Night eaters tome 1

Fidèle à sa stratégie de suivi d’auteurs et autrices, Delcourt Comics propose la nouvelle création de Marjorie Liu et Sana Takeda. Après le monde de fantasy de Monstress, place à la monstruosité quotidienne de Night Eaters tome 1.

Night Eaters tome 1 : Rien n’est plus horrible qu’un quotidien barbant

À New York, de nos jours, un frère et une sœur originaires d’Asie essaient de vivre leur vie de jeune adulte sous le regard de leurs parents. Si le père se montre toujours positif et aimant, la mère, elle, est aussi rêche qu’une trique. Comme nombre de mères asiatiques aux États-Unis, désireuse de pousser ses enfants à l’excellence ? Ou bien cette femme cacherait-elle un secret bien plus sombre ?

Des autrices qui se renouvellent

Si vous venez à Night Eaters tome 1 grâce à la série Monstress, attendez vous à être surpris.
Et en premier lieu, par le dessin. Car même si Sana Takeda conserve son identité globale (perceptible notamment par sa palette de couleurs), elle semble ici changer fortement son trait. Après avoir marché dans les clous du comic-book de genre grand public, elle s’inspire dans Night Eaters d’une démarche beaucoup plus orientée roman graphique. Tranche de vie pourrait-on dire.

Le trait se montre plus instinctif, moins contrôlé. On perçoit l’envie d’un dessin plus rapide à exécuter, moins concentré sur la précision des détails.

Night Eaters tome 1 ou la parole des communautés asiatiques américaines

Et cette évolution est doublement logique. D’abord, parce que Night Eaters raconte avant tout la vie de jeunes adultes nés de parents immigrés. Une parole qui s’exprime beaucoup plus en comic-book ces dernières années, pour ce qui est de la communauté issue des pays d’Asie. American Born Chinese avait ouvert la voie, In Limbo fait partie des derniers avatars. Il est donc cohérent que la dessinatrice change son trait. Qu’elle s’inspire plus du champ du roman graphique que du comic-book traditionnel.

Chérie ? Ca va trancher !

Mais Night Eaters n’est pas, une bande dessinée tranche-de-vie. Ou pas seulement. C’est une BD de genre, d’horreur. Ipo, la mère, n’est pas juste une caricature de mère hyper exigeante. Elle est un monstre dont la nature reste encore à découvrir. Mais la connexion entre ces deux univers narratifs reste cohérente dans le dessin. Parce qu’en choisissant l’énergie contre la maîtrise, Sana Takeda s’autorise à aller piocher aussi dans les codes du manga. Le découpage survolté travaillé pendant les scènes d’horreur, sont de formidables espaces pour permettre à la dessinatrice d’aller droit à l’essentiel, au mouvement, à l’action. Ce que la culture BD japonaise sait développer à merveille.

On notera aussi que le travail d’esquisse, ce parfum d’inachevé, permet aussi de dissiper le réel et d’inviter les lecteurs à imaginer ce que peuvent cacher les noirs et les flous volontaires du dessin. Là encore, pour pousser un récit horrifique, il n’y a rien de mieux que de laisser la tête des lecteurs faire le travail.

Night Eaters tome 1 série à la croisée des chemins

Night Eaters tome 1, de Marjorie Liu et Sana Takeda est une œuvre atypique, connectée à plusieurs univers et qui pourra donc toucher à la fois celles et ceux qui cherchent du fond, et les autres qui veulent des sensations fortes.
Seul bémol, tout à fait technique celui-là, l’impression de l’album en Chine, qui lui confère un bilan carbone déplorable mais sans doute un coût moindre de production.

Article posté le mercredi 25 septembre 2024 par Yaneck Chareyre

Night eaters tome 1 de Marjorie Liu et Sana Takeda (éditions Delcourt)
  • Night Eaters, tome 1 : Elle dévore la nuit
  • Scénariste : Marjorie Liu
  • Dessinatrice : Sana Takeda
  • Éditeur USA : Abrams Comicarts
  • Éditeur France : Delcourt
  • Traduction : Renaud Cerqueux
  • Nombre de pages : 208
  • Prix : 25€50
  • Date de publication : 4 Septembre 2024
  • ISBN : 9782413078449

Résumé éditeur : La vie des jumeaux sino-américains Milly et Billy est dans la tourmente. Tandis qu’ils luttent pour maintenir leur restaurant à flot, leurs parents, Ipo et Keon, sont en ville pour leur rendre visite. Ayant émigré de Hong Kong, ils ont toujours soutenu leurs enfants et sont prêts à les aider. Mais lorsque la famille découvre d’étranges ossessements enterrés dans le jardin de la maison voisine, la peur commence à s’installer…

À propos de l'auteur de cet article

Yaneck Chareyre

Journaliste , critique et essayiste BD depuis 2006.

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