habitude, tout droit vers sa pièce favorite : les toilettes. Certains se retrouvent pour dresser un portrait peu flatteur des visiteurs indélicats ; d’autres, désabusés, s’assoient pour observer l’absurdité du monde à travers les vitraux de la grande horloge. D’autres encore accueillent les nouveaux venus, car les collections s’agrandissent ! Au petit matin, toutes les oeuvres regagnent leur socle ou leur cadre et reprennent la pose avant l’ouverture des portes. Un quotidien au musée où l’on découvre que tour à tour, les rôles s’inversent. Que peuvent bien penser de nous les peintures et les sculptures à force de nous observer et de nous écouter dans les couloirs et les salles d’un musée tout au long de la journée ?… Ce que de jour les « regardeurs » disent des regardés, et surtout ce que de nuit les regardés racontent des « regardeurs ». Le lecteur devient témoin et spectateur d’un quotidien aussi bien nocturne que diurne dans le musée.Fin observateur, Christophe Chabouté signe un album plein de poésie qui nous invite à réfléchir sur notre rapport à l’art, nos certitudes et à la manière dont nous percevons le monde. Se jouant des visiteurs mais jamais du lecteur, il laisse place à la contemplation avec humour et sensibilité.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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