Mythopoïèse

Sympathique fable écologique, Mythopoïèse est le troisième volet de l’excellente série Petit traité d’écologie sauvage d’Alessandro Pignocchi. Des mésanges, un anthropologue, Macron, Merkel et Trump, voilà les protagonistes de cette irrésistible bande dessinée. Enthousiasmant !

Mythopoïèse : et si l’on pensait notre monde différemment ?

Inspiré de son blog Puntish, Petit traité d’écologie sauvage est LA série sur l’environnement, l’écologie et notre rapport au monde qui nous entoure !

La mythopoeïa est la création consciente d’un mythe ou d’une mythologie personnelle dans une œuvre littéraire ou de fiction. Parmi les auteurs qui ont excellé dans ce genre, il y a notamment Aristophane, Rabelais, Jonathan Swift, Marcel Proust, Boris Vian ou encore J.R.R. Tolkien. Côté cinéma, Star Wars fait œuvre de mythopoïèse.

En trois volumes, Alessandro Pignocchi nous interroge sur nos correspondances avec les autres et/ou avec la nature. Par un humour très simple, il permet de poser des questions sur des thématiques anciennes mais ayant encore de l’écho dans nos sociétés contemporaines : qui sommes nous ? Où allons nous ? Quelle trace laisser de notre passage sur Terre ? Quelles connexions avoir avec notre planète ?

Tout cela participe à la volonté de l’auteur de redéfinir les concepts de nature, de culture et notamment leurs interconnexions.

La politique au service de l’Homme et de la nature

Dans Mythopoïèse, Alessandro Pignocchi met en scène des femmes et des hommes politiques qui ne se regardent plus le nombril mais s’ouvrent aux autres. Ainsi, Emmanuel Macron est plus intéressé par ses ruches ne donnant pas de miel que ses combats d’arrière-garde. En plus d’une loi sur les fake news, il propose un texte sur les « services écologiques » des animaux et des plantes.

Quant à Angela Merkel et Donald Trump, assis à côté d’un feu de camp, ils devisent sur le nouvel ordre mondial, dont Emmanuel ne se fait pas. Ils regardent le monde qui les entourent, comme apaisés.

L’album met donc l’accent sur le potentiel changement de mentalité des Hommes, le changement de paradigmes et le renversement de l’ordre mondial. Et si les dirigeants des états du monde mettaient en œuvre les préceptes des Jivaros, peuple animiste ?

Le capitalisme est balayé

Dans Mythopoïèse, l’auteur de Anent, nouvelles des Indiens Jivoros, table sur l’effondrement du capitalisme, et y voit plutôt l’avènement d’une société nouvelle.

« La fin de l’économie de marché peut devenir le début d’une ère de liberté sans précédent. » [Karl Polanyi, La grande transformation]

Ainsi, un anthropologue Jivaro, Wajari Tsamarin, poursuit son étude sur la vie des habitants de Bois-le-Roi en Seine-et-Marne dans leur environnement brut quotidien. Il observe leurs comportements au Café de la gare mais aussi sur le marché. L’économie locale et solidaire se remet en marche. Et si le troc et l’échange de services étaient plus important que la monnaie ? Cette petite bourgade est l’une des dernières qui pratique les anciens usages capitaliste. En ce sens, ce lieu se doit d’être protégé pour être observé notamment par les plus jeunes qui ne connaissent plus cette doctrine. D’ailleurs cette poche de résistance est l’endroit où se sont réfugiés Macron, Trump et Merkl, chantres du libéralisme.

Mésanges, messagers

En plus des discours de politicien.ne.s parfois incompréhensibles et déconnectés de la réalité, Mythopoïèse met en scène deux mésanges contemplant les Hommes. Ces petites saynètes entre les deux volatiles entrecoupent les autres séquences et sont très drôles.

 » – Pourquoi ces gens lisent des BD sur l’écologie au lieu d’aller jeter des cailloux dans les vitrines des banques ?

– Je ne sais pas, les gens sont bizarres. »

Elles veulent faire la révolution, participent à des manifestations, en décousent avec les policiers,  réécrivent le discours de Nicolas Hulot et veulent aller soutenir les Zadistes de Notre-Dame-des-Landes. En choisissant de parler de ce haut lieu symbolique, Alessandro Pignocchi peut rappeler qu’il a aussi passé du temps la-bas, comme il l’a montré dans son album La recomposition des mondes (Seuil).

Aquarelles pour colorer le monde

Cet ancien chercheur en sciences cognitives et philosophie livre de superbes planches sans encrage. Ses aquarelles permettent d’apporter de la chaleur à Mythopoïèse. Comme si ses pages pouvaient colorer le monde avec douceur.

La faune et la flore sont sublimés sous ses pinceaux. Les deux mésanges drôles sont elles aussi magnifiées. Dans leurs arbres, elles semblent si humaines.

Mythopoïèse : un album réjouissant sur la nature, sur notre futur, sur notre ouverture au monde et aux autres.

Article posté le samedi 18 janvier 2020 par Damien Canteau

Mythopoïèse de Alessandro Pignocchi (Steinkis) - Petit traité d'écologie sauvage
  • Petit traité d’écologie sauvage : Mythopoïèse
  • Auteur : Alessandro Pignocchi
  • Éditeur : Steinkis
  • Prix : 16€
  • Parution : 16 janvier 2020
  • ISBN : 9782368463291

Résumé de l’éditeur : En nous mettant face à ces situations presque impensables nous prend par la main pour nous amener à les envisager. Un anthropologue Jivaro « fait son terrain » dans la commune de Bois-le-Roi, des pinsons et mésanges définissent les nouvelles lois, Trump Merkel et Macron formant la minorité occidental à préserver. En quatre chapitres dessinés, Pignocchi nous place tantôt dans un arbre, tantôt à l’Élysée. Nous sommes oiseau qui pense militant, nous sommes présidents qui pensent indien. Lire pour redescendre dans le croyable et cette fois, envisager vraiment le renversement.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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